Les universités entendent adapter leur offre à la réforme

Par - Le 01 juillet 2014.

Faire des universités “de véritables établissements d'apprentissage et de formation tout au long de
la vie" ? C'est depuis longtemps l'objectif des services de formation continue universitaires,
les SFCU, mais ils sentent qu'avec la nouvelle réforme, l'opportunité est enfin là. Ils ne veulent
pas la laisser passer.

Nouvelles lois, nouvelles opportunités."
Tel est le maître-mot
de l'ensemble des services de
formation continue à l'université
(SFCU), dont les acteurs ont
tenu du 11 au 13 juin à Paris leur 41e
colloque annuel, conjointement par
les Universités Pierre-et-Marie-Curie
(UPMC) et Paris-Descartes.

Comme
toutes les organisations, les services
de formation continue à l'université
(SFCU) appréhendent les impacts de la
réforme de la formation professionnelle
en cours sur leurs activités.

“Se servir de cette réforme dès
maintenant"


Alain Gonzalez (président de la
Formation continue universitaire
et directeur du service formation
continue de l'UPMC) et Jean-Pierre
Hazemann (directeur du service formation
continue de Paris-Descartes), le
reconnaissent : “Si la mission formation
continue des universités n'est pas nouvelle,
le contexte économique difficile et le vote
récent des lois relatives à l'enseignement
supérieur et à la formation professionnelle
nous interrogent sur le chemin à emprunter
afin que nos universités deviennent de
véritables établissements d'apprentissage
et de formation tout au long de la vie."
En effet, après l'Ani du 14
décembre 2013 et la loi Sapin
du 5 mars 2014, “nous sommes
aujourd'hui dans la phase de mise
en oeuvre de la réforme. Toutes les
institutions doivent se servir de
cette réforme dès maintenant. Car
2015, c'est maintenant !", a prévenu
Jean-Philippe Cépède, directeur
du département juridiqueobservatoire
de Centre Inffo.

Le 11 juin dernier, il présentait
aux quelque 500 acteurs
de la FCU rassemblés dans le
mythique grand amphithéâtre
de la Sorbonne, les grands changements
qu'apporte la réforme
de 2014 qui, plus que les précédentes,
est une “réforme systémique
et dynamique".

La porte de la formation des
adultes s'est ouverte


“Les universités françaises ne sont pas
assez investies dans la formation professionnelle
continue", a jugé Jean-Paul
de Gaudemar, conseiller spécial de la
secrétaire d'État en charge de l'Ensei
gnement supérieur et de la Recherche.
“Leur offre ne représente que 4 % de
part de marché dans le domaine. Ce qui
n'est pas à la hauteur de la place qu'elles
occupent aujourd'hui sur le marché de la
connaissance." Il est vrai que “la FPC
n'est pas une préoccupation stratégique
pour nos universités", a reconnu Nicolas
Faintrenie, représentant la CGT-FO.
Cependant, a indiqué Jean-Michel
Pottier, pour la CGPME, “l'université
a déjà un pied dans la formation professionnelle
avec l'alternance. Il lui reste à
capitaliser cette présence".

“Soyez souples ! Pensez
modularisation !"


Les universités françaises savent donc
ce qu'il leur reste à faire. Elles “doivent
réaffirmer leur présence sur le terrain de la
formation tout au long de la vie", a insisté
le recteur Christian Forestier, ancien
administrateur général du Conservatoire
national des arts et métiers (Cnam),
aujourd'hui chargé de mission auprès de
la Conférence des présidents d'université
(CPU). La loi du 5 mars 2014 leur en
donne les opportunités. “L'université a
raté le boulevard du Dif. Cette fois-ci, elle
ne doit pas rater celui du CPF", a rappelé
le chef de file de la CGPME lors de la
négociation sur la formation professionnelle.
“Vous ne pouvez réussir que si vous
prenez en compte les besoins des entreprises
et développez vos relations avec elles", a-t-il
conseillé aux acteurs de la FCU. À ceuxci,
son collègue du Medef, Alain Druelle,
s'est exclamé : “Soyez souples ! Pensez modularisation
! Pensez qualité ! Pensez ingénierie
pédagogique ! Pensez accompagnement
individualisé des apprenants ! Pensez
évaluation !" Alors que Catherine Perret,
pour la CGT, notait l'“urgence à mettre
en place une véritable politique cohérente"
en matière de FCU, au niveau de l'ensemble
des universités françaises.
“Les échanges de ces trois jours permettront
aux universités de jouer pleinement
leur rôle dans le cadre du service public
de l'apprentissage tout au long de la vie",
a assuré le président de la FCU. Il ne
manquera pas de rappeler à la CPU les
nouvelles opportunités qu'offrent les
nouvelles lois en matière de formation
professionnelle continue.

