Les branches propreté et transports s'allient pour un Opca multibranches

Par - Le 15 septembre 2014.

L'annonce est tombée peu avant l'été. La branche de la propreté a décidé de quitter l'interpro Opcalia
pour rejoindre l'Opca Transports. Une volonté des partenaires sociaux de créer un grand organisme
collecteur multibranches, mieux adapté à la nouvelle donne législative. Retour sur la chronologie de
cette intégration.

Le lien n'est pas à première vue
évident. C'est pourtant sous
l'égide de l'Opca Transports que
la branche propreté a décidé de
poursuivre son activité. Bien avant
d'être absorbée par Opcalia, cette dernière
existait comme un organisme collecteur
à part entière. Une politique de
branche dynamique avait été conduite
pendant plusieurs années, jusqu'à la
réforme de 2009.

La fin du Faf Propreté

La loi du 24 novembre 2009 a alors
introduit une nouvelle condition pour
permettre aux Opca d'exister : un seuil
de collecte fixé à 100 millions d'euros.
Un montant insuffisant pour permettre
la poursuite de l'activité du Faf Propreté,
qui ne réunissait chaque année que
60 millions auprès de ses entreprises
adhérentes. Par conséquent, l'organisme
a dû trouver une solution de repli. “Il y
a quatre ans, nous étions dans l'optique de
nous associer avec un organisme collecteur
de branche. Mais malgré notre volontarisme,
nous n'avons pas trouvé à l'époque de
branche prête à nous accueillir en son sein",
confie Carole Sintes, directrice générale
de la Fédération des entreprises de propreté
(Fep). C'est donc “par défaut" que
le Faf Propreté a rejoint l'interbranches
Opcalia. La dévolution de l'activité était
actée au 1er janvier 2012.

Adhérente d'Opcalia

Difficile, en partant de là, de construire
une union solide. La branche en quête
d'une logique de branche s'est confrontée
pendant quelques années à une toute
autre manière de faire. “Sur le fond, nous
n'avons eu aucun problème dans le travail
avec Opcalia. Les choses se sont très bien
passées et la collaboration a été très satisfaisante.
Mais notre vision de développement
ne correspondait plus aujourd'hui à ce
que nous construisions avec l'interpro." La
branche de la propreté, particulièrement
attachée à son histoire et aux méthodes
qu'elle a développées ferme la page sans
déception. “Nous sommes très attachés à
notre réseau et notre passé fait que nous
tenons beaucoup à la structuration de la
branche."

Recherche
d'un “multibranches"


Rupture consommée, mais divorce à
l'amiable. C'est au début de l'année
2014 que la direction de la branche
propreté s'est lancée dans des tractations
auprès de différents organismes
collecteurs susceptibles de développer
une vision commune avec elle.

La direction de la Fep avoue avoir été
inquiétée par la nouvelle réforme ayant
abouti à la loi du 5 mars 2014. “Selon
nous, la logique de branche risquait d'être
encore plus fortement mise à mal." Pour
s'adapter au mieux aux besoins de ses
entreprises, la branche a anticipé des
changements majeurs dans le domaine
de la formation professionnelle. En effet,
avec la disparition du 0,9 affecté au
plan de formation, les mutations dans
la collecte de la taxe d'apprentissage,
qui s'effectuera désormais par les Opca,
ou encore avec la création du compte
personnel de formation, directement
rattaché à la personne, les partenaires
sociaux de la branche ont eu la volonté
de positionner la construction de leur
politique de formation dans un partenariat
avec un Opca “multibranches".
“Nous sommes rapidement entrés en négociation
avec le Fafih. Cette première étape
n'a toutefois pas abouti, malgré la volonté
du patronat, car nos organisations syndicales
y étaient opposées."

“Nous sommes confrontés
aux mêmes problématiques"


Au mois de mars, après l'échec du rapprochement
avec la branche de l'hôtellerie-
restauration, la Fep a entamé des
discussions avec l'Opca Transports.
“Nous avons réalisé assez rapidement que
beaucoup de points nous rapprochaient.
Les choses se sont faites très naturellement."
Très vite, l'association a paru évidente
aux deux branches pour construire un
grand organisme collecteur regroupant
des services répondant à des défis
communs : “Nous sommes confrontés
aux mêmes problématiques, que ce soit en
termes d'organisation du travail dans nos
entreprises, de publics – majoritairement
de bas niveau de qualification –, ou encore
d'attentes de nos interlocuteurs quant à un
service de proximité et à un encadrement
intensif. Nombreux étaient les points de
rapprochement d'expertise et d'échange."

