Les formations à bas prix vont-elles emporter la mise ?

Par - Le 16 février 2014.

Low cost, bas coût, prix “plus bas que la moyenne du marché". Peu impor te comment vous
l'appelez. Ce concept économique et marketing se répandrait-il dans la formation ?
Oui, répondent plusieurs spécialistes, même si des expérimentations ont échoué ces dernières
années. La réforme, estiment-ils, va fortement faire bouger des lignes.

Avec le souci d'optimisation des
budgets formation, il est évident
que les services formation recherchent
des prestataires leur
permettant de réduire les coûts des
formations proposées à leurs collaborateurs.
Ils ne peuvent faire autrement s'ils
veulent à la fois répondre suffisamment
aux exigences de développement des compétences
et de performance des salariés, et
respecter les objectifs budgétaires imposés
par leur direction", nous indique
Philippe Massénat, directeur général
de PluriConseils, cabinet conseil RH
et formation (management, développement
professionnel, formation pédagogique,
de formateurs, etc.). Cet organisme
revendique une telle politique.
“Plutôt que de proposer un tarif unique
pour tous, nous avons mis en place une
tarification à trois niveaux, adaptée aux
situations et aux demandes de chaque
entreprise", explique-t-il.

800 euros les 12 personnes

Le premier niveau, qualifié de “tarification
clé en main", correspond à du
discompte et concerne des stages intra
entreprises. Ces formations génériques
sont moins chères : 800 euros par jour
pour un groupe de 10 à 12 personnes.
Pourquoi un si bas tarif ? “Ce sont des
formations « sur étagère », dont les coûts
pédagogiques ont été déjà amortis. Elles
sont prêtes à être animées et ne nécessitent
pas de préparation particulière", répond
Philippe Massénat. Standardisées, elles
concernent des thématiques telles que
la communication, la vente, la gestion
du temps, du stress, etc. Ces “éco-formations"
représentent un tiers de l'activité
de l'organisme, contre un quart
en 2009. Et continuent de prendre de
l'importance. “Cette démarche est dans
l'air du temps", indique le directeur de
PluriConseils, qui revendique sur son
site internet un chiffre d'affaires de
365 400 euros en 2012. Mais, reconnaît-
il, “le tout pour nous est d'arriver à
bien gérer notre planning et nos ventes, de
façon à ne pas faire que des éco-formations.
Cela nous réduirait à un marché peu intéressant,
avec une marge assez réduite".

Le deuxième niveau de tarification
concerne des formations nécessitant
davantage d'expertise. Ces formations
“sur mesure", “respectueuses de l'ADN de
l'entreprise, avec des objectifs communs
pour tous les participants" sont facturées
1 200 euros par jour pour un groupe de
8 à 10 stagiaires.
Et en cas de besoin plus exigeant,
PluriConseils propose une offre
Premium, à 1 400 euros pour une dizaine
de stagiaires. “Ce sont les mêmes
formateurs qui interviennent sur toutes
les formations. Nous pouvons combiner les
trois formules. Mais, c'est une question de
juste prix. Chacun vient avec sa problématique,
chacun repart avec sa solution",
résume Philippe Massénat.

La solution du courtage

Outre les prestataires qui “bradent",
certains organismes proposent des formations
à meilleur prix en partant des
besoins de leurs clients. Le principe est
simple : contraint par son budget, submergé
par les tâches administratives,
noyé dans la pléthore d'offres disponibles,
le responsable formation trouve
la solution : confier à un intermédiaire
la mission de trouver des réponses à
ses casse-tête. Alors, “nous lui facilitons
la vie en lui trouvant des formations qui
répondent au mieux à sa demande, à la
fois en termes de formations et d'optimisation
budgétaire", confie Jérôme
Lesage, PDG de Place de la formation.
“Il existe tous types de prestations à tous
types de prix, de localisations, de durées,
de moyens pédagogiques...", observe ce
spécialiste du courtage de formations.
Sa méthode consiste donc à “jouer sur
les volumes", en partant des besoins des
clients. Place de la formation, confie
son PDG, “a vocation à simplifier les
relations. Nous proposons une plateforme
qui permet aux organismes de formation,
aux DRH et aux Opca de travailler ensemble
de manière simplifiée. Notre métier
historique étant les achats, les entreprises
clientes nous laissent l'intégralité de
leur budget formation. Notre travail est
de nous y adapter".

