Confrontations Europe explore la “revalidation régulière des savoirs"

Par - Le 01 mars 2014.

La mobilité transnationale est inhérente à la construction européenne : elle en est à la fois
l'objectif et le moyen d'accomplissement. Mais pas de mobilités professionnelles sans
reconnaissance des compétences et qualifications − en prenant garde à d'autres frontières,
telles que celle qui sépare formation initiale et formation continue. Idée lancée : le concept
de “revalidation régulière des savoirs".

La mobilité doit être construite
afin qu'elle devienne positive au
niveau européen. L'Union européenne
a besoin d'organiser les
transitions et mobilités professionnelles
et géographiques en son sein afin
d'accompagner les salariés, les étudiants,
les entrepreneurs et les formateurs", indiquait
Anne Macey, secrétaire générale
de l'association Confrontations Europe,
à Bruxelles le 18 février dernier, lors
du troisième séminaire (“Construction
des mobilités d'emploi et de formation
transfrontalières en Europe") des Entretiens
économiques européens 2014, sur
la “Modernisation du modèle social
européen et des relations industrielles" [ 1 ]Organisés par Confrontations Europe, en
partenariat avec près d'une quinzaine d'organisations
européennes, ces entretiens seront clôturés le
20 mars par un colloque sur la “Valorisation de
l'investissement humain : formation, mobilité et
emploi en Europe".
.
“Une telle organisation peut certes se révéler
chère, mais moins que de se permettre
de gaspiller son capital humain et de produire
une « génération perdue ». Depuis le
début de la crise économique et sociale, en
2008, une nouvelle vague de mobilité professionnelle
et de formation se développe,
notamment parmi les publics jeunes, par
exemple entre l'Espagne et l'Allemagne",
a-t-elle ajouté. Selon elle, les systèmes de
formation, particulièrement professionnelle,
apparaissent inadaptés aux besoins
de production de nombreux pays.
Alors que dans le même temps, des pays
dont la population est de plus en plus
âgée manquent de main-d'oeuvre qualifiée,
notamment des ingénieurs et des
techniciens, et doivent faire appel à des
travailleurs étrangers.

Crise durable de
la “compétence professionnelle"


Pour François Michaux, chercheur à
Confrontations Europe et ancien haut
responsable emploi (secrétaire exécutif
du secrétaire général, puis de la prospective
RH) du groupe Renault, l'Europe
est entrée dans “une crise durable de la
compétence professionnelle". Qui s'explique,
selon lui, par cinq éléments :
l'accélération des mutations technologiques
(diversification de l'innovation,
contraintes environnementales, etc.),
l'“effondrement démographique" dans
certaines régions du monde (en Europe,
mais aussi en Asie), l'“affaiblissement des
systèmes éducatifs en Europe" (difficultés
de réformer, renouvellement démographique
massif du corps enseignant, difficultés
à suivre le rythme de l'innovation),
la diversité croissante des publics
à former (jeunes “issus de la diversité",
immigrés récents, adultes en reconversion
aux niveaux de qualification hétérogènes),
et enfin l'“incapacité globale
des systèmes de reconversion des chômeurs
à répondre à la demande", faute d'outils
pertinents, de méthodes adaptées, de
moyens financiers suffisants pour accompagner
l'explosion des besoins de
reconversion.

Lever les “barrières physiques
et psychologiques"


L'une des solutions serait d'“éliminer
les barrières physiques et psychologiques
qui empêchent les Européens de mettre en
place des programmes favorisant les mobilités
professionnelles et d'apprentissage", a
soutenu Philippe Herzog, fondateur de
Confrontations Europe, ancien député
européen et conseiller spécial auprès de
Michel Barnier, commissaire européen.
Celui qui invite les acteurs économiques
à un “choc des consciences" a prôné les vertus
de la mobilité. Quelle qu'elle soit. “Il
ne faut pas avoir peur de la mobilité transnationale.
Compte tenu des mutations
de tous genres (démographiques, économiques,
technologiques, etc.), nous ne pouvons
pas nous fermer aux échanges. Nous
devons partager nos opportunités d'emplois
et de formations. Il y va de la survie du
modèle économique et social de l'Europe",
a-t-il plaidé.

