La qualité de la formation, un enjeu capital de la réforme

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre - Knock Billy

Par - Le 15 octobre 2014.

La qualité de la formation est une thématique
qui concerne tous les acteurs, des donneurs
d'ordre aux bénéficiaires, en passant bien sûr
par les organismes et les formateurs. À ce titre,
le décret d'application de la loi du 5 mars est
particulièrement attendu. Que certifier, comment
certifier ?

Cela n'a échappé à aucun observateur
: contrairement aux précédentes
lois sur la formation professionnelle,
celle du 5 mars 2014
évoque clairement la question de la
qualité et de l'évaluation des actions de
formation. En effet, note Jean
Wemaëre, président de la Fédération
de la formation professionnelle (FFP),
“cette question était le parent pauvre des
précédentes réformes de la formation.
C'est la première fois que dans une loi sur
la formation professionnelle ou dans les
accords, le mot « qualité » est officiellement
prononcé."

Un sujet majeur pour tous
les acteurs


Il est demandé aux financeurs publics
et paritaires (État, Pôle emploi, Régions
et Opca) de s'assurer de la capacité de
l'organisme de formation à réaliser une
prestation de qualité. “De toute façon, la
qualité est un sujet majeur pour les acteurs
de la formation, qu'ils soient prestataires,
prescripteurs, financeurs ou bénéficiaires."

Pour le patron de l'organisation professionnelle
représentative des organismes
privés de formation, il est important
de rappeler que, comme dans d'autres
domaines, la qualité est, avant tout, “la
capacité d'un prestataire à répondre au
besoin de son client et à sa satisfaction".

L'Office professionnel
de qualification


Pour autant, ni les opérateurs, ni les
prescripteurs, ni les financeurs n'ont
attendu la loi pour s'occuper de la qualité
de la formation. “Les organismes de
formation, et la profession en général, ont,
depuis très longtemps, mis la qualité de
l'offre au coeur de leur activité", indique
Jean Wemaëre.
Lui-même, en 1994, a soutenu la
création, à l'initiative du ministre du
Travail d'alors, Jacques Barrot, de l'Office
professionnel de qualification des
organismes de formation (OPQF). “La
qualité est l'ADN de notre Fédération,
assure-t-il, elle est inhérente à un meilleur
professionnalisme et à une plus
grande lisibilité de l'offre. C'est pourquoi
nous tenions à mettre en place des outils
d'évaluation de la qualité de l'offre."

Du côté des Opca, le discours est similaire.
“L'évaluation et la qualité de
l'offre de formation sont une préoccupation
collective de l'ensemble des Opca.
Même si les précisions restent à venir,
cette mission a toujours été présente
dans les Opca. Elle était administrative
dans son approche. Avec la réforme, elle
sera davantage efficiente", observe Yves
Georgelin, délégué général du Forco
(voir ci-dessous).

Les certifications

Aujourd'hui, le marché de la qualification
est caractérisé par plusieurs certifications,
dont les principales sont :
Iso 9001 (système de management de la
qualité de l'entreprise), Iso 29990 (services
fournis par les prestataires de formation),
NF Service Formation, et ISQ
OPQF (qualification de l'organisme
de formation dans un ou plusieurs domaines
de formation), ICPF&PSI [ 1 ]Institut de certification des professionnels de la
formation professionnelle et de la prestation de
service intellectuel.
(formateurs).
À celles-ci, s'ajoutent les labels
propres, notamment, à des branches
professionnelles.

“Bien qu'ils soient complémentaires,
tous ces modes de certification n'apportent
pas les mêmes éclairages. En
termes de lisibilité, il serait important,
dans le cadre de la réforme, de donner
plus d'éclairage sur ce qu'apporte chacune
de ces démarches, qui sont avant
tout volontaires. C'est un travail très
important à faire", indique Claude
Née, président de la Commission
d'instruction de l'ISQ, l'organisme
de qualification des entreprises de
prestations de services intellectuels.

Sensibiliser les donneurs
d'ordre


“Le fait que la qualité soit aujourd'hui
mise en avant permettra de sensibiliser
davantage l'ensemble des prescripteurs
et les financeurs à l'importance de la
qualité en formation. La formation
étant désormais considérée comme un
investissement, il est important que
les donneurs d'ordre soient sensibles à
la mesure de leur retour sur investissement.
Ce ne sera plus aux seuls prestataires
de le faire, mais aussi leurs
clients, leurs prestataires, leurs mandataires,
etc.", se réjouit le président de
la FFP.

Qualité de l'organisme, de la
formation ou du formateur ?


