Deux Normandies qui peinent à travailler de concert

Par - Le 15 juin 2014.

En toute logique, les deux régions normandes ne devraient faire qu'une avec la réforme territoriale.
à ce jour, elles coopèrent peu dans le cadre de leur politique de formation professionnelle, en dépit de
priorités communes et de savoir-faire complémentaires...

es travaux sur la future carte des
14 régions françaises continuent,
mais quel sera l'impact
des fusions sur les politiques de
formation menées par ces collectivités
? Selon toute vraisemblance,
la Basse-Normandie et la Haute-
Normandie ne devraient faire qu'une
région dans les mois à venir. Pour
autant, ces dernières n'ont pas attendu
la réforme pour prendre des initiatives
interrégionales.

Objectif affiché : coopération

“La réflexion débute tout juste sur l'impact
du redécoupage territorial, et il est
difficile d'avoir une vision précise de l'évolution
de nos politiques dans le cadre de
ce redécoupage, indique Nicolas Mayer-
Rossignol, le président du Conseil
régional de Haute-Normandie. Quelle
que soit la future carte des régions, notre
objectif est de renforcer les collaborations
que nous menons déjà, voire d'en développer
de nouvelles, chaque fois qu'elles
seront sources d'économies et qu'elles
amélioreront l'efficacité de nos politiques.
C'est le cas, notamment, pour notre offre
de formation, avec des projets utiles pour
l'emploi et le quotidien des habitants."

Commencer par le tourisme

Si l'on pouvait supputer que les deux
Normandies étaient des partenaires
privilégiées dans le cadre du développement
d'actions communes de formation,
ce n'est pas particulièrement le cas
au-delà du tourisme. “Nous avons initié
voici dix ans, dans le cadre d'un contrat
d'études prospectives, un observatoire
dédié au secteur du tourisme, explique
Yanic Soubien, vice-président en charge
de la formation professionnelle de la
Région Basse-Normandie. L'objectif est
notamment de permettre aux gîtes et aux
campings d'obtenir les compétences exigées
dans les cahiers des charges des labels
que subventionnent nos Régions, comme
« Bienvenue à la ferme ». Ce n'est pas suffisant,
à mon sens, et nous devons travailler
plus ensemble, notamment avec les hypothèses
de fusion."

Poursuivre avec les énergies
renouvelables


Création d'un parc de 75 éoliennes
marines à Courseulles-sur-Mer et
d'une base logistique pour son entretien
à Ouistreham, construction d'un
pôle national pour les énergies marines
renouvelables...
La région, qui
dispose d'une
façade maritime
particulièrement
propice aux énergies
vertes, met
le cap sur ce secteur
d'avenir : elle a mis en place, par
exemple, un dispositif emploi-formation
avec EDF Énergies nouvelles et
Alstom, pour former notamment des
demandeurs d'emploi aux compétences
nécessaires à ce secteur.

“Notre rôle, c'est d'anticiper l'innovation,
poursuit Yanic Soubien, élu écologiste.
Dans ce cadre, nous préparerons les compétences
de demain, qu'il s'agisse de l'éolien
ou de l'hydrolien. Nous travaillons
en permanence avec les groupes donneurs
d'ordre de ces marchés, dans le cadre d'une
démarche interrégionale qui associe toutes
les Régions de l'arc ouest, de la Picardie
aux Pays de la Loire." Les formations
financées préparent à des métiers existant
dans les secteurs de la plasturgie ou
la chaudronnerie. Ces cursus sont axés
sur l'utilisation de nouveaux matériaux
ou des conditions de travail atypiques,
sous-marines ou en mer.

Complémentarité de
l'offre de formation


La Haute-Normandie mise également
sur le développement de l'éolien, en formant
sur son territoire des électrotechniciens,
des soudeurs, et en développant
en alternance depuis 2013 des CAP et
bac pro de plasturgie, des BTS de maintenance
industrielle, ou encore, à la rentrée
prochaine, un bac pro usinage... Soit
au total 52 places en formation, pour
un coût annuel de 496 000 euros, dont
220 000 euros pour la rémunération
des stagiaires. Par ailleurs, la collectivité
travaille en étroite collaboration avec
le chantier école WindLab à Amiens,
ouvert en septembre dernier à l'initiative
du Conseil régional de
Picardie. Une structure qui
prépare 32 stagiaires à la formation
qualifiante de technicien
de maintenance de
parc, organisée par Proméo
et le Gréta d'Amiens, sur
un campus qui dispose d'un
mat d'exercice de 30 mètres, de turbines
et ponts roulants. “Dans une logique de
mutualisation des moyens publics et de
complémentarité de l'offre de formation
avec le Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-
France, nous avons passé une convention
avec la Picardie qui nous a permis d'envoyer
quatre personnes suivre ce BTS", explique
Nicolas Mayer-Rossignol, en précisant
que sa collectivité apporte 44 000
euros sur un budget total de 1,8 million
d'euros, pour avoir six places de formation
par an.

