Le projet de loi formation tourne la page de l'obligation fiscale

Par - Le 01 février 2014.

Il est maintenant entre
les mains du législateur :
le projet de loi relatif à la
formation professionnelle,
à l'emploi et à la démocratie
sociale a été officiellement
présenté le 22 janvier.
Il annonce la fin de la
fameuse logique “former
ou payer", qui a prévalu
pendant plus de quatre
décennies. Quelques
modifications sont apparues
par rapport au pré-projet
diffusé début janvier : les
voici.

Le 22 janvier, Michel Sapin a présenté
le projet de loi relatif à la
formation professionnelle, à
l'emploi et à la démocratie sociale
en conseil des ministres, puis devant
les députés de la majorité, avant de
répondre aux questions de la commission
des affaires sociales de l'Assemblée
nationale. La veille, c'est le Conseil
d'État qui donnait son feu vert à la version
finalisée d'un “texte refondateur de
la formation professionnelle", décrit par
le ministre du Travail comme l'aboutissement
de “dix années de réformes
qui n'avaient jamais été menées jusqu'au
bout". Le projet de loi sera discuté du
5 au 7 février par les députés et du
18 au 20 février par les sénateurs.

De la conférence sociale de juillet 2013
à la présentation du projet, il ne se sera
écoulé que sept mois. “Un record !",
s'est félicité le ministre. Un record qui
pourrait d'ailleurs se voir doublé si le
Parlement, saisi en procédure d'urgence,
venait à voter le texte avant le
28 février prochain.

Entre le pré-projet présenté à l'approbation
du Conseil national de la formation
professionnelle tout au long de
la vie, le 13 janvier (cf. L'Inffo n° 848),
et sa rédaction finale, le texte n'a été
que peu retouché, ni par la DGEFP ni
par le Conseil d'État. C'était d'ailleurs
le voeu du gouvernement, qui s'était
engagé à “retranscrire de la manière la
plus loyale possible" l'accord interprofessionnel
signé entre les partenaires sociaux
au mois de décembre, comme il
l'avait déjà fait auparavant concernant
l'Ani sur la sécurisation de l'emploi qui
instaurait, entre autres, le compte personnel
de formation.

Les moyens du FPSPP accrus

Le texte tourne ainsi la page de quarante-
trois ans de formation professionnelle
dont le modèle de financement se
basait sur la cotisation obligatoire des
entreprises et dont les principaux bénéficiaires
étaient les salariés. “Un système
fondé en 1971 alors que la France ne
comptait que 500 000 chômeurs, qui
ne correspond plus à la réalité de notre
pays qui en compte désormais plus de
trois millions, sans compter cinq millions
en situation difficile", a résumé Michel
Sapin. Désormais, c'est “vers ceux qui
ont le plus besoin de se former" − comprendre,
les demandeurs d'emploi, qui
n'étaient que 560 000 à être entrés en
formation en 2011 – que se verront
tracés prioritairement les fonds de la
formation. Au travers, notamment, du
Fonds paritaire de sécurisation des parcours
professionnels (FPSPP) dont les
ressources dédiées à l'abondement du
CPF des chômeurs devraient croître de
50 %, passant de 600 à 900 millions
d'euros.

100 000 “formations prioritaires"

Des demandeurs d'emploi que la
réforme prévoit de guider – via particulièrement
le conseil en évolution
professionnelle – vers les listes de formations
établies au plan régional par
des Comités régionaux de l'emploi, de
la formation et de l'orientation professionnelle
(Crefop), et élaborées à partir
des programmes régionaux et de Pôle
emploi. À ce titre, les 30 000 “formations
prioritaires" mises en oeuvre à la
suite de la conférence sociale de juillet
2013 constituaient, dans les régions,
une première expérimentation destinée
à tester in situ la capacité des instances
concernées (services déconcentrés de
l'État, services régionaux, partenaires
sociaux) à travailler de concert à l'identification
des besoins de formation
menant à l'emploi sur les territoires.
“Objectif atteint !", selon le ministre,
qui a programmé un nouveau cap de
100 000 formations supplémentaires
pour 2014 qu'il appartiendra aux futurs
Crefop de mettre en œuvre.

