La branche des organismes de formation privés lance la refonte de sa convention collective

Par - Le 15 mai 2014.

Vaste chantier que celui de
la refonte de la convention
collective nationale des
organismes de formation
privés, qu'entament les
partenaires sociaux de la
branche. Contrats précaires
et multi-employeurs,
minimum conventionnel
et réorganisation des
catégories... trois ans de
travaux en perspective,
selon le calendrier établi.
Face à une CCN qui accuse
son âge et après deux ans
de blocages, l'esprit de
concorde semble souffler
sur cette négociation...

En juin, la convention collective
nationale des organismes de
formation (CCNOF) fêtera
ses vingt-six ans. Elle régit les
rapports sociaux entre prestataires
de formation et salariés de la branche,
dans un contexte particulièrement
mouvant. Évolution du droit social,
développement de la formation par
alternance, irruption d'internet et des
nouveaux modes d'apprentissage qui
l'accompagnent, nouvelles dispositions
en matière de commande publique ou
privée − avec le passage d'une logique
de subvention à une logique d'appel
d'offres −, précarisation croissante du
métier de formateur, apparition de
nouveaux types de contrats de travail,
inflation du temps partiel, pratique
accrue de la sous-traitance… autant
de données que n'intégrait pas le texte
d'origine.

Des strates d'avenants

Les partenaires sociaux chargés de
négocier pour la branche y ont répondu
en multipliant les avenants à
la convention initiale et en empilant
des strates de dispositions supplémentaires
répondant aux problématiques
du moment... “quitte à multiplier les
doublons, voire les avenants contradictoires
!", se souvient Francis Beurion,
trésorier du Synafor, le syndicat national
CFDT des personnels de la formation
permanente.

De l'avis général, il était temps de refondre
totalement une convention qui
commençait sérieusement à accuser
son âge, pour lui substituer un nouveau
texte, davantage en accord avec
les réalités de la branche et ses projections
d'avenir.

Complet blocage pendant
deux ans


Un travail qui aurait d'ailleurs pu être
entamé plus tôt, si le dialogue social
dans la branche avait été plus apaisé.
Mais en 2010, à l'entame d'une négo
ciation sur les qualifications et le temps
de travail des formateurs, les mauvaises
relations entre le président de la commission
sociale de la Fédération de la
formation professionnelle (FFP) de
l'époque, Laurent Boulanger, et les
syndicats, se sont soldées par l'arrêt de
tous les chantiers sociaux pendant près
de deux ans. Au point que le ministère
du Travail imposa, durant près d'un
an et demi, la mise sous tutelle de la
commission paritaire nationale de négociation
(CPNN) de la branche des
organismes de formation et la présence
d'un de ses agents lors des réunions
pour éviter tout débordement.

Nouveau départ

Il a donc fallu attendre 2012 pour que
le dialogue social soit renoué entre la
Fédération et les représentants des
salariés avec le choix d'un nouveau
négociateur patronal. “J'appartenais
au bureau de la FFP lorsque Jean
Wemaëre, le président de la Fédération,
m'a appelé pour reprendre la présidence
de la commission sociale de la FFP et
le pilotage de la CPNN et entamer
un nouveau travail de refonte de la
CCNOF", se rappelle Éric Parquet,
président de l'organisme C3 Groupe,
basé à Antony, dans les Hauts-de-
Seine. “Le premier contact avec les
représentants syndicaux fut assez froid,
mais depuis, je pense que nous avons
su renouer, par l'écoute, le contact et le
respect réciproque. Aujourd'hui, l'état
du dialogue social est excellent." Une
assertion confirmée par les syndicats,
y compris par la CGT, qui reconnaît
le caractère facilitateur de leur nouvel
interlocuteur patronal. “Au moins,
la totalité des organisations syndicales
semblent, du moins sur la forme, être
rentrées dans la négociation… Ça ne
signifie pas pour autant que nous allons
nous aligner sur les positions de la
FFP", prévient William Pérennès, du
SNPEFP, le syndicat cégétiste de la
formation et de l'enseignement privé.

Au programme

Le chantier est vaste et ne devrait pas
s'achever avant 2017, portant tant sur
l'ouverture du champ de la convention
que sur les politiques de reconnaissance
des compétences, l'évolution
de la grille des salaires et des classifications,
la parité hommes-femmes,
l'intégration du handicap, l'accueil
des contrats de génération dans la
branche et la négociation d'un accord
relatif à la complémentaire santé,
comme prévu par la loi de sécurisation
de l'emploi du 14 juin 2013. Plusieurs
dossiers, dont certains brûlants, mais
qui ne devraient pas déboucher sur de
nouvelles crises et de nouveaux blocages.
“S'il y a désaccord sur un point,
nous l'acterons. Le dialogue et la négociation
ne s'achèveront pas pour autant",
affirme Éric Parquet.

Minimum conventionnel

La question salariale constituera évidemment
un gros morceau des discussions.
En décembre 2010, déjà, les
cinq organisations représentant les salariés
s'étaient constituées en intersyndicale
pour dénoncer la précarisation
des métiers de la branche et l'insuffisance
des augmentations de salaire
proposées par la partie patronale pour
suivre la courbe de l'inflation. “Avec
un salaire conventionnel annuel minimal
de 15 825,54 euros, les organismes
de formation figurent dans la liste des
vingt et une branches de plus de 5 000
salariés qui proposent des minima sociaux
inférieurs au Smic", tempêtaient
les syndicats.

