La gouvernance du système de formation professionnelle : un enjeu majeur

Par - Le 15 janvier 2014.

Dans l'attente de l'“acte III de la décentralisation", et dans le contexte de la “compétence
formation" des Conseils régionaux, des frictions existent depuis longtemps entre deux logiques,
celle de branche avec les Opca (salariés) et celle territoriale (reconversions). Comment coordonner ?
L'Ani prévoit l'instauration d'un “CPRFPE", la fois paritaire et régional, pour la formation
professionnelle et l'emploi

Le nombre d'acteurs dans le champ
de la formation professionnelle et
la complexité des enjeux imposent
une révision des modes de gouvernance
qui facilite l'articulation entre
les politiques publiques et les politiques
des partenaires sociaux, favorise la mise en
cohérence des initiatives développées sur le
champ de l'emploi et de la formation professionnelle,
et coordonne les projets mis
en oeuvre à tous les niveaux." Tel est l'un
des constats établi par les partenaires
sociaux sous le titre “Gouvernance"
de l'accord national interprofessionnel
(Ani) du 14 décembre 2013 qui vient
de trouver sa traduction dans un projet
de loi, pour entrer en vigueur le plus
rapidement possible.

Déterminer un “chef de file"...

Les partenaires sociaux y précisent
que “la détermination de politiques de
formation coordonnées, tant au niveau
national que régional, doit être de nature
à favoriser l'anticipation des besoins
en emploi et en compétences, sur la base
d'une stratégie concertée en matière de
développement économique, environnemental
et social". Dans cette perspective,
la détermination des règles de
gouvernance propres aux partenaires
sociaux “doit faciliter l'efficacité de cette
coordination".

Pour l'Association des Régions de
France (ARF), la loi de 2009 sur la
formation, dont un objectif majeur
était la simplification et la clarification
de la gouvernance,
n'a pas répondu à ces
attentes, en omettant en
particulier de désigner
un chef de file au niveau
des Régions. Le Conseil
économique, social et
environnemental (Cese)
le stipulait dans un avis
de décembre 2011 intitulé
“40 ans de formation
professionnelle :
bilan et perspectives". Il
rappelait aussi que la loi
de 2009 a mis en place,
dans chaque région,
un Conseil régional de
l'emploi (CRE), présidé
par le préfet de région,
appelé à faciliter la coopération
entre les différents
acteurs des politiques
de l'emploi au
plan local et à émettre
un avis sur la programmation
des interventions au plan
régional. Indiquant : “Notre assemblée
s'était toutefois interrogée sur l'opportunité
de créer une nouvelle instance
régionale de concertation alors que les
comités de coordination régionaux de
l'emploi et de la formation professionnelle
(CCREFP), qui réunissent les
principaux acteurs au plan régional,
étaient déjà investis de missions similaires.
Même renforcé dans ses attributions,
la question se pose toutefois de
savoir si le CCREFP, simple instance
de concertation, peut suffire à porter
une gouvernance régionale plus opérationnelle
et plus stratégique." En outre,
les Conseils économiques, sociaux et
environnementaux régionaux (Ceser)
apparaissent comme des acteurs
consultatifs essentiels dans la préparation
et le suivi des documents de
programmation en matière de formation
professionnelle, initiale et
continue.

“Piloter ce continuum entre
l'orientation, la formation et
l'emploi"


À ce titre, Alain Even, président de
l'Assemblée des Ceser, considérait,
lors du congrès de l'ARF à Nantes,
le 20 septembre dernier, que “les nouvelles
formes de gouvernance territoriale
doivent conduire à un élargissement
de la consultation et une plus grande
implication des Ceser dans le suivi et
l'évaluation de l'action publique en régions".
Cela s'inscrit d'ailleurs dans la
revendication de l'ARF qui est, a fait
valoir son président Alain Rousset,
“de piloter ce continuum entre l'orientation,
la formation et l'emploi". “Nous
ne sommes pas simplement légitimes de
réclamer ce service public, mais nous
sommes dans le cadre d'une évidence.
Je sais bien que les organisations syndicales
de Pôle emploi ne le veulent pas",
avait-il ajouté en clôture de ce même
congrès. “Nous allons poursuive cet effort
de structuration de notre appareil
de formation et d'orientation. La plupart
des Régions ont lancé des structures
tournant autour de l'idée d'orientation
en associant les partenaires sociaux. Et
je pense que c'est essentiel."

Un Comité paritaire régional

Ainsi, selon le texte de l'Ani du
14 décembre 2013, un Comité paritaire
régional pour la formation professionnelle
et l'emploi (CPRFPE)
constituera l'instance de gouvernance
politique paritaire régionale et interprofessionnelle
en matière de formation
professionnelle et d'emploi.
À noter qu'outre l'élaboration de la
liste régionale des formations éligibles
au compte personnel de formation
(CPF), le CPRFPE transmettrait
au Conseil régional un avis préalable
et motivé sur la carte des formations.
Les programmes régionaux de formation
des demandeurs d'emploi de
Pôle emploi devraient lui être transmis,
trois mois avant la passation de
commande.

QUESTION À JEAN-PAUL DENANOT, PRÉSIDENT
DE LA RÉGION LIMOUSIN ET DE LA COMMISSION
FORMATION DE L'ARF


“Les Régions sont les mieux placées
pour gérer les parcours professionnels
tout au long de la vie"

Quel rôle les Régions devraient-elles jouer
dans la réforme ?


Nous souhaitons évidemment que les Régions
soient au centre du système de gouvernance,
ce serait légitime. Par exemple, en ce qui
concerne la mise en oeuvre du compte personnel
de formation, les Régions sont les plus aptes à
suivre les personnes qui risquent de vivre des
carrières avec des périodes différentes, parfois
dans les entreprises, malheureusement parfois
aussi en recherche d'emploi, sans oublier le
congé parental... Les Régions sont les mieux
placées pour gérer les parcours professionnels
tout au long de la vie. Tout peut se régler sur
le plan territorial. Je pense que la gouvernance
régionale est incontournable.

Les Régions devront donc travailler avec
tous les acteurs de la formation ?


Nous souhaitons que tous les acteurs se
mettent autour de la table, dans un cadre
quadripartite, c'est-à-dire l'État, les Régions et
les organisations patronales et syndicales. Il est
indispensable que désormais, tout le monde
travaille ensemble. L'objectif à atteindre est
une véritable cohérence pour que les parcours
professionnels ne soient pas interrompus. Il faut
que l'individu soit au centre du système et que
des passerelles existent entre les différentes
phases de son existence professionnelle.

Comment vont s'organiser
les financements et comment se
répartiront les rôles ?


Les entreprises continueront à financer les
formations de leurs salariés. La Région doit
gérer la formation des demandeurs d'emploi.
Elle devra prévoir la chaîne complète qui
s'articule entre orientation, formation et
emploi pour atteindre la cohérence du parcours
professionnels de chacun. Il faut maintenant
raisonner en termes interprofessionnels et non
plus “en tuyaux d'orgue" ; c'est l'un des enjeux
majeurs. Il est nécessaire qu'une partie du
Fonds paritaire de sécurisation des parcours
professionnels (FPSPP) soit affectée aux
Régions, en tenant compte des spécificités de
chacune. L'aspect territorial est, je le répète,
décisif dans la gouvernance de la formation
professionnelle.

Propos recueillis par Claire Padych