L'Afpa sur grand écran : c'est pas du cinéma

Par - Le 01 août 2014.

L'Afpa est à l'honneur sur grand écran depuis le 25 juin dernier avec On a failli être amies [ 1 ]On a failli être amies, d'Anne Le Ny, avec Karin
Viard, Emmanuelle Devos, Roschdy Zem, Anne Le Ny,
Xavier de Guillebon. 1h31.
,
film d'Anne Le Ny. Une action de formation continue comme ressort, le cas n'est
pas unique, et rien d'étonnant à cela : le cinéma parle (souvent) de changements de vie.
Comme la formation.

Ca pourrait commencer comme
un banal marivaudage de province
– et d'ailleurs c'en est
un ! – sur le modèle du triptyque
de boulevard mari-épousemaîtresse,
sauf que ça débute à
l'Afpa alors qu'un plan social vient de
jeter une quinzaine d'ouvrières d'une
usine de la région d'Orléans sur le
chemin de la reconversion professionnelle.
Sauf une, Carole (Emmanuelle
Devos), pas ouvrière pour un sou,
mais vraie grande bourgeoise dont la
volonté d'évoluer dans sa vie professionnelle
entre en résonance avec le
désir de changer radicalement de vie.
Au point de faire de sa formatrice,
Marithé (Karin Viard), son alibi pour
justifier ses absences auprès de son
mari, Sam (Roschdy Zem), obsédé
par sa carrière de restaurateur étoilé.
Jusqu'à ce moment où, à force d'entraîner
sa formatrice malgré elle dans
ses mensonges et dans sa vie privée,
Carole met Marithé et Sam en relation
au point… qu'elles ont failli être amies.

Les arcanes de la formation

De la bluette ? Oui. Et si ce n'était que
cela, l'intérêt d'On a failli être amies
ne dépasserait pas le niveau de l'honnête
téléfilm – distrayant sur le moment,
mais sitôt vu, sitôt oublié – diffusé
un dimanche soir sur une chaîne
grand public. Cela n'aurait d'ailleurs
pu être que cela, si Anne Le Ny ne
s'était vu initiée aux arcanes de la formation
professionnelle continue par
l'une de ses anciennes techniciennes
(voir interview ci-contre) et n'avait pas
décidé de mêler, dans son récit, remise
en cause professionnelle et questionnements
relatifs à l'avenir personnel.
Car c'est bien la rencontre de trois individus
avant tout prisonniers de leur
travail – et donc de l'image sociale que
cela leur renvoie – que le film met en
perspective.

La formation qui change la vie

Dans le Fight Club, de David Fincher,
le personnage de Tyler Durden (Brad
Pitt) beuglait à ses disciples qu'ils “ne
sont pas leur travail". Ici, les personnages
sont bel et bien leur travail et
une mutation personnelle ne peut,
dans leur cas, que s'accompagner d'un
redémarrage complet de leur logiciel
métier. Y compris pour le personnage
de la formatrice qui, à force de changer
la vie des autres, ne peut que remettre
en question la sienne propre en effet
miroir. Et ça, c'est pas forcément du
cinéma.

QUESTIONS À ANNE LE NY, RÉALISATRICE ET SCÉNARISTE
“Montrer l'image que chacun se fait de soi à travers
son métier

Comédienne de théâtre et de cinéma depuis 1986 (Le goût des autres, Mon petit doigt m'a dit…,
Intouchables), Anne Le Ny a elle-même connu une forme de reconversion professionnelle en
passant de l'autre côté de la caméra en 2007, pour les besoins de Ceux qui restent, son premier
long-métrage. On a failli être amies est son quatrième film. Rencontre.

L'idée de faire de l'univers de la formation professionnelle la trame d'un film vous
trottait-elle dans la tête ou y êtes-vous
venue par hasard ?


J'avoue que je ne connaissais pas vraiment
l'Afpa avant la préparation de ce film. Ni
le monde de la formation professionnelle,
d'ailleurs. L'idée de faire du personnage
de Karin Viard une formatrice m'est venue
en 2012, sur le tournage de Cornouaille.

