L'Afpa déploie son offre “modularisée et multimodale"

Par - Le 15 avril 2014.

Avec la réforme, l'Afpa entend rebattre les cartes de son offre de formation afin de s'adapter
à la nouvelle donne née de la loi qui fait du compte personnel de formation – et de sa limite légale
de 150 heures – la pierre angulaire du système de formation français. “Des formations souples,
à la carte et modularisées, mieux adaptées aux besoins des entreprises et des actifs", explique
le président de l'association, Yves Barou.

Voici un mois, le 17 mars, la présentation
du nouveau projet
pédagogique devant les personnels
de l'Afpa était gâchée par
un appel au boycott lancé par les
syndicats de l'association, inquiets de
la situation financière de l'opérateur.
“Mais cet appel était davantage un coup
de semonce adressé aux dirigeants et une
manière de marquer le coup dans un
contexte globalement dégradé ; il n'était
pas lié à cette nouvelle offre", explique
Alain Guillemot, secrétaire général de
la CFDT-Afpa.

935 modules de formation
pour 235 titres professionnels


Le pari de l'Afpa ? Abandonner ses formations
“longue durée" d'un seul bloc,
jusqu'alors proposées par l'organisme
de formation – à titre d'exemple, celle
d'électromécanicien de maintenance
industrielle s'étendait sur 1 205 heures
– et les scinder en “briques" modulaires
certifiantes d'une durée avoisinant les
200 heures (50 % ont une durée inférieure
à 175 heures) pour les rendre
conformes avec le plafond du compte
personnel de formation ; quitte à faire
abonder le supplément par l'entreprise,
la branche professionnelle, l'Opca ou
tout autre “abondeur" potentiel dans
une logique de co-investissement avec
le salarié ou le demandeur d'emploi.
D'ores et déjà, 235 formations métiers
de l'Afpa menant à des titres
professionnels reconnus par le ministère
du Travail ont été modularisées
en 965 briques de formation, dont
588 conduisent à la validation par un
certificat de compétences professionnelles
(CCP). Par ailleurs, dans sa volonté
de développer davantage de surmesure
dans son offre de formation,
l'Afpa a conçu une cinquantaine de
modules communs à 126 formations
qualifiantes ou certifiantes dans le but
de créer des passerelles entre les métiers
ou de permettre des réorientations en
cours de formation.

Formule “à bas coûts" ?

“Une sorte de menu à la carte", selon la
formule d'Yves Barou, le président de
l'Afpa. Et si cette souplesse nouvelle
est conséquence d'une réforme que
l'association avait anticipée, elle entend
également répondre aux besoins
des entreprises qui, interrogées dans
le cadre d'une étude OpinionWay,
étaient 63 % à avouer rencontrer des
difficultés à trouver les profils adaptés
aux postes à pourvoir. “Les entreprises
ont beau affirmer qu'à leurs yeux la formation
est un investissement, on observe
qu'elles persistent à la concevoir avant
tout comme une taxe. Dans la pratique,
les budgets formation sont toujours les
premiers à se voir taillés en cas de crise. Il
y a là une véritable dyslexie mentale chez
les employeurs que cette nouvelle offre
pourrait contribuer à combattre", estime
le président de l'Afpa, qui récuse toute
volonté de faire du “low-cost", comme
le pense pourtant le syndicat Sud-FPA.
“Les formations de l'Afpa ont été arbitrairement
découpées, en oubliant totalement
le contenu pédagogique", dénonce
François Duval, délégué syndical central
de l'association, pour qui “cette
nouvelle offre est une conception 100 %
issue de l'ingénierie formation de l'Afpa
qui n'a, à aucun moment, consulté les
formateurs eux-mêmes".

Le marché du “multimodal"

Et cette “révolution pédagogique"
− dixit Yves Barou − ne se limitera
pas à la seule modularisation des
formations, puisque dans un second
temps, l'Afpa se positionnera sur
le marché du multimodal (présentiel,
e-learning, mise en situation de
travail, etc.) avec le développement
d'outils numériques interactifs (serious
games [ 1 ]“Jeux sérieux" de formation., clouds [ 2 ]“Nuages", données disponibles à distance. et simulateurs)
adaptés aux formations dispensées
dans les centres de l'association. Pas
question, cependant, de céder au
“tout-distanciel", prévient le président
: “Certains gestes professionnels
ne peuvent se transmettre par la voie
du numérique", observe-t-il, insistant
sur la force de l'accompagnement des
formateurs de l'Afpa auprès de leurs
futurs e-stagiaires.

