La liquidation judiciaire de l'Afij met sur le marché ses salariés et ses missions

Par - Le 01 janvier 2014.

Après la mise en liquidation judiciaire prononcée le 7 novembre
dernier par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris de l'Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplômés (Afij), se pose maintenant la question du reclassement de ses 81 salariés.

L'Afij n'aura donc pas atteint le bel âge de 20 ans. Créée en 1994
par des organisations et mutuelles étudiantes dans le contexte de
l'opposition au contrat d'insertion professionnelle (CIP) mis en place
par le gouvernement d'Édouard Balladur, elle avait pour but “d'expérimenter des solutions en vue de créer les conditions d'une meilleure insertion professionnelle des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur", avant d'évoluer pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes diplômés, et plus généralement des étudiants de l'enseignement supérieur, en réalisant des actions d'information, d'accompagnement, de mise en relation, de formation, d'enquêtes et d'études.

Mais tout ceci a donc été stoppé le 7 novembre dernier par la mise
en liquidation judiciaire. L'Afij avait été renflouée deux fois, en 2002 puis en 2013, à hauteur de un million d'euros (versé par le ministère du Travail et celui de l'Enseignement supérieur), pour éponger un déficit de 400 000 euros sur l'exercice 2012. Avant que l'Etat renonce à combler à nouveau le déficit. Avec pour effet
le déclenchement du processus de liquidation judiciaire.

Gestion mise en cause

Le gouvernement a témoigné son soutien à l'association : “L'Afij,
que je connais très bien, est une association jouant efficacement
son rôle d'insertion des jeunes diplômés"
, déclarait Geneviève
Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
lors du débat à l'Assemblée sur le projet de loi relatif à l'enseignement
supérieur. Mais il a fondé sa décision sur un rapport sans appel
de l'Igas [ 1 ]Inspection générale des affaires sociales., l'IGAENR [ 2 ]Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. et l'IGF [ 3 ]Inspection générale des finances., remis
en novembre. Lequel dénonce la gestion de l'Afij (assurée par les
membres fondateurs, Fage [ 4 ]Fédération des associations étudiantes., Uni [ 5 ]Union nationale interuniversitaire. et Emevia, Les mutuelles d'étudiants (LMDE) [ 6 ]La mutuelle des étudiants. et Fedeme [ 7 ]Fédération de mutuelles étudiantes., PDE [ 8 ]Promotion et défense des étudiants. et Unef [ 9 ]Union nationale des étudiants.), notamment l'absence de comptabilité analytique, de contrôle ou de prévisions budgétaires et un manque de communication avec les organismes financeurs, dont la DGEFP. Autre souci soulevé par le rapport, l'Afij
dépendait de financements provenant “quasi exclusivement" de fonds publics (services centraux et déconcentrés de l'État, Fonds social
européen, collectivités locales, Agefiph), à hauteur de 3 366 931 euros en 2012 (après avoir touché 3 825 605 euros en 2008 et jusqu'à
5 522 777 euros en 2010).

Problèmes de positionnement

Pourtant, l'Afij n'a pas démérité. Avec 54 000 inscrits en 2012, un
chiffre proche des objectifs quantitatifs prévus en 1998, elle a
accompagné environ 5 000 jeunes, a organisé 1 622 modules de formation et collecté 46 000 offres de toute nature (stages, jobs d'été,
alternance et premiers emplois). Mais, pointe également le rapport,
d'autres intervenants empiétaient sur son champ, de Pôle emploi à l'Apec, en passant par les Missions locales ou encore les bureaux d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants (BAIP) : “L'Afij s'est montrée incapable de se positionner de manière significative comme prestataire au profit des universités et, plus largement, elle n'a pas
réussi, ni souhaité diversifier ses modes de financement au-delà
des administrations"
, résume le rapport. D'où le peu d'empressement
du gouvernement à mettre au moins un million d'euros pour sauver l'organisme en 2013 et éviter la cessation de paiements.

Baisses successives des subventions

Aujourd'hui, Clément Boudin, président de l'Afij, est amer : “Nous
avons fait des propositions, mais elles n'ont pas été retenues.
Qu'est-ce-qui peut animer un choix aussi radical ? Ce n'est pas
vrai de dire que d'autres associations, comme Nos quartiers ont du talent, peuvent fournir le même accompagnement que nous. Pôle emploi et les Missions locales n'ont pas les moyens de proposer les mêmes accompagnements et l'Apec n'est pas un acteur spécifique des jeunes diplômés."

Quels reclassements ?

Du côté des 81 salariés des 50 centres régionaux et du siège de Paris maintenant “sur le carreau", une intersyndicale a été
reçue par le cabinet du ministère du Travail dès le mois de juin afin
de rechercher des solutions de reclassement. En décembre, des
entretiens étaient en cours avec les directions régionales de Pôle
emploi et d'autres têtes de réseau du service public de l'emploi
(Cap emploi, Missions locales, Association pour l'emploi des cadres). Surtout, la Direccte Paris va mettre en place une cellule de reclassement pour laquelle deux cabinets s'étaient positionnés en
décembre. “La Direccte de Paris n'était pas obligée, mais elle a
souhaité la mise en place d'une cellule de reclassement qu'elle va entièrement financer, déclare Emmanuelle Chichet, déléguée syndicale CFDT de l'Afij. C'est une proposition paradoxale qui nous est faite, car nous sommes des professionnels de l'insertion professionnelle. Il aurait été plus simple de nous reclasser directement dans les structures du service public de l'emploi. C'est ce que nous espérions."
Il faudra en passer par des recrutements classiques.

Notes   [ + ]

1. Inspection générale des affaires sociales.
2. Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.
3. Inspection générale des finances.
4. Fédération des associations étudiantes
5. Union nationale interuniversitaire.
6. La mutuelle des étudiants.
7. Fédération de mutuelles étudiantes.
8. Promotion et défense des étudiants.
9. Union nationale des étudiants.