Mais, reste à savoir sur quoi portera
la qualité. Sur l'organisme, les actions
de formation, les formateurs ? Pour
Christine Anceau, déléguée générale de
l'ISQ, “la qualité peut s'apprécier en trois
niveaux : organisme de formation, action
de formation, formateur. On peut s'imaginer
que les rédacteurs du décret choisissent
un de ces trois niveaux (actuellement, le
Code du travail, dans son chapitre 6, parle
de prestataire, et non d'action de formation).
Si tel était le cas, cela supposerait
que des organismes de
formation fassent évaluer des milliers
d'actions de formation. Si on
veut se positionner au niveau du
formateur, ce sera la certification
individuelle".

Ne pas se noyer dans une
tâche immense


Selon François Galinou, président
de l'Institut de certification
de professionnels de
la formation et de la prestation
de service intellectuel
(ICPF&PSI), qui certifie les
professionnels personnes physiques,
de la formation, du
conseil, “il serait fastidieux de
certifier chacune des actions
de formation d'un organisme
qui en dispenserait plusieurs
dizaines". Il serait donc “raisonnable
et pratique d'évaluer
plutôt la qualité en se calant sur
ce qui se fait dans l'enseignement
supérieur et l'Éducation nationale,
c'est-à-dire, en raisonnant
diplôme plutôt que formation".

Bien qu'ils déclarent ne pas s'attendre
à une révolution sur la qualité, les
acteurs attendent avec impatience le
décret prévu pour la fin de l'année. “Si
les personnes qui travaillent sur ce chantier
décident de garder les systèmes de
qualification existants, nous aurons un
mouvement important vers la qualité.
Aujourd'hui, quelque 1 200 organismes
sont certifiés et entre 10 000 et 14 000
autres pourraient l'être", espère le président
de l'ICPF&PSI.

Une certification obligatoire ?

Même si, comme le note Christine
Anceau, la plupart des opérateurs se
demandent s'ils doivent se faire tous
certifier. “Les organismes de formation
redoutent d'être obligés d'être certifiés, soit
parce qu'ils se défient du regard extérieur,
soit parce qu'ils estiment faire déjà assez
pour la qualité. Et certains savent bien
qu'ils ne sont pas parfaits en tous points."
Il est vrai que ni le certificat, ni le label,
ni la norme ne garantit le zéro défaut.
“Mais, c'est un gage de confiance, de
sérieux et de sécurité pour le donneur
d'ordre", insiste Jean Wemaëre.

Attention à la multiplication
des certifications


Pour le président de la FFP, “il ne serait
pas efficace de multiplier les outils
d'évaluation de la qualité de l'offre.
Actuellement, nous avons des outils
permettant d'améliorer la qualité de la
formation. Ce serait raisonnable de s'en
tenir à ces outils et de développer leur
reconnaissance". Et que chaque financeur
ne définisse pas ses propres critères
qualité.

“Il ne faut pas que la Région définisse son
label, Pôle emploi son cahier des charges
qualité, l'Opca son propre référencement.
Si un prestataire doit faire face à un grand
nombre de labels, certifications, etc., il ne
pourra s'y retrouver ni s'en sortir, pointe
Claude Née. C'est une bonne chose que
la loi se soit saisie de cette question et que
le décret tant attendu précise les critères."

La lisibilité des normes

Comme ses collègues, le président de
la Commission d'instruction de l'ISQ
prône une meilleure lisibilité des normes.
“On pourrait imaginer un site qui recence
l'ensemble des prestataires qualifiés afin de
faciliter le choix pour les acheteurs de formation",
précise Jean Wemaëre.

Le choix des prestataires va désormais se
faire à partir des critères de qualification.
“Les acheteurs sont encouragés à choisir
des organismes de formation labellisés ou
certifiés. Comme dans tous les domaines,
il est prudent de bien se renseigner et de
recourir à un prestataire dont le sérieux est
attesté par un outil de qualification. Ainsi,
l'appartenance à un réseau de prestataires
qualifiés constitue également un gage de
sérieux", rappelle le président de la FFP.
Qui encourage les prestataires à “porter le
discours sur la qualité dans leur communication
auprès des publics".

QUESTIONS À YVES GEORGELIN, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU FORCO,
OPCA DE LA DISTRIBUTION ET DU COMMERCE


Nous devons développer un système d'évaluation
à l'abri de la supervision des organismes de formation
"

En quoi la réforme renforce-t-elle
la qualité en formation ?


Nous voulons faire en sorte que la qualité de
la formation s'installe comme un référentiel,
en termes de pratique. Comme Opca, nous
sommes devenus des acheteurs de formations
au travers des fonds mutualisés : des actions
collectives, des stages achetés auprès
d'organismes de formation, mis à disposition
des PME sous forme de catalogue. Nous
sommes passés de quelque chose d'assez
amateur, où nous pouvions prendre le temps
de l'évaluation qualité, parce qu'il n'y en avait
pas un grand nombre (de façon traditionnelle,
avec des feuilles), à une méthode industrielle,
avec presque 5 000 à 6 000 inscrits sur notre
plateforme Forco, qui recense 70 organismes et
plus de 1 000 formations.