Insertion professionnelle

De nouvelles dispositions relatives à
l'insertion professionnelle sont introduites
par le projet de loi afin de “renforcer
l'efficacité de dispositifs éprouvés".
Elles font l'objet de l'article 10 qui
dans un premier temps porte à 30 ans
− au lieu de 26 − l'âge limite d'un
jeune susceptible de signer un contrat
de génération lorsque celui-ci est utilisé
dans le cadre d'une transmission
d'entreprise.

Deuxième mesure réformée : les “périodes
de mise en situation en milieu
professionnel" pour tester en situation
de travail la réalité d'un métier ou
d'un secteur d'activité, valider un projet
professionnel, acquérir de nouvelles
compétences ou initier une démarche
de recrutement. Le texte harmonise le
cadre juridique de ces périodes et les
étend “à toute personne faisant l'objet
d'un accompagnement social ou professionnel
personnalisé", sous réserve
qu'elle soit prescrite par un opérateur
du service public de l'emploi ou d'une
structure d'insertion par l'activité économique.

Enfin, l'article 10 détaille la réforme
du financement de l'insertion par
l'activité économique. Dorénavant,
toutes les structures bénéficieront de
l'“aide au poste d'insertion" qui se substituera
aux aides actuelles accordées
via le CUI-CAE [ 1 ]Contrat unique d'insertion - contrat
d'accompagnement dans l'emploi
pour les embauches
conclues dès le 1er janvier 2014.
Par ailleurs, les préparations opérationnelles
à l'emploi (POE) et les
périodes de professionnalisation sont
dorénavant accessibles aux salariés en
contrat unique d'insertion ou relevant
des structures d'insertion par l'activité
économique. Outre cet élargissement,
l'article 3 “renforce leur ambition qualifiante
ou certifiante, tout en laissant
la porte ouverte à des formations visant
l'acquisition du socle de compétences".
Elles pourront abonder le compte
personnel de formation et leur durée
minimale de formation sera précisée
par décret. Quant au contrat de professionnalisation,
le texte réaffirme le
principe de gratuité et inscrit l'obligation
de tutorat “dans un objectif d'égal
accès, d'accompagnement et de qualité de
ces contrats".

Afpa

Désormais, les Régions disposeront
d'un “droit d'option" sur le patrimoine
immobilier de l'Afpa (à partir d'une
liste établie par décret par les ministères
en charge de la formation professionnelle
et des collectivités territoriales)
“pour la mise en oeuvre du service public
régional de la formation professionnelle".

Le “0,2 % CPF" à la seule grâce
d'un accord d'entreprise


Côté entreprises, l'accord national interprofessionnel
de décembre réduisait
la cotisation mutualisée obligatoire de
1,6 % à 0,8 % de leur masse salariale
et y adjoignait, dans les entreprises de
plus de 10 salariés, une part supplémentaire
de 0,2 % destinée à alimenter
une contribution mutualisée spécifiquement
dédiée au CPF sous réserve
de la signature d'un accord d'entreprise
ou de branche. Une dernière mention
qui disparaît dans le projet de loi,
puisque seule est retenue la signature
possible d'un accord d'entreprise. “Une
entreprise dont la branche aurait signé un
tel accord ne pourrait plus s'exonérer du
versement du 0,2 % et décider elle-même
de l'affectation de ces sommes. Lors de
discussions avec les partenaires sociaux,
ceux-ci ont attiré notre attention sur les
difficultés très concrètes que cela pourrait
entraîner", explique-t-on dans l'entourage
du ministre

Effectif en 2015… ou 2016 ?

