Les entreprises de moins de 50 salariés, gagnantes de la réforme ?

Par - Le 01 avril 2014.

Certaines dispositions de la
loi du 5 mars 2014 sont soumises
à délais, comme l'entrée
en vigueur du compte personnel
de formation au 1er janvier 2015
ou l'établissement de la base de
données unique d'information à
destination des instances représentatives
du personnel (dans les
entreprises fixée au 15 juin 2014
pour celles de plus de 300 salariés,
ou un an plus tard pour les
plus petites). Quant à l'entretien
professionnel, les entreprises
doivent consacrer l'année 2014
à son déploiement avant de le
rendre effectif l'année suivante.
“Un nouvel entretien que l'Ani
distingue bien de l'entretien annuel
classique : l'un relève d'un
processus RH ; l'autre d'une obligation
managériale", a précisé le
consultant Jean-Pierre Willems,
à l'occasion d'une matinée spéciale
“Réforme de la formation
professionnelle" organisée le
11 mars dernier par l'Opca du
commerce et de la distribution

Le “droit au parcours"

Jean-Pierre Willems s'est déclaré
convaincu que ce sont les
petites structures qui, du fait de
leur management de proximité
et de leur vision immédiate des
ressources nécessaires, sont les
mieux armées pour déployer ce
qu'il a qualifié de “droit au parcours"
pour les salariés. Dans les
grandes entreprises, l'implication
accrue des représentants du personnel
dans le processus décisionnel
sur la formation risque
de contraindre l'échelon directorial
à aligner son calendrier sur
celui des instances représentatives
du personnel, ainsi qu'à
maintenir une veille plus active
sur les orientations stratégiques
(impacts sur l'emploi, les compétences,
les métiers, les stages,
etc.) et ce, dès 2014.
À rebours de ce qui avait pu être
entendu lors des négociations
de l'Ani, le consultant tient pour
acquis que les plus petites entreprises
– moins de 50 salariés –
sortiront gagnantes de cette
réforme. “Avec la nouvelle contribution
fixée à 1 % de la masse
salariale, la sanctuarisation
d'une partie des fonds du FPSPP
au bénéfice des plus petites
entreprises et le fait que tous
leurs salariés disposeront des
mêmes droits au CPF que ceux
des grandes entreprises, les opportunités
pour les structures de
moins de 50 salariés seront plus
importantes qu'avec le système
actuel." Par contre, celles de 50
à 300 salariés sont perdantes sur
les fonds mutualisés au titre du
plan de formation (0,1 % de leur
masse salariale). Elles devront
consacrer 0,20 % de leur contribution
au financement du FPSPP
et autant au Cif : des fonds qui
sortiront de l'entreprise sans y
être réinvestis.

Les “stratèges" des
politiques de formation


Mais ce sont surtout les Opca que
la réforme va impacter en profondeur,
transformant ces “collecteurs-
redistributeurs-conseillers"
en stratèges des politiques de
formation. Et en contrôleurs
des organismes de formation,
puisque tel est l'un des rôles que
leur fixe désormais la loi, même
s'il appartient à un futur décret
de définir exactement ce périmètre.
Certains ont déjà anticipé
cette nouvelle activité… d'autres
moins. “Cela risque d'être une
véritable déflagration pour ceux
dont l'offre de service n'est pas
assez structurée pour assurer
ces nouvelles missions", a prévenu
Jean-Pierre Willems. Et à
condition, aussi, selon lui, que
l'administration – en l'occurrence
la Délégation générale à l'emploi
et à la formation professionnelle
(DGEFP) – leur permette de
dépasser leurs actuels frais de
gestion (établis à 9 ou 10 % pour
la plupart d'entre eux) afin de leur
permettre de disposer des fonds
nécessaires à ces nouvelles
fonctions. “L'administration doit
changer de logique et abandonner
sa vision uniquement financière
pour se montrer plus exigeante
sur la qualité de service
qu'ils sont amenés à fournir",
a-t-il conseillé.

Créer “l'appétence"
pour le CPF...


Et puis, il y a la rédaction des
listes des formations éligibles au
CPF qu'il appartient aux Régions
et aux partenaires sociaux d'établir.
Des listes que Jean-Pierre
Willems souhaiterait voir “les
plus larges possibles", dans un
premier temps, dans le but de
créer de l'appétence auprès des
salariés pour le CPF, quitte à les
limiter ensuite si la nécessité
économique s'en fait sentir.
“Dans deux, trois, cinq, dix ans,
le système du compte personnel
de formation connaîtra peut-être
son point de rupture et se verra
déficitaire, a envisagé Jean-
Pierre Willems. Dans ce cas,
il sera éventuellement nécessaire
de le restreindre comme
aujourd'hui, les Fongecif n'acceptent
que 60 % des dossiers,
alors qu'ils en finançaient 80 %
voici cinq ans. C'est, après tout,
le même système que l'assurance
maladie dont on n'use
que lorsque l'on en a besoin."
Et d'ajouter : “Pour ses débuts,
si l'on veut que ce dispositif
rencontre le succès dans ses
premières années, il faut que
les entreprises et les Opca s'en
emparent les premiers, et favorisent
son essor."