“LES UNIVERSITÉ DOIVENT PROSPECTER DAVANTAGE"

“L'accord national interprofessionnel du 10 décembre 2013 et la loi du 5 mars 2014
apportent des changements profonds dans la formation continue à l'université",
indique Jean-Pierre Hazemann, directeur du Service formation continue de Paris-
Descartes. Les universités, explique-t-il, ont été pendant longtemps dans une logique
de l'offre. “Aujourd'hui, il nous est demandé d'entrer dans une logique de la demande
des publics et des entreprises. Cela sous-entend des changements majeurs. Il nous
faut revoir les schémas de nos diplômes. Trop longs pour des personnes en activité,
ils ne sont pas adaptés à la demande." Il s'agit donc de rendre les formations
diplômantes modulaires et capitalisables. En somme, de proposer des actions courtes.
Afin de donner plus de visibilité à cette offre, Jean-Pierre Hazemann prône un plus
grand rapprochement avec les Régions, qui “nous demandent de proposer davantage
d'actions de formation en direction des publics spécifiques, notamment les détenus,
ainsi que des cours en ligne massifs". Même si, ajoute-t-il, “nous devons également,
et surtout, prospecter davantage dans l'entreprise et auprès des publics".

QUESTIONS À ALAIN GONZALEZ, PRÉSIDENT DE LA FORMATION CONTINUE UNIVERSITAIRE [ 1 ]Il est également directeur du Service formation
continue de l'UPMC (Université Pierre-et-Marie-
Curie).

“La seconde chance,
une vraie mission pour l'université"

La formation continue à l'université
relève-t-elle d'une question
économique ?


C'est une mission des universités, et depuis
fort longtemps. Elle a été réaffirmée dans le
cadre de la nouvelle loi, en indiquant qu'il
s'agit de la formation professionnelle tout
au long de la vie. Ce n'est pas une recherche
de fonds, c'est une vraie mission, celle de la
seconde chance, consistant à différer pour
certaines personnes la formation initiale.

Votre offre reste peu connue...

Les diplômes sont de plus en plus ouverts
à des publics en reprise d'études : environ
80 000 inscrits pour des parcours de
diplômes nationaux, et l'équivalent pour
des diplômes d'université. La préparation
de nos diplômes en formation continue est
assez longue, ce qui explique des problèmes
de financement. Depuis quelques années,
les SFCU accompagnent les universités
vers des formations courtes, qualifiantes, à
destination des entreprises et des personnes
souhaitant valoriser leurs compétences
acquises par la VAE. Cette offre est une
activité assez nouvelle. Nous devons adapter
notre organisation, notre ingénierie. En nous
focalisant sur ce que nous savons faire.

Développer des partenariats avec les
organismes de formation privés peut être
une solution ?


En partenariat avec des organismes privés,
nous proposons déjà des formations
spécifiques et opérationnelles. Des
partenariats existent directement avec
des entreprises, voire des branches
professionnelles, pour mettre en place des
formations qualifiantes ou diplômantes
en relation soit avec un établissement
universitaire, soit avec un ensemble
d'établissements. C'est un champ d'activité
que nous devons continuer à développer.

Existe-t-il, au niveau de la Conférence
des présidents d'université, une réflexion
globale sur le développement de la FPC ?


L'apprentissage tout au long de la vie fait
partie des orientations stratégiques de la
plupart des universités. Il est clair qu'elles
doivent répondre aux besoins de qualification
des particuliers, construire de nouvelles
relations avec les entreprises, en s'appuyant
sur les stages, l'apprentissage, la formation
continue, l'insertion professionnelle, etc. La
formation continue est une véritable ambition
pour les universités.

Cette orientation impacte-t-elle vos
réflexions sur la pédagogie ?


Elle va nécessiter des ingénieries plus
complexes, puisque, grâce à l'approche
par compétences, nous renforçons
l'individualisation des parcours. Celle-ci
permettra d'associer des dispositifs existants
faisant référence à la VAE, à l'alternance,
au coaching, au tutorat. Cet ensemble de
dispositifs va se compléter et permettre de
construire des parcours. Les lois de juillet
2013 et de mars 2014 nous obligent à
réfléchir dans cette logique de transversalité
et de parcours individualisés. Nous devons
songer à former l'ensemble de nos ingénieurs
pédagogiques à l'utilisation de ces dispositifs.
La loi sur la formation n'aura de sens que si
nous arrivons à permettre la reconnaissance
au sein des entreprises des compétences
acquises dans le cadre de nos formations.

Quel rôle les cours en ligne ouverts et
massifs (“Mooc") peuvent-ils jouer ?


Ils constituent un moyen supplémentaire dans
la boîte à outils de l'ingénieur de la formation.
Mais s'ils apparaissent assez séduisants,
ils nécessitent une ingénierie pédagogique
particulière, s'intégrant dans des dispositifs
complexes, avec du temps présentiel, du
coaching, du tutorat, de la VAE, ainsi que des
mises en situation. L'essentiel est de savoir
exploiter au mieux l'ensemble de cette boîte
à outils, afin de prendre en compte la gestion
du temps de l'individu (temps professionnel,
familial, de formation, etc.). Les cours en ligne
ouverts et massifs sont très importants en
formation continue, mais compliquent encore
l'ingénierie de la formation...

Propos recueillis par K. B.

Notes   [ + ]

1. Il est également directeur du Service formation
continue de l'UPMC (Université Pierre-et-Marie-
Curie).