L'apprentissage “à la française" n'a pas dit son dernier mot

Par - Le 01 août 2014.

La table ronde que Cési Alternance a organisée
à Lyon, le 24 juin dernier, a donné
l'occasion à quelques acteurs rhônalpins de
faire le point sur l'alternance en France. Pluie
de louanges, tout d'abord : “En France, nous
avons la chance d'avoir un dispositif qui n'a
rien à envier à celui de l'Allemagne", pour
Dominique Guillemet, DRH Europe de Volvo
Group (120 000 salariés dans le monde, dont
13 000 en France). “On ne le dit pas assez.
Cela pourrait pourtant nous permettre d'attirer
davantage d'étudiants étrangers."

Les Allemands “trouvent
formidable" le système
français...


Confirmation par Sophie Bernard, responsable
du recrutement Europe de BioMérieux (7 000
salariés dans le monde, dont 3 000 en France) :
“Nous avons une excellente solution d'alternance,
qui n'a aucun équivalent en Europe."
Antoine Ancona, directeur de l'alternance à
l'UIMM Rhône-Alpes (Union des industries
et métiers de la métallurgie), va encore plus
loin : “Quand les Allemands découvrent notre
modèle d'alternance, ils le trouvent formidable
et regrettent de ne pas avoir le même
système de financement."

... qui pourtant recule

Pourtant, les incertitudes planant sur le financement
de l'alternance se sont traduites, en
2013, par un net recul des entrées en contrat
d'apprentissage (- 8 %) et de professionnalisation
(- 5 %). Recul qui devrait encore s'amplifier
cette année avec la réduction de 20 % des
aides publiques à l'apprentissage. “S'il n'y a
pas de réelle volonté de relancer l'alternance,
il risque d'y avoir des problèmes, a prévenu
Sophie Crespy, directrice de Cési Alternance.
La baisse déjà sensible des entrées en formation
de niveaux V et IV pourrait s'étendre aux
niveaux III, II et I, qui sont encore épargnés."
80 % des jeunes en poste un an
après leur formation
Ces chiffres ne douchent pas l'enthousiasme
: “C'est un réel vecteur d'emploi,
observe Anne-Claire Viémont, directrice territoriale
de l'Apec (Association pour l'emploi
des cadres). Un an après l'obtention de leur
diplôme, 80 % des jeunes issus de l'alternance
ont un emploi, avec un salaire moyen
plus élevé que celui des jeunes diplômés.
L'expérience et l'estime d'eux-mêmes qu'ils
ont pu acquérir en entreprise est valorisée."
Pour reprendre le titre donné à cette table
ronde : “L'alternance est un dispositif gagnant-
gagnant". “Il permet au jeune de mettre
en place ses acquis de façon progressive, de
gagner en adaptabilité et d'acquérir un certain
savoir-être, commente Isabelle Vray-Échinard,
directrice d'Opcalia Rhône-Alpes. Quant aux
PME, elles peuvent ainsi se doter de compétences
qu'elles n'ont pas, tout en sécurisant
la transmission intergénérationnelle de leurs
savoir-faire."

Évaluer et rationaliser les
financements


Malgré la nette amélioration de l'image de
l'apprentissage, elle considère toutefois qu'il
reste à faire de la pédagogie “auprès des
jeunes et de leurs parents, qui ont encore
trop souvent tendance à considérer l'apprentissage
par défaut". En revanche, la question
du financement lui semble secondaire : “Je
fais le constat qu'il existe de très nombreuses
possibilités de financement, poursuit Isabelle
Vray-Échinard. Certaines se parasitent ou
génèrent des effets d'aubaine. Mieux vaudrait
donc commencer par les évaluer et les rationaliser."

L'entreprise formatrice...

Pour les entreprises, l'alternance reste perçue
comme “un excellent vivier de recrutement",
selon les termes de Sophie Bernard
(BioMérieux). Chez Volvo Group, explique
pour sa part Dominique Guillemet, “nous
insufflons un esprit de communauté parmi
nos alternants, en organisant des apéros,
des « afterworks »[ 1 ] Soirées de sortie de bureau. et en mettant à leur disposition
un réseau social interne qui leur est
entièrement dédié."

Pour autant, les alternants n'ont pas la certitude
d'être embauchés à l'issue de leur
contrat. Chez BioMérieux, le taux de transformation
n'est que de 10 à 15 % : “Nous
avons un encours de 140 alternants, explique
Sophie Bernard. Comme nous aimons bien les
garder pendant deux ans, cela veut dire que
nous en intégrons 80 chaque année. À l'issue
de leur formation, nous en embauchons une
quinzaine."

... ne peut recruter tous
ses apprenants


Pour Volvo Group, l'embauche en fin d'alternance
n'est plus une option : “En France,
nous sommes juridiquement représentés par
le groupe Renault Trucks, qui est en cours
de plan de sauvegarde de l'emploi, explique
Dominique Guillemet. Tous les recrutements
ont donc été stoppés. Mais le siège suédois
a décidé de ne pas couper les budgets d'alternance,
convaincu que c'est une excellente
formule."

Pour Sophie Crespy, du Cési, le taux de transformation
ne doit pas être considéré comme
le seul indice de réussite de l'alternance :
“Quand une entreprise m'explique en toute
transparence qu'elle a peu de chance de pouvoir
transformer les contrats d'apprentissage
ou de professionnalisation en CDI, je lui réponds
qu'en tout état de cause, elle apportera
beaucoup à ces jeunes, qui auront ensuite de
très bonnes chances de trouver un emploi."

La loi “stages" va-t-elle
percuter le système ?


La donne pourrait toutefois changer si la
loi du 12 juin 2014 encadrant le recours
aux stages s'avère réellement dissuasive.
L'interdiction des stages de plus de six mois
entraînera-t-elle un report vers l'alternance ?
Sophie Bernard, de BioMérieux, n'y croit
guère : “Parce qu'un stagiaire est chargé
d'une mission alors qu'un alternant occupe un
poste ; et parce que le calendrier des stages
(généralement sur un semestre) ne colle
pas au calendrier de l'alternance (calé sur
l'année scolaire)." Dominique Guillemet, de
Volvo Group approuve, à un bémol près : “Les
années de césure pratiquées par la plupart
des grandes écoles évolueront peut-être vers
l'alternance." À moins que les entreprises ou
les écoles ne décident d'envoyer tous ces étudiants
en stage à l'international : une façon
de pousser encore les étudiants formés en
France à poursuivre leur carrière à l'étranger.
Est-ce vraiment le but recherché ?

Notes   [ + ]

1. Soirées de sortie de bureau.