Vous avez mis en place un système
de référencement des organismes
de formation ?


Et un système d'évaluation de la qualité de
ces organismes, de suivi de la qualité perçue
par le bénéficiaire et par l'entreprise. Une
mesure de la qualité à chaud.

Nous entendons suivre, avec des indicateurs,
l'appréciation, la mesure qualité des offres de
formation que nous achetons dans le cadre des
actions collectives. C'est une activité qui va
se développer puisque, pour le TPE, l'Opca va
être amené à faciliter l'accès à la formation.
Davantage de ressources seront mobilisables.

Quels changements la loi apporte-t-elle ?

Ce type d'initiative n'était pas obligatoire
et procédait de la volonté de chacun.
Nous pouvions mettre en place des actions
collectives de formation sans les évaluer.
Mais il est normal que nous ayons un système
d'évaluation des actions de formation. Avec la
loi, les Opca sont légitimés dans leur mission !
Les dépenses de formation à destination de
publics prioritaires amènent à une grande
exigence sur l'utilisation des fonds, qui
aujourd'hui ne sont plus seulement des fonds
que les entreprises utilisent pour la formation
de leurs propres salariés, mais aussi des fonds
destinés à des publics prioritaires, travailleurs
dans les TPE et demandeurs d'emploi. Cela
génère une exigence de “ROI" (return on
investment, retour sur investissement) pour
ces formations. Surtout pour les alternants.
Aujourd'hui, mesurer la satisfaction d'un
alternant à la sortie de sa formation, mais aussi
tout au long de ce parcours de formation, est
une façon d'accompagner nos ambitions qualité,
de façon globale.

Vous vous êtes professionnalisés,
sur cette question ?


Nous nous sommes professionnalisés
progressivement, du fait que nous avons près
de 40 000 bénéficiaires de formations financées
par le Forco.

Ce nombre très important de bénéficiaires
nous oblige à disposer d'outils et de solutions
qui nous permettent de mesurer la qualité et
de rendre compte à nos partenaires sociaux,
à nos commanditaires et cofinanceurs (Région,
Pôle emploi, etc.).

D'ailleurs, en tant qu'ensembliers et porteurs de
projets, nous allons proposer à l'ensemble de
nos partenaires de mettre en place un système
d'évaluation qualité.

Qu'évaluerez-vous ? Actions de formation,
formateurs ou organismes prestataires ?


À la fois les actions de formation,
les formateurs et les organismes prestataires.
Il existe un socle commun d'évaluation sur
lequel tout le monde est d'accord : l'évaluation
de la satisfaction du stagiaire par rapport à la
formation reçue, les conditions de déroulement
de la formation, la qualité de l'animateur, etc.
Nous allons compléter cette approche simplifiée
par des questionnements en amont, qui portent
sur les modalités, la facilité et le processus
d'accès à cette formation.

La loi permettra de mettre en place le standard
de ce que doit être l'évaluation qualité de la
formation. Car il existe autant de systèmes
d'évaluation que d'organismes. On se dirige
vers quelque chose qui sera beaucoup plus
partagé, en tout cas pour le socle. Nos
branches, nos entreprises, l'ensemble des
observateurs souhaitent l'appréciation des
formations par les bénéficiaires, mais aussi
par les commanditaires qui investissent dans
la formation. Nous avançons à petits pas
vers un système d'évaluation beaucoup plus
accessible pour le grand public.

Vous prônez l'évaluation par les
bénéficiaires eux-mêmes ?


Les évaluations de satisfaction à la fin d'une
formation ne doivent pas être celles des
organismes de formation − ils nous adressent
tous des formats différents, dont nous ne
savons que faire −, mais un système basé
sur un référencement, un standard commun.

Nous devons développer le système
d'évaluation en ligne, à l'instar de ce qui se
fait dans le commerce en ligne (Tripadvisor,
La fourchette...), à l'abri de la supervision
de l'organisme de formation.

Vous souhaitez un système neutre
d'évaluation ?


Oui, avec un modérateur, afin d'éviter des
biais. Nous nous dirigeons actuellement vers
des standards partagés et vers des solutions
d'évaluation modernes du même type que ceux
du commerce en ligne.

Par ailleurs, le décret sur l'action de formation
est aussi important que celui sur l'évaluation
de la qualité de la formation. Pour évaluer
objectivement un produit, il faut s'entendre
sur ce qu'est ce produit. Définir un référentiel en
amont permet de mieux évaluer ensuite
avec objectivité.

Le but recherché par tous est que nous sortions
des évaluations qui n'intéressent que ceux
qui évaluent pour entrer dans un système plus
simple et accessible à tous.

Notes   [ + ]

1. Institut de certification des professionnels de la
formation professionnelle et de la prestation de
service intellectuel.