“Une véritable logique
d'intégration"


Du côté de l'Opca Transports, l'alliance
est vécue comme une aubaine pour se
diversifier tout en se nourrissant des
forces de chacun. “Dès nos premières rencontres,
nous avons observé une cohérence
stratégique entre nos branches. Il nous a
donc paru évident de travailler ensemble
dans une véritable logique d'intégration",
explique Raphaëlle Franklin, directrice
générale de l'organisme collecteur.

Lors d'une conférence de presse organisée
au début de l'été par l'Opca
Transports, René Petit, vice-président de
l'organisme, s'était déjà réjoui de cette
complémentarité. “Ce rapprochement est
cohérent tant du point de vue politique que
du point de vue opérationnel. En effet, il
existe entre nous une complémentarité des
publics, ainsi qu'une similitude des entreprises.
De plus, nous réfléchissons ensemble
à une consolidation de l'articulation des
services centralisés et à une mutation vers
une offre dématérialisée."

Donnant-donnant

Des similitudes établies. Mais également
des expériences assez différentes pour
donner du grain à moudre des deux
côtés. Les synergies entre les branches
devraient aboutir à un renforcement
du domaine du conseil auprès des entreprises
adhérentes et des salariés. La
branche de la propreté travaille en effet
depuis plusieurs années sur une expertise
en matière de certificat de qualification
professionnelle (CQP). L'Opca
Transports pourra, quant à lui, livrer son
expérience dans la prospective. “Nous
aurons certainement à creuser la piste
des observatoires régionaux, car, pour le
moment, nous n'en avons pas développés
à l'échelle de la branche", expose la directrice
de la Fep.

Un possible changement de nom

Concrètement, si les discussions ont
été entamées dès le printemps 2014, la
branche propreté sera officiellement intégrée
l'année prochaine. En attendant,
l'Opca Transports se prépare en faisant
de la place à la branche.

Premier point évoqué : un possible
changement de nom. Tout est fait pour
tendre vers un multibranches assumé.

“Nous fonctionnons dans le respect des
autonomies, tout en permettant une intégration
totale. Nous lui laisserons définir
sa politique de formation, mais pas
question de créer un essaim d'Opca dans
l'Opca", reprend le vice-président.

Créer des CQP interbranches

Une révision des statuts est également en
cours, pour faire en sorte que la branche
soit représentée au niveau des instances
décisionnaires de l'organisme. “Nous
mettons actuellement en place une section
paritaire, intégrant la spécificité de chaque
branche. Au moment du renouvellement
du mandat, les postes seront redistribués à
la proportionnelle, afin que la branche de
la propreté bénéficie d'une représentation",
détaille la directrice.

Pour ce qui est des passerelles entre les
métiers, la question est posée. “Nous
avons déjà la volonté d'en développer entre
les métiers du transport, et nous ne fermons
pas la porte à leur création entre transport
et propreté. L'objectif serait à terme de créer
des CQP interbranches."

Réfléchir au prochain “mercato"

Est-ce alors à dire que le multibranches
devient l'avenir des organismes collecteurs
? Face à l'hégémonie des grands
interpros, les plus petites structures
tendent à se rationaliser pour continuer
d'exister et de peser dans le monde de
la formation professionnelle. L'Opca
Transports se refuse d'ailleurs à se fermer
la possibilité de cette aubaine.
“Pour continuer de faire vivre nos valeurs,
nous avons bien l'intention de réfléchir
au prochain « mercato » et, pourquoi
pas, d'élargir un peu plus notre champ.
Nous ne nous empêcherons pas de faire du
« multipro », tout en respectant les identités
de chacun, dans la mesure où les secteurs
restent assez proches."

Attention à la couverture
des accords de branche


Du point de vue de Paul Desaigues,
conseiller confédéral en charge de la formation
à la CGT, ces rapprochements
ne doivent pourtant pas se faire contre
toute cohérence. “Ces deux acteurs ont
l'habitude de travailler ensemble, mais il
convient de se méfier des rapprochements
sectoriels qui laisseraient parfois des entreprises
orphelines, car non couvertes par
des accords de branche." Au-delà même
des rapprochements, il serait, selon lui,
opportun de travailler à la réduction du
nombre de branches, que d'ailleurs le
président de la République a appelé de
ses voeux, et d'en tirer les conséquences
nécessaires pour les Opca. “Il faut davantage
de cohérence, et moins de regroupements
hétéroclites."