Succédant au Dif – dont le projet de
loi annonce la disparition – le CPF sera
effectif au 1er janvier 2015. En théorie
du moins car, en la matière, la rédaction
de l'article 4-XV du texte pose
problème, celui-ci indiquant que “les
dispositions (CPF, 1 % formation, etc.)
[…] s'appliquent à la collecte des contributions
dues au titre de l'année 2015".
Laissant donc entendre que si la naissance
du compte a bien lieu à la date
prévue, il ne commencera à être crédité
qu'au printemps 2016.

Le Medef, lui, a immédiatement réagi,
réclamant “l'application totale de la réforme
dès janvier 2015" et “le respect de
l'accord signé".

Une “nouvelle taxe" pour
financer le dialogue social


Mais ce n'est pas, pour le Medef,
l'unique raison de s'inquiéter de ce projet
de loi. En effet, l'organisation patronale
dénonce aussi la création d'une
nouvelle taxe destinée à alimenter le
futur Fonds paritaire dédié au financement
du dialogue social, remplaçant le
“préciput" [ 2 ]L'Inffo n° 843, p. 16. que les partenaires sociaux
tirent des organismes paritaires. Pour
Pierre Gattaz, c'est un coup de canif
dans “la confiance réciproque" que souhaite
instaurer François Hollande dans
son “pacte de responsabilité". Au ministère
du Travail, au contraire, on assure
que le montant de cette contribution
(comprise entre 0,014 % et 0,02 % de
la masse salariale et dont le taux exact
sera fixé par un accord conclu entre organisations
patronales et syndicales au
niveau national et interprofessionnel
ou, à défaut, par décret du ministre du
Travail) ne devrait pas excéder 80 millions
d'euros, soit peu ou prou l'équivalent
des sommes que versaient déjà les
entreprises aux organismes paritaires.
“Le dispositif présenté apparaît complexe
et ne répond pas à l'objectif partagé de
transparence pour le financement des
organisations professionnelles", déplore
le Medef. Une transparence que, justement,
Michel Sapin jugeait comme un
préalable indispensable à toute réforme
de la formation professionnelle.

Benjamin d'Alguerre

DES SYNDICATS PLUÔT INQUIETS

Pour Marcel Grignard, secrétaire national
CFDT, “le projet de loi traduit l'esprit
et le sens de la réforme souhaitée".
De son côté, Dominique Jeuffrault,
déléguée nationale CFE-CGC secteur
emploi-formation, a évoqué “une
inquiétude" à propos de l'élaboration
des listes de formations qualifiantes
éligibles au CPF, “celle de voir les bas
niveaux de qualification devenir les
publics prioritaires". Elle a également
fait valoir que “le développement de
l'apprentissage doit se faire de manière
équilibrée pour tous les niveaux de
qualification" tout en se félicitant de la
création d'une “période d'apprentissage"
dans le cadre d'un CDI et de la réduction
du nombre d'organismes collecteurs
de la taxe d'apprentissage. Autre
inquiétude cependant, celle liée à “un
risque de creusement des inégalités
territoriales consécutif au processus de
décentralisation". Pour Jean-Pierre Therry,
conseiller confédéral CFTC, il manque
dans le projet de loi le bénéfice pour tous
les salariés d'une gestion prévisionnelle
des emplois et des compétences au plan
territorial (GPECT). “Cela permettrait
aux salariés des TPE-PME d'avoir un vrai
fonctionnement du CPF" dans la mesure
où les branches et les organisations
interprofessionnelles territoriales
développeraient une logique d'étude
qualitative et quantitative sur l'évolution
des métiers, des compétences et des
qualifications. Au reste, pour Stéphane
Lardy, secrétaire confédéral FO, “la
réforme prendra deux à trois ans".

