Nouvelle étape pour la décentralisation des formations sociales et médico-sociales

Par - Le 15 septembre 2014.

Depuis dix ans – la loi du 13 août 2004 –, la gestion des cursus de 35 diplômes du secteur social et
médico-social relève des Conseils régionaux, tenus de recenser les besoins et de financer les
formations. Actuellement, les besoins et stages de perfectionnement et de formation complémentaires
augmentent. Qu'en est-il du fonctionnement, avec les Opca et les organismes de formation ?

Avec 1,8 million de salariés, le
secteur social et médico-social
représente 7 % de l'emploi salarié
en France, et la réforme du
5 mars 2014 poursuit une décentralisation
qui fait écho et complète
celle des formations initiales, mise en
oeuvre en 2004. “Les Régions couvrent
le champ des formations initiales et de
la formation professionnelle continue,
ce qui permet de donner de la cohérence
en matière de prospective sur les besoins
en qualification et l'offre de formation à
déployer sur tout le territoire", indique
Muriel Hurtaud, la secrétaire générale
de l'Opca Unifaf pour l'Île-de-France
(qui représente 19 % de la collecte
nationale). “Dans cette perspective, et en
lien avec la Direction régionale de la jeunesse,
des sports et de la cohésion sociale,
nous sommes associés aux démarches
d'élaboration des schémas régionaux des
formations sanitaires et sociales et au programme
qualifiant de la Région en direction
des demandeurs d'emploi."

“Synergies et actions
concertées"


Les services régionaux dédiés à la formation
initiale et continue ne dépendent
pas des mêmes directions. Néanmoins,
comme le souligne Muriel Hurtaud, les
synergies et actions concertées se sont
beaucoup renforcées ces dernières années.
“Notre partenariat avec la Région et
avec l'État (la Direccte, le Carif-Oref Défi
métiers, Pôle emploi et les Missions locales)
s'est également renforcé depuis 2012, autour
de notre mobilisation conjointe en
faveur de l'insertion des jeunes peu ou pas
qualifiés dans la branche associative sanitaire,
sociale et médico-sociale."

D'une manière générale, “les Opca sont
de plus en plus positionnés sur des logiques
territoriales emploi-formation. Cette tendance
se confirme au travers des nouvelles
mesures phares issues de la réforme de
mars 2014, telles que le conseil en évolution
professionnelle ou le compte personnel
de formation".

Professions réglementées

Pour de nombreux postes dans le social
ou le médico-social, comme assistant de
service social, par exemple, un diplôme
d'État est exigé. De fait, il existe une
pénurie structurelle de professionnels
diplômés depuis plusieurs décennies
dans ces branches. Une situation qui a
incité très tôt l'Opca à s'investir pour
des cursus relevant historiquement de la
formation initiale. Ainsi, Unifaf consacrait
en 2013 43 % de sa collecte aux
formations qualifiantes, soit 151 millions
sur 350 millions d'euros, pour
16 000 bénéficiaires.

De leur côté, les Régions interviennent
aussi fortement dans la qualification
de ces secteurs, à l'instar du Limousin,
qui consacre annuellement 12 millions
d'euros à la baisse des frais de scolarité,
voire à la gratuité de certaines formations,
dans le champ du maintien à
domicile notamment, mais aussi pour
les chômeurs non indemnisés par Pôle
emploi.

Des cursus complémentaires
aux formations qualifiantes


Avec l'explosion du chômage et les
multiples problèmes sociaux induits,
ou encore le vieillissement de la population,
les besoins en formation professionnelle
restent très importants,
notamment pour qualifier les salariés
“faisant fonction", qui ne disposent pas
d'un diplôme d'État correspondant au
poste occupé...

Les besoins en main-d'oeuvre augmentent
constamment et le nombre de
salariés a progressé de 14 % ces cinq
dernières années dans la branche, avec
une pénurie constante d'auxiliaires de
vie formés dans le secteur du maintien
à domicile, par exemple. Les publics
pris en charge supposent bien souvent
des cursus complémentaires aux formations
qualifiantes, comme pour la prise
en charge des malades d'Alzheimer.
Les collectivités territoriales et les acteurs
de la formation professionnelle
conjuguent leurs efforts pour faire face
à ces besoins. “Nous favorisons des formations
gratuites pour les aides-soignants,
que nous finançons à 70 %, le solde est
abondé par Pôle emploi", explique Fadila
Khattabi, la vice-présidente du Conseil
régional de Bourgogne.

