Les cours en ligne : “transmissifs" ou “connectivistes" ? L'enseignant-chercheur

Par - Le 01 juillet 2014.

À ce jour, trente-huit Mooc
(cours en ligne ouverts) sont hébergés
sur la plateforme France
université numérique (Fun) lancée
en octobre 2013 par le ministère
de l'Enseignement supérieur et
de la Recherche (aujourd'hui,
secrétariat d'État). Beau succès
pour ces cours en ligne, au point
que certains évoquent déjà une
“moocmania" hexagonale, alors
que d'autres, plus critiques, leur
reprochent de n'être, finalement,
que la transposition sur écran
de cours magistraux classiques
(“xMooc" ou “Mooc transmissifs").
Ceux-ci plaident pour un
modèle plus participatif (“cMooc"
pour “Mooc connectivistes"), qui
verrait le savoir provenir des apprenants
eux-mêmes.

Les “transmissifs"
tiennent la corde


Le 2 juin dernier, le neuvième séminaire
du Comité mondial pour
les apprentissages tout au long
de la vie (CMA) était l'occasion,
pour Rémi Sharrock, enseignantchercheur
à Telecom ParisTech [ 1 ]Son site : www.remisharrock.fr/.
Rémi Sharrock fait partie de l'équipe
pédagogique du Mooc “Monter un
Mooc de A à Z" hébergé par Fun.
,
d'effectuer une tentative de prospective
sur les “Mooc du futur".
Pour l'heure, c'est le modèle
xMooc qui semble avoir le vent
en poupe.

Normal, aux yeux du chercheur,
puisque actuellement la technologie
utilisée par les plateformes de
diffusion participent à privilégier
ce types de cours et présentent
encore peu de fonctionnalités interactives.
“Le projet collaboratif All
Learn, lancé en 2001 par Oxford,
Yale et Stanford pour développer
des cours en ligne, a été stoppé
en 2006", rappelle-t-il. Pourquoi ?
Pour des raisons financières, la
difficulté à lever des fonds et à développer
un modèle économique
viable, mais aussi parce que les
possibilités pédagogiques offertes
par les NTIC [ 2 ]Nouvelles technologies de
l'information et de la communication
d'alors avaient été
jugées insuffisantes par les trois
universités.
“Aujourd'hui, encore, le point
faible de la plupart des plateformes,
c'est cette impossibilité
de gérer l'échange entre apprenants",
juge Rémi Sharrock. Sans
oublier l'obligation, pour les émetteurs
de Mooc, de les rentabiliser.
“Souvent, le Mooc n'est qu'un
produit d'appel pour amener les
apprenants à la certification finale
qui, elle, est payante. Quoique
certaines universités, comme le
Georgia Institute of technology,
proposent déjà des cursus à suivre
uniquement par le biais d'un Mooc
et menant à un diplôme". Un cursus
“clé en main", à 7 000 dollars.
Que l'enseignant n'hésite pas à
qualifier de “Mooc au rabais".

Les “connectivistes"
relèvent la tête


Mais demain ? Pour Rémi
Sharrock, le Mooc du futur sera
connectiviste ou ne sera pas.
Grâce à des plateformes qui
sauront gérer l'interactivité,
mais aussi individualiser les
besoins des apprenants par le
biais d'algorithmes permettant
d'identifier les habitudes
de consommation internet de
chaque apprenant, en vue de lui
proposer les solutions les plus
adaptées à ses pratiques sur
le web. “C'est déjà le cas avec
Google, qui sait orienter une
recherche par mot-clé à partir
des précédentes recherches
de l'utilisateur, et individualise
donc ses réponses en fonction
des données collectées".

L'“apprentissage
automatique"...


À quoi s'ajoutent toutes les
possibilités de contrôle optique
(par le mouvement des yeux de
l'internaute face à son écran),
le pilotage d'une webcam à
distance, comme le font déjà
certaines entreprises américaines
pour vérifier l'identité de
l'apprenant lors de l'étape de
certification ou les données qui
pourront être tirées de capteurs
disposés à même le corps de
l'utilisateur.
“Le machine-learning [ 3 ]“Apprentissage automatique."
Domaine de l'étude des intelligences
artificielles permettant à une machine
(au sens large) d'évoluer grâce à un
processus d'apprentissage. Il existe
d'ailleurs un Mooc dévolu à ce sujet,
animé par le professeur Andrew Ng,
de Stanford.
et le
learning-from-machine vont finir
par se relier", prophétise le chercheur.
Et dit comme ça, HAL et
Skynet [ 4 ]Noms des intelligences artificielles
hostiles de 2001, l'odyssée de
l'espace et Terminator.
ne semblent pas loin.

“De plus en plus
individualisables"


“Mais internet va devenir de
plus en plus individualisable,
quoi qu'il arrive. Les sociétés
commerciales l'ont bien compris.
Pourquoi ne pas profiter de
cette évolution pour inventer les
pédagogies connectivistes du futur
?", interroge Rémi Sharrock,
pour qui ce n'est pas au monde
universitaire de ralentir préventivement
les recherches en
matière d'apprentissage par l'intermédiaire
des NTIC. “On peut
comprendre la méfiance envers
ce qu'induisent ces nouveaux
outils, mais c'est aux pouvoirs
publics qu'il appartient de dresser
des garde-fous."

La maturité arrive
(déjà)


Les Mooc, déjà dans les moeurs ?
Oui, à croire cet exemple de ce
jeune diplômé américain ayant
notifié sur son CV avoir suivi
le même cours dédié à la cryptographie…
que la DRH qui l'a
recruté ensuite, estimant qu'il
s'agissait d'une véritable plusvalue
à son cursus. “Bien sûr
qu'il existe aujourd'hui un effet
de mode autour des Mooc, qui
va bien vite décroître et éliminer
les mauvais cours. Mais une fois
cette étape passée, le dispositif
parviendra à maturité."

Notes   [ + ]

1. Son site : www.remisharrock.fr/.
Rémi Sharrock fait partie de l'équipe
pédagogique du Mooc “Monter un
Mooc de A à Z" hébergé par Fun.
2. Nouvelles technologies de
l'information et de la communication
3. “Apprentissage automatique."
Domaine de l'étude des intelligences
artificielles permettant à une machine
(au sens large) d'évoluer grâce à un
processus d'apprentissage. Il existe
d'ailleurs un Mooc dévolu à ce sujet,
animé par le professeur Andrew Ng,
de Stanford.
4. Noms des intelligences artificielles
hostiles de 2001, l'odyssée de
l'espace et Terminator.