ENTRETIEN AVEC MICHEL ABHERVÉ, SPÉCIALISTE DES
QUESTIONS D'INSERTION, DE FORMATION PROFESSIONNELLE
ET D'APPRENTISSAGE

_ “Faire entrer l'apprentissage dans la gestion paritaire"

Ancien président de l'Union nationale des
Missions locales, consultant-formateur,
Michel Abhervé est professeur associé
d'économie sociale et de politiques publiques
à l'Université de Paris-Est Marne-la-Vallée

Pensez-vous que la réforme de
l'apprentissage, telle qu'envisagée par
le gouvernement, permettra d'atteindre
l'objectif de 500 000 apprentis en 2017
comme le souhaite François Hollande ?


Si les 500 000 contrats d'apprentissage
sont atteints en 2017 ce sera grâce à une
amélioration de la situation économique.
Je ne pense pas que la réforme ait un
impact significatif sur l'atteinte ou non des
objectifs. Ce qui me semble incroyable, c'est
la tendance des gouvernements successifs
à nier les chiffres. Fin 2013, le nombre de
contrats d'apprentissage a baissé par rapport
à l'année précédente, et Michel Sapin n'en
parle pas. Nadine Morano, lorsqu'elle était
ministre chargée de l'Apprentissage et de
la Formation professionnelle, nous répétait
également que tout allait bien ! En réalité,
l'apprentissage stagne depuis 2008, et a baissé
sensiblement en 2013, de l'ordre de 10 %. Or,
on ne pourra trouver de solution que si l'on pose
correctement le diagnostic, et que l'on admet
que la principale difficulté tient au nombre de
postes disponibles.

Les politiques publiques se trompent de
cible. Sous Nadine Morano, on tentait
désespérément d'attirer les jeunes vers la voie
de l'apprentissage, comme s'ils n'étaient pas
déjà intéressés ! Le vrai problème, c'est que
les jeunes intéressés ne trouvent juste pas de
contrats. Il aurait été plus logique de faire des
campagnes vers les employeurs, et en direction
des jeunes, sur certains secteurs bien précis,
comme par exemple la boucherie, qui ont de
forts besoins en recrutement.

Sur quel autre levier peut-on jouer
pour développer le nombre de contrats
d'apprentissage ?


Un dossier qui n'est toujours pas traité est celui
de l'apprentissage dans la fonction publique.
Aujourd'hui, le système est clairement absurde.
D'une part, les apprentis y sont payés 20 %
de plus que dans le privé, ce qui n'a guère
de sens. D'autre part, les employeurs publics
n'étant pas assujettis à la taxe d'apprentissage,
ils doivent donc prendre en charge en grande
partie ou en intégralité la formation de leurs
apprentis. Ensuite, la question de l'articulation
entre apprentissage et intégration dans la
fonction publique n'est pas réglée. En effet, je
rappelle que pour devenir fonctionnaire, il faut
passer des concours, ou, tout du moins pour les
catégories C, suivre une procédure particulière.
Le rapport de Laurent Hénart, remis en 2009 sur
l'apprentissage dans la fonction publique,
a soigneusement été poussé sous le tapis…
Thierry Repentin, à l'époque où il était ministre
délégué à la Formation professionnelle et
à l'Apprentissage [juin 2012-mars 2013],
avait commencé à évoquer cette question en
préparant la réforme de l'apprentissage qui doit
être adoptée ce mois de février. Il n'était pas
spécialiste, mais il a beaucoup travaillé et a vite
compris les enjeux. Il s'était également entouré
d'un cabinet très compétent.

Quand a eu lieu le jeu de chaises musicales
lié à l'affaire Cahuzac, et que Thierry
Repentin est parti aux Affaires européennes,
les dossiers formation professionnelle
et apprentissage en ont pâti. Non que
Michel Sapin ne soit pas quelqu'un de très
capable, mais il a plusieurs gros dossiers
à gérer et n'a pas pu entrer assez dans la
technicité du sujet. Vraiment, c'était une
erreur de supprimer le poste de ministre
délégué à la Formation professionnelle et à
l'Apprentissage…

En quel sens la future loi peut-elle
améliorer le système ?


