Carrefour : un “pacte social" avec formations à la clé

Par - Le 01 mai 2014.

“La victoire aime l'effort.
On ne lâche rien !", prône
l'une des affiches accrochée
au mur de la salle de formation
du Carrefour Auteuil à
l'occasion de la journée de
l'alternance organisée par
le géant de la grande distribution.
Car depuis 2013 et
le “nouveau pacte social"
mis en oeuvre par l'enseigne
dans le cadre de ses négociations
annuelles obligatoires
(portant notamment
sur l'employabilité, le renforcement
du tutorat et la
motivation), cette dernière
s'est engagée à promouvoir
le recrutement par la voie
de l'apprentissage et de la
professionnalisation au sein
de ses 221 hypermarchés et
de ses 923 supermarchés de
proximité Carrefour Market.

Objectif : 15 000 alternants et contrats de
professionnalisation en trois ans à raison de
5 000 par an, auxquels devraient s'ajouter
les 1 000 emplois d'avenir sur lesquels le
groupe a contracté en juillet dernier avec le
ministère de la Ville.

Alternance et reconversion

En 2013, la première opération montée par
le groupe s'était soldée par le recrutement
de 3 228 alternants (dont près de 3 000 en
contrat de professionnalisation). Des embauches
effectuées par le biais des stands
déployés dans toutes les grandes surfaces du
groupe, mais aussi via une [plateforme internet
dédié->www.alternance.carrefour.fr]. Dans les secteurs traditionnels de la
grande distribution, bien sûr – caisses, rollers,
agencement de rayons, métiers de bouche –,
mais aussi dans les activités annexes de l'enseigne,
comme les services bancaires ou les
assurances, recrutés au niveau bac + 2. Et si
ces recrutements sont ouverts aux jeunes de
moins de 26 ans, ils n'en laissent pas moins
une part importante à la reconversion professionnelle,
sur un ratio deux tiers - un tiers,
comme l'explique Isabelle Calvez, DRH de Carrefour
France.

Quand des jeunes “tutorent"
leurs aînés


Apprentis ou alternants en contrats de un
ou deux ans sur les métiers de bouche ou
les fonctions logistiques ; contrats de professionnalisation
de six mois sur les caisses
et les rayons, le groupe vise au terme de
ces contrats 50 % d'embauches en CDI,
en misant sur une politique de tutorat des
anciens sur les nouveaux. Sans hiatus d'âge,
cependant, puisqu'un “ancien" de 25 ans
mais disposant de plusieurs années d'expérience
dans le groupe peut se voir en charge
de l'accompagnement de “nouveaux" de dix
ans ses aînés en reconversion professionnelle,
au terme d'une formation de tuteurs
réalisée par l'École Carrefour (l'université
d'entreprise interne) et récompensée par
une prime de 100 euros. “Une prime surtout
symbolique, ce qui compte, c'est l'émulation",
confesse-t-on au sein du groupe.

Désaccords entre syndicats

Symbolique, mais surtout née des revendications
syndicales, lors de la négociation sur les
NAO − négociations annuelles obligatoires −
et portée, notamment par les deux organisations
signataires de l'accord : FO (46 % des
voix au sein du groupe) et la CFE-CGC, alors
que CGT et CFDT s'y opposaient. “La qualité
de l'accompagnement des apprentis et des
contrats de professionnalisation constituait
un élément déterminant pour nous", souligne
Jean-Yves Chaussin, délégué syndical central
Force ouvrière, dont le syndicat a milité pour
professionnaliser et valoriser au mieux les
tuteurs dans leur mission d'accompagnement.
“Et si l'accompagnement est bon, les anciens
apprentis choisissent de rester chez nous",
affirme Soed Toumi, la directrice de l'hypermarché
Carrefour Auteuil.

Bon plan pour l'emploi chez le premier employeur
français ? Côté syndical, pourtant,
ça grogne. “Avec cette politique, Carrefour
développe surtout l'emploi précaire !",
estime Virginie Cava, déléguée syndicale
centrale CGT du groupe. “Une entreprise
qui distribue près de 4 milliards d'euros à
ses actionnaires pourrait largement s'engager
au-delà de 50 % d'embauches en CDI
après un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.
Là, on embauche des précaires
en leur faisant comprendre qu'il faut
cravacher et se taire !", s'indigne-t-elle. Et
regrette que le “pacte social" ne comporte
pas de mentions quantitatives sur l'emploi.
Chez FO, on estime que le déploiement de
l'accord “va dans le bon sens", même “si ce
n'est qu'une première étape vers davantage
d'engagements en CDI au sein du groupe
après des années de perte d'emplois"
comme explique Jean-Yves Chaussin. Aux
ressources humaines de Carrefour, cependant,
on explique que “même si l'on souhaite
faire davantage, 50 % d'embauches
en CDI après un contrat de professionnalisation
ou d'alternance demeure un cadre
raisonnable".