Le groupe Stef propose une formation aux “savoirs fondamentaux"

Par - Le 01 octobre 2014.

Comment apporter une réponse formation
aux situations d'illettrisme dans l'entreprise,
sans stigmatiser les personnes concernées
– et donc, sans les décourager d'avance ?
C'est tout l'enjeu du programme “Maîtrise
des savoirs fondamentaux" mis au point par
le groupe Stef, spécialiste européen de la
logistique du froid. Explications, à l'occasion
des journées nationales de lutte contre
l'illettrisme.

Maîtrise des savoirs fondamentaux"
: une formation
imaginée avec un
intitulé générique, large
et valorisant, et faisant l'objet d'une
communication interne non ciblée,
tant “le sujet reste sensible, voire tabou
pour les personnes concernées".
Véronique Vagne, directrice développement
RH du groupe Stef [ 1 ]Groupe de transport et logistique pour les produits
agroalimentaires comme pour les produits les plus
sensibles.
, présente
ce projet, mis en oeuvre depuis 2010,
et qui comporte plusieurs objectifs :
“Il doit permettre à nos collaborateurs
de mieux s'adapter aux changements organisationnels,
favoriser leur évolution
dans l'entreprise, prévenir et réduire les
accidents du travail, compte tenu de la
difficulté pour certains salariés de lire
les consignes de sécurité, par exemple",
explique-t-elle.

“Sujet sensible, voire tabou"

La démarche répond à l'évolution
technologique, pour certains métiers :
agent de quai, préparateur de commandes,
conducteurs, etc. “Nous avons
également repéré chez certains de nos collaborateurs
un risque d'isolement social
lié à l'illettrisme (addictions, endettement,
perte d'autonomie...). Sur ce plan,
nous avons souhaité proposer une offre
de formation pour aider les bas niveaux
de qualification à valider un CAP, un
BEP ou des titres professionnels", expose
Véronique Vagne.

Éviter d'employer le mot
“illettrisme"...


L'entreprise a mis en place une communication
globale et non différenciée,
pour ne pas stigmatiser telle ou telle
catégorie de population. Elle a ainsi
évité d'employer le terme d'illettrisme
et invité les salariés à suivre la
formation “Maîtrise des savoirs fondamentaux"
sur la base du volontariat.

Quelles motivations ? “L'objectif premier
est la reconnaissance sociale et familiale,
pour mieux aider ses enfants à l'école, par
exemple. La motivation liée au mieux-être
dans une activité professionnelle n'arrive
qu'en seconde position."

C'est pourquoi il est important de
mettre en oeuvre une “communication
valorisante qui parle de remise à niveau,
de savoirs fondamentaux, de développement
des compétences. Il est nécessaire
de redonner confiance aux personnes
concernées en leur parlant d'un accompagnement
et non de cours de français,
de mathématiques, dont la référence à la
scolarité, qui peut avoir été un événement
traumatique, risque de les décourager".

Intervention de l'organisme
de formation


La campagne de communication se
déroule en quatre étapes. “Avec l'organisme
de formation Methodia, notre partenaire
depuis 2010, nous avons organisé
auprès des directeurs de filiale et des
responsables des ressources humaines de
77 sites du groupe des réunions de lancement
pour expliquer le projet."

L'organisme de formation est ensuite
intervenu dans chaque comité de di
rection et comité d'entreprise. Enfin,
“tous les collaborateurs du site sont
sensibilisés sur le terrain", explique
Véronique Vagne. L'entreprise joint
par ailleurs dans l'enveloppe du bulletin
de salaire un formulaire d'inscription
à la formation MSF. “Cela permet aux
conjoints de nos salariés de savoir ce que
propose l'entreprise et de les inciter à s'inscrire.
Nous avons 30 % de retours par ce
biais, notre objectif étant que 1 000 personnes
soient formées ou soient en cours
de formation d'ici fin 2016."

“L'approche est ludique"

La formation MSF débute par un bilan
de positionnement, soit 898 bilans réalisés
à fin avril 2014. À cette date, 622
collaborateurs du groupe étaient en formation,
ce qui représente 8 791 heures
de formation. “Le bilan, d'une durée de
1h30, repose sur une pédagogie visant
à déterminer un pallier sur une échelle
de 1 à 5 et à constituer des groupes par
niveau, de deux à quatre personnes au
maximum."