Avec cette loi, une partie plus importante de
la taxe d'apprentissage va vers les Régions,
plutôt que de passer par un circuit direct
entre entreprises et CFA (centres de formation
d'apprentis). Cela me semble plus rationnel
de procéder ainsi. Le précédent système,
basé sur une dotation de décentralisation,
était absurde. On avait donné la compétence
de l'apprentissage aux Régions, mais l'État
tentait tout de même de reprendre la main
à travers un Com (contrat d'objectifs et de
moyens). Et cela, sans avoir les moyens de
piloter lesdits Com ! L'État a vraiment joué les
mouches du coche dans ces circonstances…
De même, l'intégration de la CDA (contribution
au développement de l'apprentissage) à la taxe
d'apprentissage me semble être une bonne
chose. C'est simplificateur.

Le nouveau système de collecte, composé
d'Octa régionaux et d'“Opca-Octa" vous
semble-t-il viable ?


Il faudrait que le patronat accepte de faire
entrer l'apprentissage dans la gestion paritaire.
Cela existe dans certains secteurs, comme
dans le bâtiment, où ce système ne pose aucun
problème. Pour beaucoup de patrons, cependant,
l'idée de cogérer avec les syndicats ne plaît pas,
par exemple dans l'artisanat. Se pose également
la question du rôle des chambres de commerce
et d'industrie dans ce système. Il semblerait que
l'on veuille leur attribuer un rôle décisionnel dans
le cadre des nouveaux collecteurs régionaux. Or,
ce serait malsain, car les chambres de commerce
sont gestionnaires de centres de formation. On
court un grave risque de confusion. Ce n'est pas
pour rien que depuis les années 90, les Opca
n'ont plus droit de gérer de centre de formation.

Les modifications apportées en termes de
répartition de la taxe vous semblent-elles
positives ?


Toutes les organisations professionnelles se
battent pour garder un maximum de barème,
pour en faire ce qu'elles veulent. Le lobby le
plus attaché à la taxe est celui des écoles de
commerce, dont beaucoup sont gérées par les
chambres de commerce et d'industrie.

On note cependant une volonté
gouvernementale de faire un peu le ménage
chez les bénéficiaires de la taxe. Dans le
cadre du PLFR 2013 (projet de loi de finances
rectificative), un petit article, introduit
discrètement par le biais d'un amendement
gouvernemental, énumérait les organismes
habilités à recevoir la taxe d'apprentissage,
excluant les établissements à but lucratif. On
était à la limite du “cavalier législatif" ! Mais
c'était la première fois qu'une liste limitative
apparaissait dans un projet de loi, c'était
intéressant ! Les écoles gérées par les CCI
continuaient de percevoir la taxe, en revanche,
les “marchands de tapis", c'est-à-dire les
mauvais établissements, étaient exclus.
Malheureusement, cet article a été placé dans
l'article 60 du PLFR, précisément celui qui, pour
d'autres raisons, a été censuré par le Conseil
constitutionnel ! Je suis persuadé, cependant,
que ces dispositions seront réintroduites sous
une forme ou une autre…

Mais comment ?

Par expérience, je sais que les choses
les plus délicates sont glissées dans un
texte de loi en cours de débat. Il est fort
possible que les dispositions que le Conseil
constitutionnel souhaite voir introduites dans
la loi soient ajoutées à la loi sur la formation
professionnelle par la voie d'un amendement.
Le cabinet a d'ailleurs évoqué cette possibilité.
En effet, les amendements ne passent pas
devant le Conseil d'État… Et il arrive que le
texte d'un amendement soit fortement suggéré
à un parlementaire de la majorité.

Quelles autres dispositions sont passées
par le biais d'une loi de finances ?

