Les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation face au défi de la formation continue

Par - Le 16 février 2014.

Ouvertes à la rentrée 2013, les
écoles supérieures du professorat
et de l'éducation (Espé)
ont pour mission de former les
futurs enseignants du primaire
et du secondaire. Responsables
des masters “métiers de l'enseignement,
de l'éducation et de la
formation" (Meef), des formations
alliant enseignements, stages et
formations en alternance, les Espé
ont la lourde tâche d'apporter une
réponse satisfaisante à la problématique
de la professionnalisation
des enseignants. Si, cinq mois
après leur inauguration, le temps
de l'évaluation n'est pas encore
venu, une mission sénatoriale
d'information leur était dédiée le
28 janvier dernier. Objectif : vérifier
que les premiers mois de mise
en oeuvre s'inscrivent bien dans
l'esprit de la loi d'orientation et de
programmation pour la refondation
de l'école de la République.

Une filière instable

Si la question de la formation des
enseignants est aussi épineuse,
c'est sans doute en partie que les
exigences du métier s'accordent
mal au modèle français, qui divise
formation initiale et formation
continue. Métier d'équilibre
entre savoirs disciplinaires et
compétences pédagogiques, le
métier d'enseignant nécessite à la
fois une solide formation initiale,
un accompagnement formatif de
terrain à la prise de poste et une
formation continue permanente
à même de renouveler savoirs
disciplinaires et savoir-faire pédagogiques.
Si le métier s'acquiert
dans la durée, la filière est l'objet
de nombreux débats qui opposent
le camp des “pédagogues" à celui
des “républicains". Derrière le
conflit idéologique, une instabilité
dont témoignent les vingt
dernières années : créés en 1990,
les instituts universitaires de
formation des maîtres (IUFM) ont
rapidement été accusés d'exagérer
l'importance de la pédagogie.
Rattachés aux Universités en 2005,
ils sont intégrés à la “masterisation"
en 2009. En 2013, contestant
la suppression de la formation
initiale opérée par le précédent
gouvernement, l'actuel l'a réintroduite,
avec la création de ces
Écoles supérieures du professorat
et de l'éducation.

Concilier
enseignements
disciplinaires et
professionnels


Pour Gilles Baillat, président de
l'Université de Reims Champagne-
Ardenne et vice-président de la
commission formation et insertion
professionnelle à la Conférence
des présidents d'université (CPU),
il s'agit là d'une “réforme sans
précédent : pour la première fois,
les universités sont invitées à
assurer à la fois la formation des
enseignants du point de vue de
ce qui leur est traditionnel – la
formation académique et la « diplômation
» – mais aussi du point
de vue de la professionnalisation",
souligne-t-il. “L'enjeu est celui de
la connexion entre la partie disciplinaire
et la partie professionnelle",
commente Gilles Roussel,
président de l'Université Paris-Est
Marne-la-Vallée et président de
la CPU : “Dichotomie difficile",
mais indispensable, “parce qu'il
faut une maîtrise de la discipline
pour faire de bons professionnels".
Tous deux rassurants quant à la
capacité et à la volonté de l'université
de réussir cette réforme,
les deux présidents insistent
sur le caractère stratégique des
“dossiers d'accréditation" constitutifs
des Espé. Assimilés à une
“feuille de route", ces dossiers
d'accréditation engagent les deux
ministères[ 1 ] Éducation nationale et Enseignement
supérieur
, garants du “cadre
national de la formation" des
enseignants, tout autant que les
universités elles-mêmes qui ont
ainsi la possibilité de construire
des Espé connectées aux réalités
de leur territoire.

Défense du continuum

Les Espé seront-elles les écoles
de la réconciliation ? C'est ce que
semble croire Gilles Baillat, quand
il répond à Jacques-Bernard
Magner, rapporteur de la mission
d'information, qui se réjouit d'avoir
entendu évoquer un “pari raisonnable,
réaliste et jouable". “Depuis
plus de vingt ans, la formation des
enseignants a pâti d'une logique
séquentielle : d'un côté, l'acquisition
des savoirs, de l'autre côté
et en quelques mois, tout le reste
à caser", estime le président de
l'Université de Reims. Soit un
cahier des charges “absolument
ingérable", qui condamnait au
“saupoudrage". Au contraire,
défend-il, “le continuum renvoie à
la prise en charge de la formation
des enseignants dès le cycle de
licence, au moins dès le L2 [ 2 ]Deuxième année de licence, mais
doit se poursuivre après, au moins
les deux années consécutives à la
titularisation". À cette condition,
les enseignants pourront “non
seulement incorporer les gestes
professionnels, mais aussi la
dimension morale du métier". Et
de citer en exemple le dossier d'accréditation
de son université qui,
en accord avec le recteur, diffère
une partie de la formation initiale,
prise en charge dans le cadre de
la formation continue au cours des
deux premières années. Accord
total de Gilles Roussel qui, au-delà
des deux premières années, invite
à ce que “la formation continue
soit vraiment l'une des missions
des Espé tout au long de la carrière
de l'enseignant".

Notes   [ + ]

1. Éducation nationale et Enseignement
supérieur
2. Deuxième année de licence