En attendant de possibles fusions des Régions, les formations interrégionales continuent

Par - Le 16 février 2014.

Aujourd'hui, la force des Régions repose notamment sur leur connaissance des besoins locaux en
matière de formation. L'enjeu est pour elles de mieux accompagner, plus vite et au moindre coût,
le secteur productif sur leur territoire. C'est ainsi qu'existent déjà des coopérations interrégionales
dans le domaine de la formation et de l'apprentissage.

Redessiner la carte des Régions
de France ? La réouverture récente
de cet ancien dossier par
le président de la République a
rappelé l'attention sur leurs compétences.
Dans le cadre de ses “voeux
aux Corréziens", le 18 janvier, François
Hollande annonçait que l'État allait
transférer “de nouvelles compétences" aux
collectivités. “Je pense notamment aux
aides aux entreprises, au soutien à l'innovation,
à la politique de l'emploi, à la gestion
des fonds européens. La liste n'est sans
doute pas close et nous aurons l'occasion
d'en reparler partout où l'État n'a plus
vocation, lui-même, à intervenir efficacement."
Et d'indiquer : “Les Régions qui
se regrouperont ou qui mutualiseront des
services bénéficieront d'un bonus dans le
calcul des dotations de l'État."

Des ressources en cohérence
avec les compétences


De son côté, Alain Rousset, président
de l'Association des Régions de France
(ARF), n'écartait pas davantage cette
idée de fusion entre des Régions, lors
des voeux de l'association, le 29 janvier.
Mais “le vrai problème c'est la faiblesse
des moyens des Régions", précisait-il. Le
budget des Régions françaises est de
395 euros par habitant. Il est dix fois
plus important en Allemagne. “Il faut
que nos ressources soient en cohérence avec
nos compétences", a-t-il revendiqué.

Vers un nouveau projet de loi

Le président de la République a demandé
au gouvernement de préparer
un nouveau projet de loi, et non pas
de simples retouches des projets de loi
déjà préparés, à savoir les volets 2 et 3
de l'“acte III". Le nouveau texte, qui
devrait être présenté le 2 avril en conseil
En attendant de possibles fusions
des Régions, les formations
interrégionales continuent
des ministres, porterait sur les deux
grandes questions abordées par le chef
de l'État, à savoir celle des compétences
et celle des “fusions" ou du “redécoupage"
dans une logique de rationalisation.
L'objectif étant “d'aller vers plus de simplification,
plus de soutien à l'emploi,
plus de formation, plus d'éducation, plus
de dialogue social...", a avancé François
Hollande.

Blocs de compétences
“exclusives"


En outre, Anne-Marie Escoffier, ministre
déléguée à la Décentralisation,
a indiqué le 4 février que le gouvernement
entendait préciser le transfert aux
Régions de blocs de compétences “exclusives"
dont elles seront les chefs de file
(orientation, apprentissage, formation
professionnelle, développement économique,
innovation...). Chaque Région
devrait adopter, pour chacune de ces
compétences, un schéma “intégrateur"
devant formaliser la stratégie retenue par
la Région. Ce schéma serait “validé par
l'État", et serait prescriptif et opposable
aux autres collectivités. Sur cette base, le
chef du gouvernement prépare les mesures
qui seront destinées à encourager
la “fusion volontaire" des Régions − après
les élections de 2015.

Une “masse critique"
démographique et financière


“J'ai déjà observé que nous avions trop
de Régions en France", rappelle Jean-
Claude Carle, sénateur (UMP) de la
Haute-Savoie, interrogé par L'Inffo.
“Il est nécessaire qu'elles s'inscrivent dans
l'Europe des 28. Elles doivent réunir des
tailles démographique, géographique et
financière, et des compétences, qui permettent
de rivaliser avec les régions européennes",
considère-t-il. Mais “la grande
rupture se situe au plan de l'organisation
territoriale. À ce titre, le renforcement
des compétences des Régions dans le cadre
du projet de loi relatif à la formation va
dans le bon sens. Mais quelle puissance
vont-elles obtenir en matière de formations
professionnelle et initiale ? Car il
faut une masse critique démographique
et financière qui puisse permettre d'être
compétitif dans le concert européen".
Pour l'heure, les 26 Régions françaises
pèsent peu en regard des 16 Länder.
Le seul Land du Bade-Wurtemberg
dispose d'un budget de 35 milliards
d'euros, alors que le budget cumulé
des Régions françaises en 2010 atteint
26 milliards d'euros. Ce qui confère
aux Länder une capacité d'intervention
bien plus forte. La Région Rhône-
Alpes et le Bade-Wurtemberg ont un
budget respectif de 400 euros et de
3 261 euros par habitant. “Le législateur
doit élaborer les conditions pour qu'il
y ait un remodelage des Régions et créer
les conditions pour passer par-dessus les
freins culturels et administratifs. Il s'agit
de créer des économies d'échelle (frais fixes
à mutualiser, etc.), et une efficacité pédagogique",
expose Jean-Claude Carle.