Ainsi, par exemple, avec le courtier, “une
formation en management des hommes
peut coûter 6 000 euros, 7 000 euros ou
8 000 euros. Tout dépend de la réalité
du client : son budget, ses attentes et ses
exigences". Dans tous les cas, “le rôle de
l'intermédiaire est d'aider son client (entreprise
comme organisme de formation)
à faire des économies. Et de permettre
aussi à lui-même de se rémunérer", précise
Jérôme Lesage. Qui dit permettre
près de 20 % d'économie ou de marge à
l'un et l'autre. Mais, surtout, il épargne
à l'entreprise “la fastidieuse prospection et
gestion, pour se recentrer sur son coeur de
métier et sur des activités à valeur ajoutée",
et à l'organisme de formation les
démarches commerciales et marketing.
Et notamment à Place de la formation
de revendiquer, pour 2013, un chiffre
d'affaires de plus de 10 millions d'euros.

“Première" ou “dernière
minute"


Un autre modèle d'offre discompte
consiste à proposer très tôt ou très tard
des places de formation à des prix bas.
C'est le cas de Discount-formation.
com, ce site créé sur le modèle des sites
de voyages (comme Lastminute.com,
Ebooker.com, etc.), aujourd'hui fermé,
proposait aux entreprises et aux particuliers
des formations en amont de leur
déroulement (“first minute") ou au tout
dernier moment (“last minute"), “jusqu'à
50 % plus bas que les tarifs normaux",
nous avait indiqué Olivier Hamoir,
son cofondateur avec Stephen Marie,
en 2009[ 1 ] Inffo Flash n° 737, janvier 2009.. Une technique appelée “yield
management". Avec à la clé des commissions
versées aux organismes de formation
qui acceptent de rentabiliser ainsi
les places qu'il leur restent. Reste que
ce modèle économique n'a pas semblé
séduire les acteurs majeurs de la formation,
tel Demos, Cegos, etc. Contacté,
Olivier Hamoir n'a pu nous répondre.

“Satisfait ou non facturé"

Une chose est sûre, ce “discompteur"
se voulait vigilant sur les questions de
qualité, assurant ne sélectionner que
des prestataires certifiés, affiliés à la
Fédération de la formation professionnelle
(FFP). “Le low-cost est systématiquement,
et à tort, associé à la mauvaise
qualité, car qui parle de bas prix pense
aux produits industrialisés fabriqués avec
des ingrédients de moindre qualité", regrette
Andrew Wickham, consultant au
cabinet Linguaid, co-auteur, avec Joss
Frimond, d'une étude sur le marché des
formations linguistiques [ 2 ]“Le marché de la formation langues à l'heure de
la mondialisation", étude mise à jour en 2012.
.
“Il est aberrant d'associer bas prix à mauvaise
ou moindre qualité", s'insurge
Philippe Massénat. Qui encourage ceux
qui le pensent à contacter ses clients
(Fnac, Sodexho, etc.) depuis une dizaine
d'années, pour “voir si une entreprise non
satisfaite par une offre économiquement
inintéressante continuerait pas faire appel
à un organisme" comme le sien, qui pratique
“une politique d'essai des prestations"
dite “Satisfait ou non facturé".

“Un achat comme un autre"

Toujours est-il que, selon Jérôme
Lesage, “la fin de l'imputabilité sort la
formation de son pré carré fiscal et légal
avec son organisation propre. Elle redevient
un achat externe comme un autre,
donc soumis aux mêmes problématiques.
Avec le souci qu'elle soit moins chère. Il est
logique de vouloir ramener l'achat formation
dans le giron des achats de l'entreprise.
Je m'attends à une guerre des prix extrêmement
forte". Et donc une percée du “low
cost".

