Comment l'accord formation de La Poste sera appliqué

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre 2014 - Cédric Morin

Par - Le 15 octobre 2014.

L'accord “Un avenir pour
chaque postier" n'a été
signé en septembre que
par quatre organisations
syndicales, en dessous du
seuil de représentativité
nécessaire de 30 %.
Ce volet RH du plan
stratégique “La Poste
2020-Conquérir l'avenir"
se trouve, de fait, non
validé. Cependant, il va
pouvoir être mis en oeuvre.
Explications.

De l'avis de tous, le volet formation
du projet d'accord
soumis par la direction du
groupe La Poste aux partenaires
sociaux était particulièrement
ambitieux, en prévoyant notamment
que tous les agents bénéficieraient
au moins d'une action de formation
tous les deux ans. Indispensable pour
permettre à La Poste d'adapter les compétences
de ses 240 000 salariés aux
mutations auxquelles est confronté le
groupe.

L'activité courrier poursuit
sa baisse


Ce dernier, qui assure la mission de
“service universel postal" pour la distribution
du courrier, voit son coeur
d'activité décliner. Avec une baisse de
fréquentation des bureaux de poste
de 11 % sur deux ans, il souhaite se
déployer sur le secteur bénéficiaire des
activités bancaires. Depuis 2012, la distribution
de courrier est une activité en
baisse de plus de 5 % chaque année, tandis
que de plus en plus d'usagers utilisent
les services à distance, qui supposent
également de nouvelles compétences et
offrent des perspectives de reconversion
pour ses postiers.

100 heures de formation
par postier


Pour la première année en 2014, l'activité
courrier du groupe La Poste est déficitaire,
et tout l'enjeu du plan stratégique
“La Poste 2020-Conquérir l'avenir" est
d'accompagner la mutation du groupe
vers les activités bancaires, notamment
dans le cadre de son volet ressources humaines,
qui était soumis au vote des partenaires
sociaux. Avec en toile de fond
un climat social tendu, dans un contexte
de suppressions d'emplois, 4 500 en
2013 et près de 5 000 au seul premier
trimestre 2014, selon la CGT.

Pour la direction, l'une des ambitions
principales du plan stratégique est précisément
d'éviter un plan social à l'horizon
2020, grâce à un volet formation
comprenant “au moins 100 heures de
formation en moyenne par postier, tous
dispositifs confondus, sur la période 2015-
2020".

Le volet formation fait
les frais d'autres enjeux


In fine, bien que sur le contenu spécifiquement
lié à la formation professionnelle
les organisations syndicales n'exprimaient
aucune opposition, l'accord
a fait les frais d'enjeux dépassant son
cadre. Ainsi, seules quatre organisations
représentatives ont ratifié l'accord qui
leur était soumis jusqu'à la date butoir
du 15 septembre dernier, soit la CFDT,
la CFE-CGC, l'Unsa et la CFTC. Le
cumul des résultats de ces derniers au
premier tour des élections professionnelles
ne représente que 28,58 % des
suffrages exprimés, soit en dessous des
30 % des suffrages, indispensables,
pour que l'accord soit validé.

Les arguments
des non-signataires


Les organisations non signataires, Force
ouvrière, la CGT ou encore Sud ont
chacune consulté leur base avant de se
prononcer sur cet accord. “C'est un rejet
d'une ampleur inédite, par 80 % de nos
syndiqués", explique Jacques Dumans,
le secrétaire général de FO Postes et
Télécommunications. Alors que les
militants s'alarmaient de la perspective
de voir plus de 10 000 postes supprimés
par an, “l'aspect formation ou gestion prévisionnelle
des emplois et des compétences
n'a pas compté pour eux. Même s'il y a
quelques avancées".

Le rejet est tout aussi catégorique du côté
de la CGT, qui met en cause l'utilisation
de la formation pour acter d'autres
réformes structurelles, auxquelles elle est
viscéralement opposée. “Au premier trimestre
2014, plus de 5 000 emplois ont été
supprimés, les contrats d'apprentissage ou
de professionnalisation ne sont pas transformés
en CDI, argumente Hervé Tellier,
responsable CGT. Par ailleurs, ce projet
d'accord intègre les questions du complément
de rémunération et d'évolution des
grilles indiciaires pour les fonctionnaires.
À l'origine, ces questions étaient dissociées
et toutes les organisations syndicales étaient
opposées au fait de les réunir sous un même
accord."