L'article 36 de la loi de finances pour 2014
réduit sensiblement le crédit d'impôt auquel
avaient droit les entreprises assujetties à
l'impôt sur les sociétés, pour toute embauche
d'apprentis. Au lieu d'un crédit de 1 600 euros
sur deux ans, le crédit est dorénavant de 1 600
euros la première année, et 800 la seconde.

Il est intéressant de noter que les mesures
délicates passent souvent dans le cadre des lois
de finances. Pour moi, la raison est la suivante :
la formation professionnelle est un sujet très
technique. Les députés qui discutent les lois de
finances s'y connaissent moins bien que ceux
− plus spécialisés − qui discuteront la loi sur la
formation professionnelle et l'apprentissage.

Les différents lobbies y prêteront moins
attention. Et en effet, contrairement à la
diminution des primes pour l'embauche d'un
apprenti, qui à fait couler beaucoup d'encre, la
diminution du crédit d'impôt n'a quasiment pas
occasionné de débat !

La réforme de l'apprentissage n'aurait-elle
pas dû se trouver en partie dans l'acte III
de la décentralisation ?


Le renforcement du rôle des Régions en
matière d'apprentissage était à l'origine dans le
second volet de l'acte III de la décentralisation.
Conformément à ce qu'avait annoncé Michel
Sapin, il a finalement introduit ces dispositions
dans le texte qui passerait le premier devant
l'Assemblée… Pour ma part, je tiens à souligner
que les questions ayant trait à l'apprentissage
ne sont pas dans l'Ani du 14 décembre 2013 sur
la formation. Si l'on était resté dans le cadre de
la logique pure, la loi formation professionnelle
devait retranscrire l'Ani, et les dispositions
apprentissage devaient demeurer dans la
loi de décentralisation. Mais la politique est
rarement dans la logique pure et les questions
d'opportunité ont tout leur poids.

Au nom de l'urgence, on passe beaucoup de
dispositions qui ne sont pas dans l'Ani dans
ce projet de loi. L'opposition va avoir du mal à
s'opposer fortement à une loi affichée comme
transcrivant un accord signé avec le Medef…
C'est pourquoi on y ajoute “tout ce qui traîne"
et qui est un peu délicat, même si ce n'est
pas directement issu de l'Ani : apprentissage,
suppression des élections prud'homales,
représentativité patronale…

Propos recueillis par Aurélie Gerlach

POUR L'AGEFA-PME, L'APPRENTISSAGE DOIT RESTER
UNE MODALITÉ DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

L'Agefa-PME a publié le 21 janvier un “Manifeste sur la réforme de l'apprentissage".
Cet opérateur de la CGPME regrette que le projet de loi rattache l'apprentissage à l'emploi,
au lieu de le conserver comme une modalité de l'enseignement professionnel, qui permet
aux jeunes de bénéficier d'un enseignement généraliste. Et pointe que les Octa forment
un lien entre l'école et l'entreprise. Elle propose un seuil de collecte minimum fixé à
35 millions d'euros, ce qui amènerait à réduire le nombre d'Octa entre 15 et 18. Confier
les missions des Octa aux Opca est pour l'Agefa-PME “une gageure". Elle demande que le
choix de l'adossement à un Octa soit “libre et optionnel", et que les Octa régionaux restent
consulaires. L'Agefa-PME propose une gestion quadripartite de la répartition de la taxe par
l'État, les Conseils régionaux, les syndicats représentatifs et les organisations patronales
signataires d'une convention de coopération. Elle réclame la refondation du financement
de l'enseignement professionnel en élargissant le paiement de la taxe à toutes structures
économiques de droit privé. Et propose que soit instauré un financement forfaitaire de base
des CFA par l'État et les Régions, comme pour les établissements sous contrat.

Notes   [ + ]

1. Contrat unique d'insertion - contrat
d'accompagnement dans l'emploi
2. L'Inffo n° 843, p. 16.