Outre le manque de formation adéquate,
le manque d'information (sur le
marché du travail, les qualifications et
les diplômes requis) constitue justement
un obstacle à la mobilité professionnelle
et de formation transnationales. “Les territoires
de différents pays doivent travailler
davantage ensemble pour construire des
projets concrets et durables de mobilité des
compétences transfrontalières", a plaidé
Concetta Mundo, chargée de mission
en charge des questions d'emploi et de
formation à l'association [Mission opérationnelle
transfrontalière->www.mot.asso.fr].
Comme Philippe Herzog, Dirk G.
Bochar, le secrétaire général de la Fédération
européenne d'associations nationales
d'ingénieurs (FEAni), a estimé
que Erasmus + faisait partie de ces
outils dont dispose l'Europe pour faire
de la mobilité transnationale un atout.

“Pédagogie globale"
en quatre étapes


Mais, plus encore, les liens entre la formation
initiale, la formation continue,
d'une part, et les organismes de formation
et le monde de la production, de
l'autre, doivent être revus et renforcés.
Pour François Michaux, un blocage
majeur est à surmonter : “L'imperméabilité
persistante entre les trois sphères de
la formation professionnelle − la sphère de
la formation professionnelle initiale des
adolescents, celle de la formation continue
des adultes et celle de la reconversion professionnelle
−, gérées par des acteurs différents,
avec des méthodes différentes, alors
que la formation tout au long de la vie
suppose une réflexion globale, continue, sur
la gestion des compétences individuelles."
Prenant l'exemple des États-Unis, il a
proposé à la Commission européenne
de “bâtir une pédagogie globale en
quatre étapes". Tout d'abord, il apparaît
nécessaire d'organiser entre formations
initiale et continue un continuum pédagogique,
où l'adolescent apprenne
à maîtriser les outils d'autoformation
qu'il utilisera naturellement durant sa
vie professionnelle. Deuxième étape,
en formation continue, il faut organiser
− avec les partenaires sociaux − la
“revalidation régulière des savoirs". Imposée
et sanctionnée, elle aurait pour
effet de “susciter un investissement individuel
généralisé des personnes en activité
et de créer les outils d'autoformation et
l'accompagnement pédagogique nécessaires".
La troisième étape consisterait à
créer, en mutualisant les coûts (au sein
des branches, entre États de l'Union
européenne), des outils pédagogiques
interactifs, adaptés à la diversité des
profils à former à l'école comme dans
l'entreprise. Enfin, quatrième étape :
diffuser régulièrement l'actualisation
des outils pédagogiques et des programmes
de la formation continue
(créatrice de l'offre) vers les autres
sphères de formation. “En formation
initiale, il s'agira de mettre à disposition
des outils pédagogiques actualisés,
adaptés aux spécificités de la formation
initiale, en validant régulièrement et
obligatoirement la maîtrise de ces outils
comme des contenus par les enseignants,
a précisé François Michaux. En formation
reconversion, la solution sera de
faire le même effort d'adaptation et de
mise à disposition des outils d'autoformation
créés en formation continue en
faveur des organismes de reconversion."

Expérimentation
nécessaire


Le chercheur recommande de développer
ce programme par une “approche
progressive", qui commencerait
par une “expérimentation au départ
limitée à une ou deux branches, avec
une incitation financière de l'Europe,
dans des programmes associant des
États volontaires". Celle-ci serait suivie
d'une autre, “ciblée sur les branches où
la rapidité de l'innovation a déjà suscité
la création par les entreprises d'outils et
d'expertises en autoformation (l'automobile,
les nouvelles énergies, le nucléaire,
etc.)".

Bien sûr, il faudrait y “associer des
experts de l'enseignement initial, de la
formation continue, de la reconversion
des chômeurs et du jeu vidéo, afin d'assurer
la « commonalité » des mécanismes
d'apprentissage mis en œuvre dans les
trois sphères". Une telle expérimentation,
a-t-il insisté, devrait être portée
par les partenaires sociaux et les États
en charge de la définition régulière
actualisée des exigences en matière de
savoir-faire, de tests de validation et
d'outils d'autoformation.

Notes   [ + ]

1. Organisés par Confrontations Europe, en
partenariat avec près d'une quinzaine d'organisations
européennes, ces entretiens seront clôturés le
20 mars par un colloque sur la “Valorisation de
l'investissement humain : formation, mobilité et
emploi en Europe".