La coopération entre les acteurs, préalable de la réforme

Par - Le 01 juin 2014.

Élue présidente de la commission formation professionnelle de l'Association des Régions de France
(ARF) le 29 avril dernier, Pascale Gérard a été chargée de suivre la mise en oeuvre de la loi
du 5 mars 2014. Une mission que la vice-présidente de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur
évoquait le 13 mai à l'occasion d'une conférence sur la réforme, organisée à Marseille par le Carif
Espace compétences.

La loi du 5 mars 2014 est une loi
qui crée de nouveaux droits individuels
tout en construisant les
garanties collectives, une loi qui
renforce notamment les compétences
des Régions en matière de formation professionnelle
et d'apprentissage." Ainsi l'a
résumée Pascale Gérard, vice-présidente
du Conseil régional de Provence-Alpes-
Côte d'Azur, déléguée à la formation
professionnelle et à l'apprentissage [ 1 ]Voir L'Inffo n° 840, p. 32., lors
de la conférence sur la réforme organisée
le 13 mai dernier à Marseille par le Carif
Espace compétences. Elle a été récemment
élue présidente de la commission
formation professionnelle de l'Association
des Régions de France, succédant
à Jean-Paul Denanot (président de la
Région Limousin), qui était en charge
du dossier formation à l'ARF depuis
novembre 2004 [ 2 ]Voir Inffo Flash n° 647, pp. 4-5..

Et d'énumérer les chantiers : la lisibilité
du système, le “millefeuille" de la formation,
les inégalités d'accès, la marchandisation
de la formation − “antinomique de
notre conception du service public". Sans
oublier l'orientation, présentée comme
le “maillon faible de notre système".

Réforme “passionnante et
intrigante"

A présent, “la nouvelle réforme passionne,
mais aussi intrigue, voire inquiète les professionnels
et les institutionnels de la formation
et de l'orientation", a reconnu
Pascale Gérard. L'objectif de visibilité et
de lisibilité est poursuivi à travers l'institution
de la Région comme organisatrice
de la diffusion de l'offre. Le fait
que la loi autorise la Région à financer
les opérateurs sous mandat direct (en
dehors des marchés publics), tel que
prévu par l'Union européenne, est une
simplification, a rappelé Carine Seiler,
directrice du pôle politiques formation
au cabinet Sémaphores.

L'offre d'accompagnement
du Carif


Le “travail d'accompagnement et d'orientation
nécessite une professionnalisation
des acteurs, afin qu'ils sachent utiliser
l'ensemble des informations mises à leur
disposition", a insisté Gérard Goron,
directeur du Fongecif Paca. Le Carif
Espace compétences propose déjà aux
acteurs régionaux de la formation, de
l'orientation et de l'emploi une offre
d'accompagnement et de professionnalisation,
a souligné sa directrice, Sylvette
Belmont. Et Pascale Gérard, présidente
du Carif, a annoncé l'organisation, après
la publication des décrets d'application,
de nouvelles rencontres thématiques sur
l'impact de la réforme.

LE SOUCI DE SIMPLIFICATION

Selon Philippe Dole, inspecteur général des affaires sociales (Igas), qui s'exprimait
lors de cette conférence sur la réforme, la construction des listes de formations
éligibles au compte personnel de formation, dont le cadre est complexe (national,
territorial, branches, interbranches, etc.), “sera progressive. On ne peut pas imaginer
qu'au 1er janvier 2015, nous ayons la totalité des problématiques liées à la négociation
dans chaque CPNE de branche". Tout ne sera donc pas prêt à cette date, a-t-il fait
comprendre, rappelant que “le rôle de l'Igas est de fournir des éléments de méthode
que les partenaires sociaux auront le 11 juin prochain".
Pour le conseil en évolution professionnelle, dont le cahier des charges doit être
précisé par décret en Conseil d'État, même objectif : “Épargner à la personne la
complexité, car s'il y a diversité d'acteurs et de financeurs, l'essentiel est que
l'utilisateur ne se perde pas", a rappelé Philippe Dole.

ENTRETIEN AVEC PASCALE GÉRARD, nouvelle présidente de
la commission formation de l'Association des Régions de France [ 3 ]Et administratrice de Centre Inffo.
“Les montants des investissements formation
ne seront pas impactés par la fusion des Régions"

Quels sont vos chantiers prioritaires ?

Du point de vue de l'Association des Régions
de France (ARF), il est évidemment prioritaire de
suivre la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2014
relative à la formation professionnelle, à l'emploi
et à la démocratie sociale. Pour l'ARF, il s'agit
d'être très présente au niveau de l'élaboration
des décrets d'application de cette loi. Au total,
89 points nécessitent des décrets, dont un certain
nombre concerne directement les Régions. En ce
moment, des décrets sont élaborés à la DGEFP,
et les Régions sont consultées. Nos directeurs de
formation professionnelle participent également
à des réunions techniques. Nous serons, comme
d'habitude, très présents, comme nous avons
été très actifs lors des travaux du groupe
multipartite. Nous devons organiser et assurer
le suivi du point de vue des Régions, car nous
voulons que les décrets respectent l'esprit de
cette loi, dont les décrets doivent être produits
d'ici juillet.