Formations interrégionales
dans le Grand Est


À partir des années 1990, plusieurs
Régions ont décidé d'apporter une aide
concrète aux étudiants ou aux apprentis
originaires d'autres régions, généralement
limitrophes. Des coopérations
interrégionales, formalisées par des
conventions, ont été instaurées pour la
construction d'établissements ou pour
l'appui régional aux CFA.
C'est ainsi, par exemple, qu'une
convention de partenariat interrégio
nal datant de septembre
2012 a permis l'ouverture
d'instituts interrégionaux
de formation en psychomotricité
et ergothérapie.

“Ces formations s'inscrivent
dans une volumétrie cohérente
et adaptée par rapport
à un besoin propre au
Grand Est", commente
Steven Thenault, directeur
éducation et formation à la
Région Alsace.
En 2008, les cinq Régions
du Grand Est (Alsace,
Bourgogne, Champagne-
Ardenne, Franche-Comté,
Lorraine) ont réalisé une
étude commune sur les
besoins en professionnels
qualifiés pour les professions
paramédicales.
Laquelle a démontré la
nécessité de renforcer l'offre de formation
sur, notamment, deux métiers en
grande tension : ceux d'ergothérapeute
et de psychomotricien. Elle préconisait
que ces formations soient mises
en oeuvre au plan interrégional pour
trouver des économies d'échelle, tout
en respectant les besoins exprimés par
chaque Région. En 2011, n'existait
qu'un seul institut de formation en
ergothérapie dans le Grand Est, l'Institut
lorrain de formation en masso-kinésithérapie
et ergothérapie (ILFMKE)
situé à Nancy. Cet institut était alors
accessible aux étudiants issus de Paces
(première année commune aux études
de santé) de Nancy, c'est-à-dire “ressortissants"
de Lorraine. À partir de 2012,
grâce à la convention, l'ILFMKE a ouverts
ses portes à ceux de Champagne-
Ardenne... Parallèlement, un Institut
interrégional de formation en ergothérapie
(IIFE) a ouvert ses portes en septembre
2012 à Mulhouse. Il accueille
des “ressortissants" de l'Alsace, de la
Bourgogne et de la Franche-Comté.
Un Institut interrégional de formation
en psychomotricité (IIFP), lui aussi
ouvert à Mulhouse, est accessible aux
étudiants issus des établissements des
cinq régions du Grand Est. La Région
Alsace a la charge du fonctionnement
et de l'équipement de chacun des deux
instituts publics qu'elle a autorisés. Elle
verse aussi une subvention de fonctionnement
au centre hospitalier de
Mulhouse, support de ces instituts. Le
principe est celui de la gratuité du coût
de la formation, hors frais d'inscription.
Chaque Région prend en charge
ses “ressortissants" sur la base du “coût
analytique moyen" opposé, à l'issue de
l'exercice fait, par l'établissement pivot
de l'institut de formation.

Bretagne et Pays de la Loire en
faveur de l'industrie


Autre exemple récent : en décembre
2013, lors d'un séminaire interrégional,
les Régions Bretagne et Pays de la Loire
ont présenté le projet de création d'un
campus universitaire à Redon (Ille-et-
Vilaine), auquel la Région Bretagne
vient d'octroyer un premier soutien de
15 000 euros. Dédié à l'enseignement
supérieur, mais aussi à la formation
continue, il prolongera l'offre des établissements
du pays de Redon pour
répondre aux besoins des entreprises
locales. Il s'agit de créer des filières qui
permettent une poursuite d'études,
telles des licences professionnelles. Ce
pôle d'enseignement professionnel et
d'innovation se structure actuellement
en collaboration avec, notamment,
l'Institut de recherche technologique
Jules-Verne des Pays de la Loire.

La Picardie ne veut pas être
“absorbée"


Bien sûr, pour mener à bien ce type
de décloisonnements, il faut être en
confiance. “La réouverture du débat sur
la réduction du nombre de Régions a fait
resurgir les craintes de voir disparaître la
Picardie, cinq ans après la publication
du rapport Balladur qui avait déjà suscité
une vive protestation." Réunis en
assemblée plénière le 7 février dernier,
les élus du Conseil régional de Picardie
ont réaffirmé leur attachement à leur
collectivité, “à son unité et à sa capacité
à décider de son avenir dans le respect des
lois de la République".

En effet, en 2009 déjà, un projet de
redécoupage régional avait été exposé
par le Comité pour la réforme des collectivités
locales présidé par Édouard
Balladur, puis repris en 2013 par une
mission d'information sénatoriale
présidée par un autre ancien Premier
ministre, Jean-Pierre Raffarin. Les élus
picards ont souligné que “la Picardie
se situe dans la moyenne des Régions
européennes pour sa population et sa
superficie (...), la bonne dimension pour
répondre concrètement aux besoins de la
population en matière d'enseignement secondaire
et supérieur, de formation continue
et d'emploi, d'environnement et de
transports quotidiens". Et de dénoncer :
“Ce qui distingue la France des autres
pays européens, c'est l'hyper concentration
des pouvoirs de la Région capitale et la
faiblesse des moyens d'intervention des
Régions françaises, qu'il s'agisse de leurs
moyens financiers ou de leurs capacités à
exercer pleinement des compétences clairement
identifiées."