Hôtellerie de plein air : le pari emploi-formation pour les saisonniers

Par - Le 01 septembre 2014.

Pendant la période estivale, certains se détendent, mais d'autres travaillent − et sans relâche.
Malgré des cadres parfois idylliques, les saisonniers du secteur touristique sont marqués par un taux
de précarité élevé. Souvent bassement qualifiés, ils n'ont pas la possibilité d'obtenir des contrats
protecteurs. Des initiatives prennent forme localement pour pérenniser les emplois et garantir
la montée en compétence de ces salariés.

Depuis l'année dernière,
la branche de l'hôtellerie
de plein air s'est
lancée dans un dispositif
visant à garantir
les emplois des travailleurs
saisonniers, tout en assurant
des heures de formation aux
personnes embauchées.
Le “CDI emploiformation"
a été mis
en place de manière
expérimentale par un accord
cadre conclu par la
Fédération nationale de
l'hôtellerie de plein air le
18 janvier 2012 pour
préparer le futur et
maintenir la compétitivité
des entreprises
de la branche. Il prend
la forme d'un contrat
de travail à durée indéterminée
et pendant les
périodes creuses, souvent
synonymes de chômage
pour les saisonniers, ces derniers bénéficient
d'une période de formation.

La Bretagne : berceau du
“CDI emploi-formation"


En 2013, l'expérimentation a été lancée
dans quatre régions drainant une
forte activité touristique saisonnière :
la Bretagne, les Pays de la Loire, le
Nord-Pas-de-Calais et la Picardie.
La région bretonne a été le véritable
berceau de ce dispositif innovant. Et
pour cause, c'est Yves Le Floch, gérant
du camping Beau Séjour à Quiberon
(Morbihan), qui est un peu le père de
ce CDI d'un nouveau genre. “C'est un
chantier sur lequel je travaille depuis près
de douze ans. Mon objectif a toujours été
de transformer la précarité en pérennité."

Former en périodes creuse,
pour fidéliser


Pour lui, l'important était de faire de la
saisonnalité une force. “Nous voulions
faire en sorte que la période creuse des saisonniers,
qui engendre souvent précarité
et instabilité professionnelle, devienne
une période favorable pour le salarié et
pour l'entreprise." La région s'est donc
donné les moyens de ses ambitions.
“Nous avons véritablement commencé à
mettre en place les contrats à l'automne
dernier sur le territoire. 23 salariés ont
été formés ici et 34 au niveau de toutes
les régions pilotes. Trois nouvelles nous
ont rejoint cette année : l'Aquitaine, la
région Paca et le Languedoc-Roussillon."
La branche se fixe l'objectif de fidéliser
les saisonniers sur leur zone géographique
grâce à un accompagnement
personnalisé dans la construction de
leur parcours professionnel.

Le soutien d'Agefos-PME

“Nous constatons que, chaque année, les
saisonniers reviennent souvent travailler
dans les mêmes établissements. Pourtant,
cela ne leur garantit pas une stabilité
de l'emploi et ils repartent souvent
sans qualification. Nous nous sommes
alors demandé comment faire évoluer
la situation de ces personnes",
explique Nicolas Borsarello,
conseiller grands comptes
et branches au sein
d'Agefos-PME. L'organisme
collecteur interprofessionnel
s'est lancé dans l'aventure en
accompagnant sur les territoires
le déploiement du dispositif grâce
à un soutien financier permettant
au salarié de partir
en formation sans que
cela ne coûte à l'entreprise.

Pour convaincre
les employeurs


“Agefos prend en charge le coût
pédagogique du stage, ainsi que
le salaire du saisonnier pendant
qu'il se forme", reprend Yves
Le Floch. Une manière d'inciter
les entreprises à jouer le jeu. “Les
employeurs peuvent être réticents à
former leurs salariés, particulièrement
dans le cas des saisonniers qu'ils ne sont pas
sûrs de retrouver d'une année à l'autre. En
ne faisant peser aucune pression financière
sur leur dos, on s'assure que beaucoup
s'engagent dans le dispositif." Une condition
toutefois pour que l'Opca finance
la formation : cette dernière doit être
reconnue par la commission paritaire
nationale de l'emploi de la branche.

