La réforme inquiète les professions libérales

Par - Le 15 mars 2014.

À l'instar de l'Udes (économie
sociale et solidaire) et de
la FNSEA (agriculture), l'UnaPL,
l'Union nationale des professions
libérales, fait partie des organisations
patronales “non représentatives"
qui seront consultées
par les pouvoirs publics à propos
des futurs décrets d'application
de la loi sur la réforme de la
formation professionnelle
ou sur la rédaction des listes
des formations éligibles au
CPF (compte personnel de formation).
“Pas de quoi sabrer
le champagne", juge Gérard
Goupil, président de la commission
des affaires sociales
de l'organisation patronale,
qui voit dans la disparition du
“0,9 %" mutualisé une “mauvaise
affaire" pour l'UnaPL
et partage les craintes de
la CGPME quant aux conséquences
de la réforme sur les
petites entreprises.

Tout renégocier,
branche par branche


Assistants médicaux, clercs
de notaire, auxiliaires vétérinaires,
assistants juridiques…
Près de 740 000 salariés
travaillent au service
d'employeurs libéraux et dépendent,
pour leur formation,
des fonds d'Actalians, l'Opca
des professions libérales [ 1 ]Pour leur propre formation continue,
les professionnels libéraux ne peuvent
recourir à l'Opca. Il existe cependant
deux fonds particuliers (Fif-PL et Faf-
PM, ce dernier étant spécifique aux
professionnels de santé) alimentés
par une cotisation égale à 0,25 % du
plafond annuel de la Sécurité sociale.
Ces fonds ne sont pas impactés par
la réforme.
(ex-OpcaPL) à l'exception des
experts-comptables et des
agents généraux d'assurances
qui, pour leur part, ont rejoint
respectivement Agefos-PME
et Opcabaia. Côté mutualisation,
le faible nombre
d'entreprises de plus de dix
salariés soumises au “0,9 %"
dans le secteur libéral (où la
moyenne est de trois salariés
par entreprise) et donc, le
manque de fonds accessibles
aux TPE, avait contraint les
branches professionnelles du
secteur à revoir à la hausse
le seuil de versement à l'Opca
des entreprises de moins de
dix collaborateurs en portant
leur taux minimal de cotisation
de 0,55 % à 0,6 % de la masse
salariale (0,15 % au titre du Dif
et de la professionnalisation et
0,45 % pour le plan de formation
au lieu des 0,40 % habituels pour
les entreprises de moins de dix
salariés). “Avec la réforme, il va
falloir tout renégocier, branche
par branche…", soupire Gérard
Goupil, par ailleurs trésorier
d'Actalians au nom de l'UnaPL.
Alors, certes, la réforme induit
la sanctuarisation d'une partie
des fonds du FPSPP [ 2 ]Fonds paritaire de sécurisation des
parcours professionnels.
(0,2 % de
la collecte) au bénéfice des PME
et TPE, mais l'Union demeure
encore dubitative sur le fléchage
de ces sommes. “Combien récupérerons-
nous au profit des
entreprises libérales ? Je suis
incapable de le dire", regrette
le président de la commission
des affaires sociales de l'organisation
patronale, qui affirme
que la réforme fait souffler un
véritable “vent de panique"
sur Actalians. “Que la suppression
du 0,9 % fasse plaisir
à l'UIMM [ 3 ]Union des industries et métiers de
la métallurgie.
, je le conçois,
mais ce n'est pas notre cas !",
s'agace Gérard Goupil.

150 heures de CPF :
insuffisant


Particularisme sectoriel : les
entreprises libérales constituent
un domaine au sein
duquel l'apprentissage représente
une voie de qualification
marginale (sauf pour les
professions d'auxiliaire-vétérinaire,
de préparateur en
pharmacie et de géomètre expert),
à la différence des
contrats de professionnalisation
très prisés (Actalians
en a financé 5 975 en 2012)
et où le Dif se portait plutôt
bien. “Il prenait corps", se
souvient Gérard Goupil. Dans
ces conditions, le transfert
du pilotage de l'alternance
– les entreprises libérales ne
sont pas soumises à la taxe
d'apprentissage – et l'instauration
d'un CPF prioritairement
fléché vers les demandeurs
d'emploi et les plus bas
niveaux de qualification effraient
un peu. “Le niveau des
métiers des collaborateurs
de nos entreprises oscille du
bac au bac + 3. Aussi, le plafond
de 150 heures de formation
paraît bas…", explique
Chirine Mercier, déléguée générale
de l'UnaPL. “C'est insuffisant
!", renchérit Gérard Goupil
qui constate que les entreprises
libérales sont plutôt réticentes à
l'idée d'abonder les comptes de
leurs salariés au-delà du seuil
minimal. “Et puisque l'État et les
Régions sont impécunieux, je ne
vois pas qui abondera le supplément",
estime-t-il.

Une présence
régionale renforcée


nBon point, cependant, l'UnaPL
siégera désormais au Conseil
national de l'emploi, de la formation
et de l'orientation professionnelle
(Cnefop) et dans
ses décrochages régionaux
(Crefop). “Avant la réforme,
l'UnaPL siégeait au Conseil
national de l'emploi (CNE), mais
pas au Conseil national de la
formation tout au long de la vie
(CNFPTLV) : c'était illégitime",
indique Chirine Mercier. De quoi
permettre de faire entendre la
parole des employeurs libéraux
auprès des instances régionales.
“C'était un vieux cheval
de bataille du hors-champ", se
souvient la déléguée générale
de l'Union.

L'Apec pour assurer
le conseil en évolution
professionnelle


Bon gré mal gré, cependant,
l'UnaPL se prépare à intégrer les
éléments de la réforme, “même
si l'on s'inquiète de la masse de
décrets d'application qui suivront
la publication du texte de
loi", reconnaît Gérard Goupil.
Mais en amont de ce travail de
réflexion sur les décrets auquel
devrait être associée l'organisation
patronale, l'Union a déjà
entamé une réflexion sur ce
nouveau dispositif que sera le
conseil en évolution professionnelle
(CEP). “Ce conseil, nos salariés
ne le trouveront ni à Pôle
emploi, ni dans les Missions
locales, ni à Cap emploi. Ce ne
sont pas leurs publics", souligne
le trésorier d'Actalians. Aussi,
pour être en phase avec les
besoins des collaborateurs des
entreprises libérales, c'est avec
l'Apec que l'UnaPL entend s'associer
pour assurer cette activité
de conseil. “Aujourd'hui, c'est la
seule à pouvoir déployer le CEP
avec nous !", résume-t-il.
Pessimiste, au final ? Pas vraiment,
malgré tout. “Cela fait
longtemps que nous avons compris
que les pouvoirs publics
connaissent mal les employeurs
libéraux. Ils s'ingénient à nous
mettre dans des situations insolubles.
Et nous, on s'ingénie à
s'en arranger…"

Notes   [ + ]

1. Pour leur propre formation continue,
les professionnels libéraux ne peuvent
recourir à l'Opca. Il existe cependant
deux fonds particuliers (Fif-PL et Faf-
PM, ce dernier étant spécifique aux
professionnels de santé) alimentés
par une cotisation égale à 0,25 % du
plafond annuel de la Sécurité sociale.
Ces fonds ne sont pas impactés par
la réforme.
2. Fonds paritaire de sécurisation des
parcours professionnels.
3. Union des industries et métiers de
la métallurgie.