À titre d'exemple, les formateurs de
catégorie D1 − “juniors" −, qui percevaient
200 % du Smic en 1989, n'en
percevaient plus que 122 % vingt
ans plus tard. Depuis 2012, la FFP a
consenti à une revalorisation salariale
d'1,25 %, mais n'a pas rehaussé la
valeur du point conventionnel au sein
de la grille des classifications (fixé, en
2014, à 103,116 euros). “Cela n'aurait
pas de sens alors que nous sommes en
pleine refonte des classifications et que
celles-ci vont évoluer vers des filières métiers
et une valorisation des compétences",
explique Éric Parquet.

Redéfinir les filières

Une nouvelle grille devrait redéfinir
les activités de la branche selon trois
filières : “production", intégrant les
formateurs ; “support de production",
pour les activités telles que la vente ou
le marketing ; et “back-office", pour
les activités non spécifiques aux OF,
comme la comptabilité ou l'entretien.
La commission paritaire nationale de
négociation s'est adjointe les services
d'un cabinet d'experts pour définir
ces filières, les compétences propres à
chacune et les parcours de certification
permettant aux salariés d'évoluer dans
les métiers de la branche. À la CFDT,
cependant, on regrette la politique attentiste
de la FFP sur la question du
point conventionnel. “La partie patronale
refuse toute automaticité des évolutions.
Nous sommes l'un des rares secteurs
où le concept de valorisation salariale à
l'ancienneté n'existe pas", estime Francis
Beurion.

Temps partiels et employeurs
multiples


Reste aussi la question du travail à
durée déterminée, des temps partiels
et des employeurs multiples, dont la
profession use largement. “Sous réserve
des données du bilan social 2012 des
OF, la part des CDI dans la branche est
de 67 %, dont 4 % en CD2i" [ 1 ]Voir L'Inffo n° 828, p. 26, note
William Pérennès. Beaucoup de CDD
d'usage, surtout chez les formateurs et,
depuis l'Ani sécurisation de l'emploi
de janvier 2013, l'expérimentation
de ce “contrat à durée indéterminée
intermittent", le CD2i, qui permet de
“lisser" les rémunérations des périodes
travaillées et non travaillées sur une
année, dans les organismes de moins
de 50 salariés.

La question du “CD2i"...

“Un contrat atypique particulièrement
injuste qui ne sert qu'à déployer la flexibilité
du travail, largement responsable
de l'accroissement de la précarisation −
et notamment de la précarisation souvent
féminine (65 % des effectifs) – des
salariés de la branche", pointe le négociateur
CGT. Son organisation milite
pour la requalification du CD2i sur le
modèle du CDI à temps partiel, ainsi
que pour l'abandon du CDD d'usage
au profit du contrat à durée déterminée
classique.

... et du “CDD d'usage"

“Le CDD d'usage correspond à une mission
qui peut être renouvelée ad vitam
aeternam par l'employeur et qui, en outre,
ne garantit que 6 % d'indemnité précarité
au salarié au lieu des 10 % prévus par le
CDD usuel. Les organismes de formation
abusent de ce contrat !", affirme le négociateur
cégétiste, là où la CFDT, pour
sa part, préfère travailler sur les contreparties
salariales ou sociales (indemnités
chômage ou maladie) à garantir aux
signataires de ces CDD d'usage.

“Il faut protéger, mais savoir ne pas être
trop rigides non plus, explique Francis
Beurion. Les organismes de formation
subissent aussi une diminution des commandes
publiques qui les contraint à recourir
à ce type de contrats. Nous avons
déjà vu des appels d'offres − y compris
émanant du secteur public − proposant
des rémunérations à leurs prestataires divisées
par deux par rapport aux tarifs pratiqués
voici une quinzaine d'années. La
formation subit un violent changement de
paradigme. Certains organismes souffrent
réellement de la conjoncture et doivent
s'y adapter. Bien entendu, il faut conserver
un cadre de haut niveau de garantie
pour les salariés, et si nous comprenons un
certain besoin de souplesse pour les entreprises,
nous savons aussi jusqu'où nous ne
descendrons pas."

Oppositions syndicales...

Une divergence qui n'est pas sans rappeler
celle de la négociation sur la sécurisation
de l'emploi en 2012 et 2013.
“Les lignes de force sont ici quasi identiques
avec, d'un côté, la CGT et FO
dans le camp des radicaux et les trois syndicats
signataires de l'Ani un peu gênés
aux entournures de devoir décliner dans
la branche ce que leurs organisations ont
paraphé au plan national, mais qui, à eux
trois, disposent du poids électoral suffisant
pour signer un accord de branche", fait
remarquer un observateur extérieur.

... mais ouverture
de groupes de travail


Pour autant, l'esprit de concorde semble
encore souffler sur la négociation. La
CPNN du 24 avril où le sujet des temps
partiels, du CD2i et des CDD d'usage
à été mis sur la table à la demande de
la CGT ne s'est pas achevée sur un blocage,
mais sur la création d'un groupe de
travail sur l'harmonisation des contrats
de travail à temps partiel. Sans heurts,
pour le moment.

La place de l'alternance

Autre évolution : la commission paritaire
a également acté l'extension du
champ d'application de la CCNOF
aux centres de formation d'apprentis
ne disposant pas de convention collective,
reconnaissant ainsi la place “naturelle"
de l'alternance dans le secteur
de la formation continue.
Selon le planning prévu, le chantier
relatif à l'évolution de la CCNOF
− le premier “bloc" d'une refonte qui
en comptera trois − devrait occuper
les partenaires sociaux de la branche
jusqu'à la fin 2015. En tentant de
conserver la qualité du dialogue social
retrouvé.

Notes   [ + ]

1. Voir L'Inffo n° 828, p. 26,