Les titres et diplômes préparés

Pas de pression pour les entreprises,
mais surtout une démarche bénéfique
pour les salariés qui partent en formation.
En effet, au-delà d'un contrat à
durée indéterminée, permettant plus
de stabilité, les saisonniers suivent durant
la période creuse des formations
visant l'obtention d'un diplôme ou
d'une certification pour valoriser leur
qualification professionnelle.
Parmi les formations les plus suivies
depuis le début de l'expérimentation,
on retrouve le certificat de qualification
professionnelle ouvrier qualifié de
maintenance et les titres de responsable
de centre de profit tourisme, hôtellerie,
restauration. “Dans l'hôtellerie de
plein air, nous avons deux grands types
de métiers : les hommes de terrain, pour
la maintenance, et le personnel d'accueil.
Pour les premiers, c'est le CQP ouvrier
qualifié qui est privilégié. Les saisonniers
se chargeant de la partie administrative
suivent le plus souvent un diplôme
universitaire sur les techniques de vente,
d'accueil, d'administration et d'animation,
dispensé en Bretagne à l'Université
de Rennes et équivalent à un niveau
bac + 3."

Un mois par an pour se former

Concrètement, les saisonniers disposent
d'un peu plus d'un mois par
an pour se former. “Nous avons calculé
qu'en moyenne, dans nos entreprises de
branche, les salariés travaillent huit mois
durant la saison, comprenant l'ouverture
de nos espaces de villégiature, ainsi que la
mise en place de la saison et la fermeture
du site. Si l'on englobe les heures supplémentaires
et les congés payés, il reste environ
six semaines pour compléter le CDI
à temps plein."

La “responsabilité sociétale
des entreprises"


Les formations sont axées sur des compétences
réutilisables lorsque le saisonnier
retrouve son poste. Cependant, le
dispositif a été pensé de manière à préparer
le futur. En effet, les périodes de
professionnalisation permettent également
d'acquérir des notions mobilisables
dans d'autres filières ayant trait
au tourisme. Une manière d'anticiper
la mobilité des salariés au sein de la
branche et de les ouvrir à d'autres perspectives
possibles. “Nos saisonniers sont
souvent jeunes et n'occupent pas les postes
à pourvoir dans nos entreprises
toute une vie. Nous
avons la responsabilité de
les préparer à demain. C'est
aussi comme cela que nous
faisons vivre notre RSE, la
responsabilité sociétale des
entreprises."

Former les saisonniers
dans les Alpes


La saisonnalité mobilise
donc de plus en
plus les territoires.
Dans le département
des Hautes-Alpes, marqué
par une forte activité
touristique tant en hiver
qu'en été, les travailleurs saisonniers
ne sont souvent pas
les mieux lotis. “Ces salariés
sont difficiles à toucher, très souvent
mal informés sur leurs droits
et leurs possibilités de formation.
Ils ont également la particularité
d'être assez mobiles, peu qualifiés et
percevant un faible revenu", confirme
Jacques Colomines, directeur de l'unité
territoriale des Hautes-Alpes de la
Direccte Paca.
Les acteurs de l'emploi sur le territoire
se sont saisis de la question en mettant
en place en 2008 un accord de partenariat
réunissant la Commission paritaire
interprofessionnelle départementale des
Hautes-Alpes, le Conseil régional, ainsi
que plusieurs Opca.

Démarcher les saisonniers
et les entreprises


“Sur le territoire, nous avons eu une
grande facilité à nouer des partenariats.
Forts de notre travail d'équipe, nous
sommes allés démarcher les saisonniers
et les entreprises afin de recenser les besoins
en formation et de convaincre les
employeurs de la nécessité de former leurs
salariés. Nous garantissons en contrepartie
une prise en charge intéressante
des salaires et du coût de la formation",
retrace Lisette Freccero, responsable de
l'antenne Agefos-PME des Alpes du
Sud. Bilan des opérations : 90 saisonniers
formés dès la première année et,
en fin 2013, plus de 1 200 salariés en
contrat ou hors contrat de travail. En
tout, c'est 250 000 heures de formation
qui ont été délivrées.