“Bien utilisé, le numérique peut créer
un réseau professionnel ou social, ce qui
est l'un des objectifs de cet outil. Si le
e-learning 1.0 a échoué, c'est à mon
avis parce qu'il laissait trop souvent
l'apprenant seul devant son écran."
En dépit de ses soucis de trésorerie,
Yves Barou, président de l'Afpa
l'Afpa entend bien, grâce à cette offre
nouvelle, constituer “le premier opérateur
à proposer des solutions cohérentes
avec le CPF". Un compte personnel
de formation dans lequel Yves Barou
avoue croire, à condition cependant,
que les “abondeurs" de celui-ci
sachent y percevoir leur intérêt − car
“sans abondements, le CPF risque de
n'être qu'un pétard mouillé"...

UN MALAISE SOCIAL PAS ENCORE DISSIPÉ

Financièrement, l'Afpa, qui annonçait un
résultat d'exploitation prévisionnel bénéficiaire
de 784,5 millions d'euros pour 2014
et un excédent brut d'exploitation de 2 millions,
semble sortir la tête de l'eau deux ans
après le lancement du “plan de refondation"
de l'association par Yves Barou. Des chiffres
contestés par la partie syndicale qui, pour sa
part, prévoit plutôt des chiffres à la baisse,
arguant que la direction “oublie" de faire
figurer dans ses prévisions les coûts liés à la
restructuration.

Étrillée par la Cour des comptes

Source de grogne du côté des syndicats,
la trésorerie de l'Afpa n'est cependant pas
l'unique cause de casus belli entre la direction
et les représentants du personnel – unis
en Intersyndicale – qui taclent “le monologue
social" pratiqué par Yves Barou et son
équipe et ont appelé au boycott des prestations
publiques de la direction générale…
dont, précisément, la présentation de la nouvelle
offre de formation. Des points de friction
aggravés par la publication, fin janvier,
d'un rapport de la Cour des comptes étrillant
la situation financière de l'opérateur et lui
adressant pas moins de onze recommandations
en vue d'assainir ses finances, parmi
lesquelles la réduction du nombre de ses
personnels administratifs, la réalisation d'un
audit de son patrimoine dans chaque région,
la poursuite des restructurations territoriales
et, surtout, l'encadrement des rémunérations
des salariés de l'Afpa. Inacceptable pour l'intersyndicale,
mais côté direction, le rapport
de la Cour des comptes a aussi été mal reçu.
“Ses auteurs se sont basés sur les grilles de
salaires de l'Éducation nationale pour juger
de ceux des formateurs de l'Afpa…
Mais nos salariés ne sont pas de
jeunes profs en début de carrière !
Ce sont souvent des professionnels
qualifiés et expérimentés qui ont
accepté de gagner moins à l'Afpa
que lorsqu'ils travaillaient en entreprise
!", se défendait Yves Barou.

Campagne de boycott

Le bras de fer s'accentuant entre
direction et représentants du
personnel, caricatures, dazibaos
et appels à la grève ont fleuri,
notamment, sur le site internet
de Sud-FPA pestant contre ce que
le syndicat qualifie de “Barou
show", et les actions se sont
multipliées au sein de l'association
: interpellation du président
de l'Afpa à Meudon, dépôt d'un préavis de
grève à Marseille, refus des personnels de
l'association en Alsace de se faire “tirer le
portrait" pour alimenter une photothèque
interne. “Des sujets de mécontentement
pas nécessairement provoqués par la direction
nationale, mais révélateurs du malaise
social régnant au sein de l'association",
expliquait un syndicaliste. Avec pour point
d'orgue la grève interprofessionnelle du
18 mars, achèvement de la campagne de
boycott, puisque celui-ci, devant la main
tendue de la direction, était suspendu deux
jours plus tard. Une mise entre parenthèses
qui ne signifie pas pour autant la fin des
actions menées par les syndicats, ceux-ci
ayant signifié que ce boycott ne relèverait
de l'histoire ancienne qu'à la condition de la
signature d'un “protocole de fin de conflit".

Une centaine de centres
de formation seront fermés


Toutefois, la paix sociale risque d'être difficile
à regagner au sein de l'opérateur, car le plan
de refondation ne se fera pas sans une restructuration
de l'Afpa, dont la direction prévoit
de fermer plus d'une centaine de centres de
formation (de 216 à 115) d'ici à la fin 2014,
soit un peu plus d'un centre par département.
Quant au patrimoine immobilier de l'association,
il est en partie sauvé grâce à la possibilité,
depuis février dernier, de contracter
des baux emphytéotiques administratifs avec
l'État et, donc, de permettre à l'Afpa d'engager
une partie de ce patrimoine en garantie
bancaire. Mais l'année sociale 2014 s'annonce
tout de même rude.

Notes   [ + ]

1. “Jeux sérieux" de formation.
2. “Nuages", données disponibles à distance.