Lors d'une discussion avec mon assistante monteuse,
Cécile Pradère, je lui ai demandé
comment elle en était venue au cinéma. C'est
là qu'elle m'a expliqué avoir été elle-même
formatrice pour adultes dans un institut – qui
n'était pas l'Afpa – et, qu'à force d'aider les
autres à se reconvertir professionnellement
et à les voir s'épanouir dans leur deuxième
carrière, elle avait elle-même décidé de sauter
le pas. L'idée a germé à ce moment-là. Et
puis, j'avais toujours voulu parler du monde
du travail dans un de mes films. Non pas sous
l'angle du “monde impitoyable" de l'entreprise
– que je ne connais pas et qui a souvent
été exploité au cinéma – mais au travers de
l'image que chacun se fait de soi-même par
rapport à son métier, sur le rapport intime
que l'on entretient avec lui, de la part de soi
qu'on y projette. J'avais envie d'exploiter tous
ces thèmes-là. Car même si le film reste une
comédie, ce thème du rapport au travail est
omniprésent.

À la sortie de l'avant-première, certains
conseillers de l'Afpa présents se sont
reconnus dans les situations de travail
rencontrées par le personnage de Marithé.
Vous êtes-vous immergée dans leur univers
professionnel avant d'écrire le scénario ?


Pas du tout. J'ai écrit mon scénario à partir
de l'histoire que je souhaitais raconter et
ensuite, je l'ai fait relire à Cécile Pradère
pour savoir si mes idées correspondaient
à la réalité professionnelle qu'elle avait
connue. Je me suis juste basée sur mon
bon sens pour imaginer les situations qu'un
formateur pouvait rencontrer au quotidien.
Pour mon premier film, Ceux qui restent, qui
se déroulait dans le secteur hospitalier, j'avais
effectivement dû davantage m'immerger dans
le milieu professionnel du personnel d'un
hôpital, mais pour On a failli être amies, j'ai
surtout fait preuve d'imagination. Y compris
pour imaginer les dysfonctionnements.

Karin Viard a-t-elle été coachée par un
formateur de l'Afpa pour s'imprégner du
rôle ? A-t-elle fait un stage d'immersion
dans un centre de formation pour trouver
l'inspiration ?


Non, Karin s'est référée à mon scénario pour
entrer dans le rôle. Elle n'a pas eu besoin de
s'immerger dans cet univers pour épaissir
son personnage. Après tout, le travail d'une
actrice, c'est avant tout de savoir faire
preuve d'imagination. Autant Roschdy Zem
a effectivement suivi quelques cours pour
apprendre les gestes techniques nécessaires
afin de donner de la crédibilité à son
personnage de cuisinier étoilé, autant Karin
s'est basée sur son instinct et son talent. Et
puisque les professionnels de l'Afpa se sont
reconnus en elle, c'est bien la preuve que c'est
une grande actrice ! (Rires).

Le tournage s'est-il passé dans les locaux
d'un centre Afpa d'Orléans, comme le
suggère le film ?


Pour choisir les lieux de tournage, je me suis
surtout fondée sur les besoins d'une équipe de
tournage. Où poser les caméras ? Où installer
la régie ? Comment laisser assez de place aux
acteurs pour évoluer dans le décor ? Les lieux
sont-ils photogéniques ? Malheureusement,
les locaux disponibles ne correspondaient
pas à mes besoins. Les extérieurs ont donc
été tournés à l'École supérieure d'art et de
design d'Orléans et les intérieurs au Centre de
la danse, à Pantin. Et puis, il n'était pas non
plus question de déranger les personnels et
les stagiaires pendant leurs activités. Mais le
cinéma, c'est aussi l'art de raconter des choses
vraies à partir du faux !

Notes   [ + ]

1. On a failli être amies, d'Anne Le Ny, avec Karin
Viard, Emmanuelle Devos, Roschdy Zem, Anne Le Ny,
Xavier de Guillebon. 1h31.