Le plan pour les métiers de l'autonomie est lancé

Par - Le 15 avril 2014.

Récemment paraphé, l'engagement pour le développement de l'emploi et des compétences
(Edec) des métiers de l'autonomie fixe des objectifs − attractivité, mobilité, qualité, lutte contre
la pénibilité − déclinés en 19 “actions-phares". Dont un socle commun de formation pour
les salariés de l'ensemble de la filière

Quatre ministres, quatre Opca,
quatre centrales syndicales signataires,
cinq fédérations patronales [ 1 ]Unifed (employeurs à but non lucratif), USB
(branche de l'accompagnement des soins et services
à domicile), Synerpa (maisons de retraite), Fepem
(particuliers employeurs) et entreprises privées du
service à la personne.
étaient réunis autour
de la même table pour signer, le
27 mars dernier, le plan pour les métiers
de l'autonomie. Objectif : développer
le secteur médico-social destiné
à l'aide aux seniors et aux salariés handicapés,
pour en faire une filière d'avenir
et un vivier d'emplois. “Car vous
êtes une vraie filière !", lançait Michel
Sapin – ministre du Travail du gouvernement
Ayrault – à ceux qui allaient
signer l'accord-cadre sur l'engagement
pour le développement de l'emploi et
des compétences (Edec) des métiers de
l'autonomie. Alors que les statistiques
démographiques prédisent qu'un
tiers des Français dépassera les 60 ans
d'ici à 2060 et que le pays comptera
près de 5 millions d'octogénaires à la
même échéance (contre 1,4 million
aujourd'hui), le secteur de l'autonomie
– qui compte actuellement près
d'1,2 million de salariés – représente
à la fois un gisement d'emplois, une
opportunité économique, mais aussi
une nécessité sociale, pour ce pays
vieillissant. À condition, toutefois, de
le rendre attractif et d'y développer
une politique ambitieuse en termes
de professionnalisation, de qualification,
de mobilité, d'insertion, d'évolution
de carrière à destination de
personnels, pour l'heure encore majoritairement
peu qualifiés et parmi lesquels
les femmes représentent encore
l'immense majorité des effectifs. Un
besoin de diversifier la branche qui
s'inscrit d'ailleurs dans les objectifs
de la plateforme “mixité des métiers"
lancée deux semaines auparavant par
Najat Vallaud-Belkacem [ 2 ]L'Inffo n° 853, p. 6., avec l'ambition
de “mixiser" un certain nombre
de métiers, dont précisément celui de
l'autonomie.

“Moyens insuffisants !"

“L'Edec concrétise un premier acte du
plan métiers autonomie", a affirmé
Michèle
Delaunay. Un premier acte
que l'État s'est engagé à cofinancer à
hauteur d'1,8 million d'euros alors
que, pour l'heure, la participation des
représentants patronaux du secteur,
par le biais des Opca dans lesquels ils
siègent, n'a pas encore été déterminée,
renvoyée à quatre futures conventions
financières à établir entre 2014 et
2016.

Mais si quatre confédérations syndicales
ont accepté de parapher l'accord
– en exprimant parfois des réserves –
une signature manque en bas du texte :
celle de la CGT, qui s'est refusée à
s'associer à cet Edec. “Le décalage entre
l'affichage de la volonté gouvernementale
d'améliorer les politiques publiques en
matière d'autonomie et les moyens qui
lui sont alloués est trop grand", jugeait
Stéphane Fustec, de la fédération CGT
du commerce. “Ramené au nombre de
salariés, le 1,8 million que l'État met
sur la table représente 0,75 centimes
d'euros par travailleur sur trois ans..."
Sur le principe, il ne se veut pas hostile
à l'Edec, salue même l'idée du
socle commun de formation pour les
salariés de l'ensemble des filières que
prévoit l'accord. Mais il dénonce “des
politiques sociales inacceptables dans le
secteur privé à but lucratif, parfois pires
que dans la restauration". En cause : les
irrégularités au droit du travail persistantes
chez certains employeurs du
privé et la grande précarité qui règne
dans le secteur.

“Une branche précarisée et paupérisée",
c'est également la définition que donne
Michel Rollo, président de la fédération
Santé sociaux de la CFTC, qui, malgré
tout, a signé l'accord, en dépit “des milliers
d'emplois perdus" dans le secteur de
l'autonomie depuis quelques années
− du fait de son manque d'attractivité.
À ses yeux, l'Edec ne pourra faire l'économie
de réflexions sur la définition
d'un socle de qualifications commun
à tous les métiers de la branche, mais
aussi sur la formation diplômante, la
création de passerelles entre les métiers,
les reconversions professionnelles possibles
et la sécurisation des parcours des
salariés.