TROIS QUESTIONS À HERVÉ ESTAMPES, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AFPA
_ “La qualité a un prix..."

Auditionné au Sénat le 21 janvier
dernier sur la situation de l'Afpa[ 3 ] L'Inffo n° 849, p. 6.,
vous avez déclaré “Une formation
low cost ne vous amène nulle part."
Qu'est-ce à dire ?


Que si vous voulez devenir plombier, ce
n'est pas possible en trois semaines. Vous
pourrez avoir une formation de plombier,
avec un magnifique diplôme, mais je ne
ferai pas de vous un véritable plombier.
Votre employeur s'en rendra compte assez
rapidement et ne vous gardera pas. Il y a un
temps incompressible pour former des gens.
Entre quatre et six mois. Les prestataires
de formation qui proposent des formations
courtes et à moindre coût ne mènent les
stagiaires nulle part, parce qu'elles ne
conduisent pas à l'emploi. Le “fait maison"
coûte plus cher que le surgelé, mais la
qualité a un prix.

Pour vous, les organismes qui forment à
bas coût... bradent ?


Ils leurrent les financeurs en leur proposant
de former beaucoup moins cher que l'Afpa.
Certes, les stagiaires restent en moyenne
six mois à l'Afpa, alors que la durée de
leur formation peut être, ailleurs, de deux
mois. Logiquement, cela revient moins cher
qu'avec l'Afpa. Sauf que notre formation est
sanctionnée par un diplôme reconnu par le
ministère du Travail et débouche sur un vrai
métier, sur un emploi. Alors que le “certificat
bonus" délivré à la va-vite par les prestataires
low cost n'est pas reconnu et ne donne pas
forcément accès au monde du travail.

Pourtant, certains syndicats de
l'Afpa critiquent la politique de la
modularisation prônée par la direction,
l'accusant de conduire à des offres
low cost
[ 4 ]L'Inffo n° 844, p. 20. ...

Ces critiques sont infondées et prouvent
qu'ils n'ont pas bien compris que la
modularisation nous permet de répondre aux
besoins des entreprises, de proposer des
formations personnalisées aux stagiaires.
Il s'agit de rendre notre offre plus souple
en l'adaptant au niveau de qualification
des stagiaires, de leurs besoins et de
leurs objectifs. Cela leur permet de ne
pas perdre leur temps. Et à l'Afpa, de
proposer des actions plus ciblées, donc
plus efficaces. La grande force de l'Afpa,
c'est son bureau d'études. Elle dispose d'un
centre d'ingénierie, avec 220 ingénieurs de
formation dont le métier est de concevoir des
méthodes pédagogiques, d'être en veille sur
les dispositifs de formation, et d'outiller sur
le plan national les formateurs en ressources
pédagogiques utiles.

Si l'on veut que les stagiaires retiennent
quelque chose de leur formation, il faut
que les formateurs soient bons et que la
pédagogie soit innovante. La plupart de
nos formateurs sont embauchés en contrat
à durée indéterminée ; nous les faisons
évoluer, nous les faisons travailler au centre
collectif des formateurs, qui vont dans des
entreprises, etc. Cela coûte forcément cher.
Si vous n'avez aucun formateur, que vous
remportez un appel d'offres et que vous
faites alors appel à un formateur non préparé
que vous envoyez devant des stagiaires,
alors, bien sûr, vous produirez à moindre
coût.
Propos recueillis par K. B.

Notes   [ + ]

1. Inffo Flash n° 737, janvier 2009.
2. “Le marché de la formation langues à l'heure de
la mondialisation", étude mise à jour en 2012.
3. L'Inffo n° 849, p. 6.
4. L'Inffo n° 844, p. 20.