La formation est organisée sur le temps
de travail. “Les personnes travaillent sur
un projet d'entreprise ou un projet personnel.
Les salariés d'un site réalisent, par
exemple, un livret d'accueil. L'approche
est ludique et non pas scolaire. Le passage
d'un niveau à un autre exige 20 heures
de formation, ponctuées par un bilan
intermédiaire et un bilan final", détaille
Véronique Vagne.

En attendant le compte
personnel de formation


Tous les salariés ne sont pas formés en
même temps, mais par “vagues". Côté
financement, l'entreprise bénéficie du
soutien continu de l'Opca Transports
et du Fonds paritaire de sécurisation des
parcours professionnels (FPSPP). Dans
la mesure où les formations relatives
au socle de connaissances et de compétences
seraient éligibles au compte personnel
de formation (CPF), Véronique
Vagne espère, dans l'attente du décret,
“qu'il n'y aura pas d'exigence de certification
ou qu'une solution sera proposée afin
d'éviter toute réticence de la part des personnes
en situation d'illettrisme".

Les Opca en relais

L'entreprise Stef ne travaille pas directement
avec l'Agence nationale de lutte
contre l'illettrisme (ANLCI). Ce sont
les Opca, bénéficiant d'un appui de
l'Agence, qui accompagnent les entreprises
adhérentes en matière de lutte
contre l'illettrisme dans le cadre du plan
de formation. “Notre rôle est d'accompagner
les Opca dans leurs démarches pour
une prise en charge des situations d'illettrisme
en entreprise", rappelle Hervé
Fernandez, directeur de l'ANLCI.

“Ces dernières années, nous avons travaillé
avec les Opca sur notre référentiel
des compétences-clés en situation professionnelle
(RCCSP), élaboré en 2009.
Celui-ci est utilisé par plusieurs Opca
pour construire une ingénierie adaptée
de formation, mais aussi pour accompagner
les acteurs de la formation dans
le cadre du plan de formation et des
démarches de certification (à l'instar
de la branche propreté, par exemple).
Ce référentiel permet de fixer le niveau
à partir duquel on sort de l'illettrisme."

Savoir aborder cette
problématique


En outre, l'ANLCI a pu déterminer,
avec son programme d'identification
et de diffusion des bonnes pratiques,
les contenus de formation des conseillers
des Opca. “Le principal enjeu est de
répondre à la question suivante : comment
aborder la problématique de l'illettrisme
avec les entreprises pour qu'elles engagent
des actions de formation contribuant à
l'acquisition par les salariés d'un socle de
connaissances et de compétences de base ?
Agefos-PME, par exemple, a formé tous
ses conseillers au regard de cette question",
rapporte Hervé Fernandez.

Davantage de formations

Le FPSPP a d'ailleurs souhaité que
l'Agence engage une concertation avec
tous les Opca, dans le but d'étendre
à plus grande échelle les sessions de
formation à destination des conseillers.
“Nous avons d'ores et déjà travaillé avec
les Fongecif qui vont jouer un rôle dans le
futur conseil en évolution professionnelle,
indique le directeur de l'ANLCI. L'idée
est de prendre appui sur ce qui existe déjà
pour accélérer les sessions de formation. Un
effort a été réalisé par les Opca en matière
d'ingénierie et l'enjeu est de continuer dans
cette voie − et non pas d'inventer un nouveau
processus."

L'ENGAGEMENT DE L'ÉTAT

Dans son discours prononcé lors du lancement
des journées nationales de lutte contre l'illettrisme,
le 8 septembre dernier, le ministre du Travail
a réaffirmé l'engagement de l'État. Dans la mesure
où l'illettrisme rend difficile la formation des
travailleurs au sein des entreprises, le gouvernement
entend “faire des lieux de travail, de formation
professionnelle et de recherche d'emploi des points
privilégiés d'identification de l'illettrisme ; et proposer
des solutions d'accompagnement, sur la base
notamment des outils élaborés par l'Agence nationale
de lutte contre l'illettrisme, et en relation avec
les différentes associations rassemblées au sein
du collectif Agir ensemble contre l'illettrisme".

Notes   [ + ]

1. Groupe de transport et logistique pour les produits
agroalimentaires comme pour les produits les plus
sensibles.