Rôle croissant de la formation
continue


Très longtemps, la formation initiale a
été la voie royale pour les cursus diplômants.
Ce n'est plus le cas, souligne
Jean-Marie Poujol, le président d'Unifaf.
“La principale différence entre les
deux voies d'accès à nos métiers que sont
la formation initiale et professionnelle est
aujourd'hui le financeur." La formation
continue s'intègre de plus en plus dans
les stratégies d'orientation des étudiants,
explique Christine Racinoux, responsable
des formations de tuteurs à l'École
régionale du travail social d'Olivet
(Loiret).

“Il suffit d'avoir un niveau équivalent au
brevet des collèges pour intégrer une formation
de moniteur éducateur, qui dure
deux ans, indique-t-elle Ensuite, par le
biais de la validation des acquis de l'expérience,
en un an, un moniteur éducateur
peut devenir éducateur spécialisé. Alors
qu'en formation initiale, il faut un niveau
bac pour entrer en formation, laquelle
dure trois ans. De plus en plus de jeunes
professionnels misent sur la stratégie qui
leur permet de gagner plus rapidement
leur vie."

Les Régions aux manettes,
pour 35 diplômes


Depuis la loi du 13 août 2004, la gestion
des cursus de 35 diplômes du secteur social
et médico-social relève des Régions,
qui sont tenues de définir et de mettre en
oeuvre la politique de formation des travailleurs
sociaux, de recenser les besoins,
mais aussi d'agréer et de financer les établissements
de formation.

Mais “les responsabilités des Conseils régionaux
sur les formations dans le secteur
social et médico-social vont se renforcer
avec la loi du 5 mars 2014", indique
Diane Bossière, directrice de l'Unaforis
(Union nationale des associations de
formation et de recherche en intervention
sociale). “Car, désormais, ils vont
agréer les cursus éligibles au titre de la formation
continue dans le cadre du compte
personnel de formation. En fonction des
besoins du territoire qu'ils recenseront, ils
pourront construire une complémentarité
avec les dispositifs de formation initiale."

“Au plus près des décideurs
régionaux"


Du côté des Opca Uniformation (pour
l'économie sociale) ou Unifaf, la décentralisation
est à l'oeuvre depuis des
années. Cette démarche, qui s'inscrit
dans la logique d'apporter davantage
de services de proximité aux adhérents,
permet également d'être au plus près des
décideurs régionaux du secteur.

“Nous avons une délégation technique et
politique dans chaque région, explique
Jean-Marie Poujol. Par ailleurs, nos différentes
enquêtes emploi démontrent que
nous sommes des acteurs de proximité essentiels
pour accompagner nos adhérents sur
ces questions. Nous sommes un organisme
décentralisé avec une logique nationale."
Et d'ajouter : “Depuis deux ans, nous
avons délégué la gestion de 70 % de nos
fonds d'intervention mutualisés, pour
permettre de développer des programmes
spécifiques répondant aux problématiques
régionales."

Cela permet, par exemple dans le
Languedoc-Roussillon, de développer
une action de gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences. “L'objectif
est de favoriser la mobilité des salariés
dans le cadre du vieillissement des publics
accueillis, qui suppose de nouvelles compétences.
Cette décentralisation de la gestion
du budget permet aussi d'être plus réactif
pour mener des actions cofinancées avec les
décideurs régionaux."

“Les organismes
de formation sont pour la plupart
territorialisés"


En raison de la baisse des budgets alloués
pour les formations initiales, les établissements
ayant un agrément pour former
aux diplômes d'État de ces branches se
positionnent de manière croissante sur
le marché de la formation continue et
finalisent, de fait, sur le terrain le rapprochement
entre les deux voies.

“Aujourd'hui, pour la formation continue,
les organismes de formation sont pour la
plupart territorialisés, à l'échelle régionale
ou départementale, comme c'est le cas historiquement
pour le formation initiale.

De 50 à 70 % de leur chiffre d'affaires
proviennent des collectivités territoriales,
dont la Région en premier lieu, reprend
Diane Bossière. Le reste du financement
provient des Opca ou d'autres services déconcentrés
de l'État."

À ses yeux, “l'avenir est de développer
des partenariats avec les employeurs du
secteur, associations et collectivités territoriales
qui reconnaissent et apprécient
les compétences des centres de formation
du travail social, pour l'élaboration
d'une offre de formation qui repose sur
une réelle connaissance du secteur, de ses
réalités et de ses métiers".
Il s'agit d'une offre qui est souvent réalisée
sur mesure, “dans un environnement
où la concurrence avec les organismes qui
dispensent une formation continue généraliste
est intense"...