Les formations en langues exclues des bénéfices de la réforme ?

Par - Le 01 octobre 2014.

L'exclusion des langues
du référentiel de “socle
commun de connaissances
et de compétences
profesionnelles" devrait
impacter l'offre des
organismes de formation
linguistique, jugent
plusieurs consultants et
formateurs. Explications.

Certains organismes de formation
espéraient voir figurer les langues
étrangères dans le référentiel de
“socle commun de connaissances
et de compétences professionnelles"
(S3CP) élaboré par le Comité observatoires
et certifications (COC) du
Copanef. Ils ont été déçus. La thématique
“Communiquer dans une langue
vivante étrangère" (communication en
langues étrangères) n'a pas été retenue.
Les membres du COC, dans leur large
majorité, ont recommandé de ne pas
l'exiger dans le référentiel, considérant
que cette compétence n'était pas un
“prérequis de base systématique" pour
exercer une activité professionnelle.

L'impact sur les organismes
de formation


“C'est un sujet complexe, et beaucoup
d'incertitudes persistent. Les organismes
de formation en langues sont inquiets
des conséquences de cette réforme", selon
Andrew Whickam, consultant au cabinet
Linguaid et auteur de l'étude “Le marché
des langues à l'heure de la mondialisation"
[ 1 ]Cette étude réalisée en 2009 a été mise à jour
en 2012. La dernière mise à jour, en cours, sera
disponible début 2015.
. “L'impact sur leurs activités
risque d'être assez fort, puisque le CPF
sera prioritairement réservé aux parcours
professionnalisants. L'effet Dif, qui avait
« boosté » le marché à partir de 2006,
risque de se dégonfler."

Le niveau du “socle" est trop
bas pour concerner les langues


Cependant, pour Nathanael Wright,
président du réseau de formation en
anglais Wall Street English, cette exclusion
des langues n'est pas une surprise :
“Tout dépend du niveau du socle commun
de connaissances et de compétences
professionnelles. Tel qu'il est considéré, le
niveau de ce socle est si bas qu'il est proche
de l'alphabétisation, puisqu'on doit y
apprendre à lire, à écrire, etc. Ce n'est
donc pas tout à fait illogique que les langues
en soient exclues", argumente-t-il.
Stefan Wheaton, le président de
Citylangues et de la commission langues
de la Fédération de la formation
professionnelle (FFP), n'est pas non
plus surpris. “Les acteurs avisés s'en doutaient
un peu", assure-t-il. Mais pourquoi
le référentiel S3CP exclut-il les
langues vivantes étrangères, contrairement
à celui de l'Éducation nationale
? “Une incohérence de négociateurs
ou de technocrates qui, non seulement
ne maîtrisent pas de langues étrangères,
mais encore sont déconnectés de la réalité
des entreprises et de l'environnement
international", répond un prestataire
de formations linguistiques.

Cet inventaire tant attendu !

Les acteurs sont certes déçus de l'absence
des langues dans le référentiel
S3CP, mais ils ne sont pas désespérés.
“Rien n'est encore fait. Nous attendons
l'inventaire pour être définitivement
fixés", se rassure Laurent Hayat,
directeur ventes et marketing chez
Télélangue. Une attente que l'on retrouve
aussi chez certains financeurs.

“Aujourd'hui, il est difficile de savoir
quel levier de financement sera actionné.
Nous attendons l'inventaire pour savoir
quoi et comment faire. Nous avons toujours
financé les langues étrangères dans
les secteurs de l'hôtellerie-restauration.

Tant que les
décrets ne
sont pas
sortis, il
est extrêmement
d i f f i -
cile de
pouvoir donner une réponse précise aux
nombreuses questions que se posent nos
adhérents", explique un conseiller dans
un Opca.

“La mondialisation
nous y oblige"


Mais la réforme en cours mettant l'accent
notamment sur l'adaptation, la
professionnalisation à l'environnement
professionnel, “il y a des raisons de croire
que les langues seront intégrées non seulement
dans l'inventaire, mais aussi dans
les formations qualifiantes, afin d'être
prises en compte dans le cadre du CPF",
soutient Laurent Hayat.

A priori, assure le président de WSE, “le
bon sens devra l'emporter".
Nathanael
Wright est convaincu que “la France
aujourd'hui ne peut pas se permettre de ne
pas parler mieux l'anglais, par exemple.
Nos entreprises rencontrent d'énormes
difficultés pour vendre à l'étranger. Il
faut pouvoir parler à ses interlocuteurs.
La compétitivité passe par la maîtrise des
langues étrangères". Une évidence, pour
Stefan Wheaton : “La mondialisation
nous y oblige."

La FFP mobilise ses équipes

Alors, si dans l'“hypothèse la plus catastrophique",
les langues
n'étaient pas incluses dans
l'inventaire ou dans la liste
éligible au CPF, que se
passerait-il pour les prestataires
de formations
linguistiques ? Pour se
préparer à d'éventuelles
surprises, la Fédération
de la formation professionnelle
mobilise ses
équipes. “Actuellement,
nous travaillons au
recensement des besoins
des entreprises,
mais aussi de tous les
Français", assure le
président de la commission langues.

L'idée de l'organisation patronale des
organismes de formation privés est de
faire entrer dans la case “certifiant" ses
certificats professionnels FFP (CP-FFP),
qui visent à valider, à l'issue d'une action
de formation, la maîtrise par les stagiaires
d'un métier, d'une fonction ou d'une
activité spécifiés. Un groupe de travail
a d'ailleurs été constitué au sein de la
commission langues pour “identifier les
langues ainsi que les diplômes que nous souhaitons
faire entrer dans l'inventaire".

Recours au plan, aux Mooc ?

Si les langues étaient définitivement
exclues de l'inventaire ou de la liste
des formations éligibles au CPF, il
est clair, soutient Nathanael Wright,
que “ce ne serait pas
l'offre qui en serait
directement affectée, mais le budget
prévu pour le CPF disparaîtrait. Bon
nombre d'organismes fermeraient, tout
simplement !".

Les langues étrangères peuvent toujours
passer, ou rester, dans le plan de
formation. Mais cela “entraînerait une
réduction forcée des budgets formation
langues", pense Laurent Hayat.

Dans ce cas, analyse-t-il, il va falloir
former autant de monde avec des budgets
réduits, en recourant aux Mooc
(cours en ligne ouverts). Ainsi, “l'organisme
mettrait à disposition des salariés
des formations e-learning, notamment
tutorées, permettant de faire du stagiaire
l'acteur de sa formation. Ce qui va dans
le sens de la réforme".

Notes   [ + ]

1. Cette étude réalisée en 2009 a été mise à jour
en 2012. La dernière mise à jour, en cours, sera
disponible début 2015.