Les problématiques subsistent

Si le groupe souhaitait obtenir l'aval
des salariés, les problématiques d'évolution
des compétences en interne subsistent,
et le contenu de l'accord sera
néanmoins mis en oeuvre, a précisé
sa direction. “Cette construction participe
au pacte stratégique. Bien sûr, il n'y
aura pas les contreparties financières prévues,
mais tout ce qui constitue le pacte
social va être déployé", a indiqué Sylvie
François, directrice générale adjointe
en charge des ressources humaines et
des relations sociales, le 23 septembre,
lors d'une conférence de presse.

450 millions d'euros
supplémentaires


La Poste va tout de même consacrer un
“investissement sans précédent" dans les
compétences, soit 450 millions d'euros
sur le plan 2015-2020, en plus des
253 millions annuellement dépensés
pour la formation des équipes. Un budget
qui permettra d'envoyer au moins
80 % des 236 000 postiers en formation
tous les ans, alors qu'actuellement,
seuls 40 % à 50 % d'entre eux suivent
un cursus chaque année.

La direction prévoit aussi de concentrer
cet effort sur les classes 1 et 2,
c'est-à-dire les facteurs, les agents de
production et les guichetiers, jusquelà
moins formés que les postiers plus
qualifiés. À ce titre, ils devraient bénéficier
d'au moins 100 heures de formation
sur la totalité du plan stratégique,
et devront être formés au moins une
fois tous les deux ans. Toutefois, les
classes bénéficieront de formations
proportionnellement à leur représentation
dans l'entreprise, avec au rang
des priorités fixées : les parcours qualifiants,
diplômants, la démocratisation
de la VAE, l'“acculturation numérique"
et l'ouverture d'une “école
RH" en interne.

Un postier sur quatre
en parcours qualifiant


Tout d'abord, un programme de parcours
qualifiants doit “accompagner les
postiers vers de nouvelles activités, vers
les métiers de demain ou pour acquérir
de nouvelles compétences devenues
nécessaires à leurs postes". Ces parcours
d'un minimum de 70 heures, utilisant
présentiel et formation à distance, seront
sanctionnés par une certification
interne. Ils vont concerner un postier
sur quatre, environ 50 000 sur la durée
du plan.

À titre d'exemple, Sylvie François a
indiqué que l'entreprise voulait développer
l'emploi de “facteur-guichetier",
qui distribue le courrier et assure
la réception des clients en agence.
Actuellement, ils sont 30, l'objectif
est d'en former au minimum 1 000, à
raison de vingt demi-journées de formation.

Ce type de parcours concernera aussi
les agents devant assurer les nouveaux
services que la poste envisage de rendre
pour compenser la perte de vitesse de
la distribution de courrier ou encore la
formation de conseillers pour la clientèle
professionnelle.

Développement des
compétences individuelles


“En 2011, moins de 5 % de notre
budget formation étaient consacrés au
développement des compétences individuelles.
Nous avons des progrès à faire
!", a consenti la DRH. En dehors des
besoins collectifs de formation, cette
part passera à 20 %. Sylvie François a
assuré que l'offre de formation serait
revue et qu'il y aurait un meilleur accès
à la formation diplômante et à la
validation des acquis de l'expérience.
Un programme spécialement dédié au
management (prise de responsabilité
ou accès à des fonctions supérieures)
sera dévoilé plus tard.

D'autre part, le service RH peaufine
le programme d'“acculturation numérique"
en cinq niveaux qui sera prescrit
à tous les postiers. Pas moins de
dix-neuf groupes homogènes ont été
formés pour accueillir des postiers de
même niveau.

Une école RH en gestation

Enfin, riche de 7 500 personnes, dont
1 000 RH de proximité qui ont bénéficié
d'un programme de formation
pour monter en compétences, la filière
RH va donc bénéficier de sa propre
école dans l'entreprise. Le projet
n'est pas encore abouti. Il s'appuiera,
notamment, sur des cours en ligne
internes, dont les contenus seront
adaptés aux besoins spécifiques. Mais
il faudra attendre courant 2015 pour
son ouverture, au même titre que pour
l'ensemble des mesures déployées dans
le cadre de la politique formation du
groupe.