Comment repenser le modèle économique de la formation

Par - Le 15 avril 2014.

Les entreprises se préparent à
faire face à l'application d'une
loi, celle du 5 mars, qui fait fortement
évoluer la formation professionnelle
telle qu'elle était
conçue depuis 1971, et dont les
décrets d'application vont s'avérer
décisifs. Le 20 mars dernier,
à l'occasion du salon Solutions
RH organisé à Paris, Training Orchestra,
éditeur de logiciels de
gestion de la formation, tentait
d'apporter son décryptage.

Les décrets qui vont
changer la donne


Un décret sur le socle de compétences
et de connaissances. Un
autre sur la prise en charge des
frais de formation par les Opca
des salariés mobilisant leur
compte personnel de formation.
Un troisième sur les modalités
du système d'information de la
Caisse des dépôts et consignations
sur le CPF. Ainsi que sur
les modalités de transfert du Dif
vers celui-ci. Et sur le devenir
de la déclaration fiscale “24-
83". Et sur la définition exacte
de l'action de formation et son
imputabilité. Et aussi sur le délai
de réponse de l'employeur en
cas de demande de formation
au titre du CPF par l'un de ses
collaborateurs. Et…
Face aux nombreux décrets qui
devraient accompagner la loi du
6 mars 2014 (et des résultats
des négociations de branche
et d'entreprise qui devraient
s'ouvrir quant aux abondements
du futur compte personnel de
formation), les entreprises
demeurent dans l'expectative
quant aux impacts de la réforme
sur leurs process RH et leurs outils
de gestion. Mais certaines,
déjà, commencent à travailler
sur différents scénarios pour
repenser leur modèle économique
en tenant compte de la
nouvelle donne sociale induite
par la loi. Le CPF, bien entendu,
mais aussi l'implication accrue
des représentants du personnel
dans les décisions sur le plan
de formation, l'entretien professionnel
ou encore la future offre
de service des Opca en direction
des entreprises.

Les “clients"
en voudront pour
leur argent


“On parle beaucoup du CPF
comme on a beaucoup parlé du
Dif en 2004", observait Claude
Emery, du pôle métiers de Training
Orchestra, “mais ce qui va
impacter les entreprises, ce sont
surtout les nouvelles modalités
financières que la réforme implique."
Parmi lesquelles l'épineuse
question de la gestion du
“0,2 % CPF" que la loi autorise
les entreprises – en fonction
des résultats des accords de
branche – à gérer en interne ou
à confier à l'Opca. Des Opca qui,
d'ailleurs, avec la fin de l'obligation
légale de contribution au
plan de formation, auront désormais
moins affaire à des “adhérents"
qu'à des “clients". Qui
risquent d'en vouloir pour leur
argent alors que, parallèlement,
la disparition du 0,9 % impactera
les fonds disponibles des
Opca même si les entreprises
demeurent libres de continuer à
verser une partie de leur masse
salariale au titre du plan de
formation. “Une entreprise qui
choisira de gérer elle-même ce
0,2 % doit en informer l'Opca
et, au-delà, la DGEFP [ 1 ]Délégation générale à l'emploi
et à la formation professionnelle.
dans le
cadre d'un bilan triennal. Cela
constituera une contrainte administrative
supplémentaire", a
rappelé Claude Emery.
Reste encore à savoir si cette
contrainte triennale pourra se
voir étalée sur trois ans ou correspondre
à 0,2 % par an. Pour
l'heure, la réponse est encore
soumise à un futur décret. Demeure
aussi la question de la
monétisation de ce “0,2 % CPF".
Selon les calculs de Training
Orchestra, cette contribution
pourrait s'élever, en moyenne,
à 80 euros par an et par collaborateur
pour une entreprise.
“Avec 600 euros sur cinq ans, on
ne financera pas grand-chose",
notait Stéphane Pineau, le président
de l'entreprise. Ce qui
ouvre la question des abondements
au compte personnel de
formation.

Deux scénarios

Pour l'heure, deux scénarios sont
envisagés par les DRH ou les
directions formation qui se sont
penchées sur la prospective. Le
premier, de nature “optimisatrice",
pourrait concerner les entreprises
qui auront le plus anticipé
l'application de la réforme
et auront su intégrer qu'avec
une cotisation obligatoire au
FPSPP, les Opca disposeront, en
début de collecte, de davantage
de fonds mutualisés à consacrer
aux entreprises qui y recourront
les premières. Quant au second,
il dépendra en grande partie de
la future définition qu'un décret
donnera à l'action de formation
et à l'imputabilité de celle-ci
ainsi qu'aux contours du futur
socle de compétences et de
connaissances qui pourrait intégrer
les langues et l'informatique,
par exemple. “En fonction
de la rédaction de ces décrets, il
y aurait plus ou moins de choses
susceptibles de passer dans la
case des dépenses formation
de l'entreprise…", soulignait
Stéphane Pineau. “C'est une
vision cynique, mais c'est quand
même une tendance que nous
constatons."

Notes   [ + ]

1. Délégation générale à l'emploi
et à la formation professionnelle.