Cartographies des métiers

Au total, l'Edec compte dix-neuf “actions
phares", couvrant les enjeux liés
à la formation, au développement des
compétences et de l'emploi, à l'orientation
professionnelle, à la lutte contre la
pénibilité au travail et à la recherche de
la mixité. Des actions à décliner tant au
niveau des branches professionnelles,
des Régions (où sont définies l'offre
de soins et l'offre de formation initiale
sanitaire et sociales) et, bien entendu,
des établissements eux-mêmes, par
le biais de négociations d'entreprise.
Ainsi, c'est aux établissements médicosociaux
qu'il appartiendra de mettre
en place les politiques de gestion prévisionnelle
des emplois et des compétences
(GPEC) ou d'élaborer les cartographies
des métiers exercés en leur
sein, qui seront ensuite compilées sous
forme de synthèses régionales.

30 000 emplois d'avenir

Des efforts en matière de GPEC qui
se verront accompagnés par les fédérations
patronales et syndicales qui,
pour ce faire, s'appuieront sur l'expérience
des quatre Opca liés au secteur
de l'autonomie − Agefos-PME pour
l'interprofessionnel ; Unifaf pour le
médico-social à but non lucratif ;
Uniformation pour le secteur associatif,
et Actalians, l'Opca des professions
libérales −, en coopération avec Pôle
emploi et dotés de crédits supplémentaires
(14 millions d'euros, pris sur les
fonds de la formation des demandeurs
d'emploi) pour financer les formations
des 30 000 emplois d'avenir que
le plan envisage de recruter chaque
année dans le champ médico-social,
mais aussi des préparations opérationnelles
à l'emploi (POE), des Cif-
CDD ou des contrats de sécurisation
professionnelle (CSP) orientés vers les
métiers de l'autonomie.

Une attractivité à trouver

Demeure la question de la motivation
des bénéficiaires potentiels − jeunes,
chômeurs ou salariés en reconversion −
à se lancer dans une carrière médicosociale
à destination du troisième âge
et du handicap. D'autant plus difficile
que l'accord ne prévoit aucune
revalorisation de la grille salariale de
ces métiers, premier critère d'attractivité,
comme l'a regretté Anne Baltazar,
secrétaire confédérale FO, néanmoins
signataire.

Un focus particulier de la future campagne
de communication prévue
pour être lancée à la suite des “États
généraux du travail social" devrait être
consacré à la thématique de l'autonomie.
En attendant, c'est à Pôle emploi
que revient la mission de valoriser
l'image des métiers de l'aide à la personne,
grâce à une information ciblée
que ses conseillers seront invités à faire
connaître aux demandeurs d'emploi.
Côté insertion, ce sont des plateformes
territoriales dédiées aux métiers
de l'aide à la personne qui seront en
mesure de favoriser les “circuits courts"
formation-accompagnement au retour
à l'emploi, et de créer des passerelles
entre employeurs qui peinent à recruter
et demandeurs d'emploi. Toutefois,
d'autres initiatives, à l'image de la
production de films informatifs sur
les métiers de l'autonomie (comme
la Région Centre et le ministère de la
Santé l'ont déjà expérimenté) ne sont
pas exclues.

La reconversion, porte de sortie

Et pour briser l'image de métiers pénibles,
parfois ingrats, le plan envisage
également d'accroître la lutte contre la
pénibilité professionnelle et la promotion
de la santé et de la qualité de vie au
travail en permettant, également, les reconversions
professionnelles d'anciens
professionnels de l'aide à la personne
vers d'autres secteurs d'activité.“C'est
usant de faire de l'aide médico-sociale
quarante ans de sa vie durant !", reconnaissait
Michèle Delaunay. Sans compter
la lutte contre le travail clandestin,
particulièrement répandu au sein de ce
secteur. “La première bataille à gagner
dans les métiers de l'autonomie, c'est celle
du travail déclaré", a assuré Béatrice
Levaux, représentante de la Fepem
(particuliers employeurs), qui s'est engagée
à contribuer à réduire le nombre
d'emplois “au noir" de 50 000 durant
les quatre années d'application du plan.
Lequel ne comprend lui-même aucune
mesure de lutte contre le travail clandestin.
Quantitatif, mais aussi qualitatif, l'Edec
ambitionne de professionnaliser tout
un secteur qui connaît encore petits
salaires et temps partiels subis. Michel
Sapin l'a d'ailleurs admis : “L'enjeu,
ce n'est pas seulement l'emploi, c'est surtout
le bon emploi. Celui qui permet de
valoriser ses compétences, d'évoluer dans
sa carrière." En la matière, le plus dur
reste à faire...
n Benjamin d'Alguerre
1. Unifed (employeurs à but non lucratif), USB
(branche de l'accompagnement des soins et services
à domicile), Synerpa (maisons de retraite), Fepem
(particuliers employeurs) et entreprises privées du
service à la personne.
2. L'Inffo n° 853, p. 6.

Notes   [ + ]

1. Unifed (employeurs à but non lucratif), USB
(branche de l'accompagnement des soins et services
à domicile), Synerpa (maisons de retraite), Fepem
(particuliers employeurs) et entreprises privées du
service à la personne.
2. L'Inffo n° 853, p. 6.