Ici, un “contrat d'accès
à la qualification"...

La Région Haute-Normandie met
l'accent sur les secteurs sous tension
comme l'industrie, avec un accroissement
de l'offre de formation pour les
métiers de service où les compétences
manquent, comme la gestion de paie,
la maintenance ou l'entretien des locaux.
De futurs professionnels qui sont
également destinés, pour partie, au secteur
des énergies renouvelables, tandis
que la Région multiplie les innovations
destinées à des publics ciblés. C'est
l'exemple du contrat
d'accès à la qualification,
piloté, financé
et initié en 2011 en
collaboration avec les
Missions locales pour
la catégorie des 16-25
ans sortis sans diplôme
de l'Éducation nationale.
Globalement, la
collectivité consacre
6,7 millions d'euros
aux Missions locales
pour l'accompagnement
des jeunes, un
budget qui a été abondé
de 500 000 euros en 2014 pour renforcer
leur encadrement.

... là, le dispositif “Espoir"

Pour ces publics, la Basse-Normandie
multiplie les dispositifs complémentaires,
notamment pour préparer à l'entrée
en cursus qualifiants. Il va s'agir du
dispositif Espoir (Espace orientation et
intégration régionale). Ce parcours de
découverte qui permet de tester plusieurs
métiers s'étend sur quatre à cinq
mois, et il a profité à 3 200 jeunes sans
qualification ou chômeurs en reconversion
pour un budget de 6,2 millions
d'euros. Les bénéficiaires sont orientés
par les Missions locales, Pôle emploi
ou Cap emploi, et les plus fragiles
passent en amont par Elan : un dispositif
de resocialisation qui s'adresse à
800 personnes, un public RSA, et qui
permet d'acquérir les apprentissages
fondamentaux ou de réapprendre les
bases du savoir-être en entreprise. “Il
s'agit de parcours individualisés de 50 à
300 heures avant d'intégrer le dispositif
Espoir, puis nos dispositifs de qualification
qui sont individuels ou collectifs.
C'est la complémentarité de nos dispositifs
qui permet à terme d'avoir un taux
d'accès à l'emploi de 65 à 70 %", affirme
Yanic Soubien.

Travailler avec
les observatoires de branche
et les Carif


Ces dispositifs de formation qualifiante
couvrent tous les secteurs d'activité
(service à la personne, agroalimentaire,
restauration...) et tous les niveaux de
qualification, du niveau CAP au BTS
pour les formules collectives, et à partir
de la licence pour l'individuel, pour un
budget global de 24 millions d'euros
et près de 5000 bénéficiaires. “Pour
préparer notre ingénierie de formation,
nous travaillons avec les observatoires
de branche et les Carif, précise Yanic
Soubien. Il est indispensable d'avoir une
vision précise des besoins pour garantir de
bons taux d'accès à l'emploi. Pour attirer
vers l'industrie, et c'est difficile, nous
avons 500 ambassadeurs qui viennent
présenter leur métier depuis quatre ans.
Ce n'est pas avec des fiches métiers que
nous susciterons des vocations !"

“Il ne faut plus raisonner à
l'échelle régionale, mais à celle
d'un territoire"


Depuis trois ans, la Basse-Normandie
a initié 11 comités locaux d'économie,
d'emploi et de formation, qui
regroupent tous les acteurs de ces
questions. En lien constant avec les
entreprises, ils permettent de partir
de leurs besoins plutôt que du taux de
chômage pour préparer la politique
régionale de formation. “Il ne faut
plus raisonner à l'échelle régionale, mais
à celle d'un territoire", explique Yanic
Soubien, dont le service formation
compte 50 salariés, contre 67 chez
son voisin. En Haute-Normandie,
le service régional se divise en trois
pôles : celui consacré à la gestion des
actions de formation, celui à la rémunération
des stagiaires, et enfin le pôle
Animation et partenariat, qui assure le
lien au territoire.

Par ailleurs, la Basse-Normandie finance
la formation et la rémunération
de jeunes (1,6 million d'euros en 2013
et 260 bénéficiaires) dans le cadre du
remplacement d'un futur retraité, et
en contrepartie d'une promesse d'embauche.
Un programme qui affiche un
taux d'accès au CDI de plus de 90 %.
Pour leur ingénierie de formation, les
Normandies s'appuient sur les ressources
recueillies par leurs Carif respectifs,
mais elles ont tout à gagner de
l'expérience de leur voisine. Travaux en
cours.