Avec mes collègues des autres Régions, j'ai donc
à animer la réflexion et la volonté des Régions de
France, et assurer la représentation de celles-ci à
tous les niveaux, y compris dans l'élaboration de
ces décrets.

La loi renforce les compétences
des Régions en matière de formation,
d'apprentissage et d'insertion.
Ont-elles vraiment les moyens d'assurer
ces responsabilités ?


Il y a deux choses différentes. D'une part,
nous sommes dans la phase d'achèvement du
processus de décentralisation et du transfert aux
Régions de la prise en charge de la formation
des publics spécifiques (notamment les détenus,
et les Français de l'étranger), celle sur les
compétences-clés, ainsi que la rémunération
des personnes handicapées en formation.
Comme la Constitution l'exige, chaque transfert
de compétences s'accompagne de transferts
humains et de moyens. C'est ce que nous
négocions actuellement.

L'autre enjeu, qui s'inscrit dans le cadre de
la nouvelle loi, est de permettre l'entrée
en formation d'un plus grand nombre de
demandeurs d'emploi. Avec ce qui a été mis en
place dans le cadre de la loi, notamment avec
le compte personnel de formation, sans doute
pourrons-nous mettre en oeuvre au moins 15 à
20 % de formations supplémentaires pour les
demandeurs d'emploi. Nous avons les moyens
de les cofinancer avec les partenaires sociaux.
Le prélèvement de 0,2 % qui leur est destiné va
permettre la collecte de 300 millions d'euros. Ils
seront versés au Fonds paritaire de sécurisation
des parcours professionnels (FPSPP) au niveau
national. Ils pourront servir à rembourser les
Régions, pour une partie, des parcours de
formation des personnes qui auront accepté de
mobiliser leur CPF, quand celui-ci comportera des
heures.

Le projet de fusion des Régions
impactera-t-il leurs investissements en
matière de formation professionnelle et
d'apprentissage ?


Le regroupement des Régions impactera les
politiques publiques, mais les montants des
investissements ne seront pas touchés. Comme,
par définition, les collectivités disposent d'une
autonomie et d'une libre administration, il
va falloir qu'il y ait entre deux Régions qui
décideraient de se “marier", une harmonisation
de leurs politiques de formation - qui sont un peu
différenciées d'une Région à l'autre - au niveau
des regroupements.

La Région Paca est l'une des premières à
avoir mis en place un service public régional
de la formation professionnelle (SRFP), une
structure aujourd'hui reconnue juridiquement et
administrativement par la loi.

Avec quelques autres, au moment où les services
publics étaient attaqués de toutes parts, et
dans un domaine où la marchandisation est
inacceptable, notre Région a eu la volonté de
promouvoir des valeurs de service public. Elle
a été la première à avoir conçu politiquement
un service public de formation professionnelle.
En dehors du vote des élus régionaux, une telle
structure n'avait aucune existence juridique et
administrative. La loi du 5 mars 2014 consacre
l'existence légale des SPRFP. C'est la preuve que
les bonnes initiatives finissent par être reconnues
et généralisées.

Les Carif accompagnent les acteurs
régionaux de la formation, de l'orientation
et de l'emploi. Quel pourrait être leur rôle
dans la mise en oeuvre de la réforme ?


Les Carif seront appelés à jouer deux grandes
missions. La première sera d'informer sur la
formation. Comme en Paca, beaucoup de Carif
proposent un numéro vert qui informe sur l'offre
de formation disponible. Les Carif s'adressent
aujourd'hui aux acteurs intermédiaires
professionnels. Dans le cadre de la mise en
oeuvre de la loi, ce numéro vert pourra élargir
ses services, non pas uniquement à l'offre de
formation, mais aussi au conseil en évolution
professionnelle.

Deuxièmement, puisqu'ils participent à la
professionnalisation des acteurs, les Carif auront
à poursuivre ce rôle tout en permettant de créer
une “culture commune" entre les différents
opérateurs, par exemple les conseillers en
évolution professionnelle.

Propos recueillis par K. B.
1. Et administratrice de Centre Inffo.

BIO EXPRESS

Née en 1959, Pascale Gérard a d'abord
exercé comme institutrice (1982). Elle
a été élue la première fois au conseil
municipal de Menton (Alpes-Maritimes)
en 1983. Conseillère régionale depuis
1998, elle a été élue à la présidence
de la commission formation continue
et apprentissage. Réélue en 2004 et en
2010, elle deviendra à cette occasion
vice-présidente déléguée à la formation
professionnelle et à l'apprentissage.
Elle est secrétaire nationale du Parti
socialiste, chargée de la formation
professionnelle et de la sécurité sociale
professionnelle depuis 2008.

Notes   [ + ]

1. Voir L'Inffo n° 840, p. 32.
2. Voir Inffo Flash n° 647, pp. 4-5.
3. Et administratrice de Centre Inffo.