Opcalia aimerait “s'occuper de tout" pour ses adhérents

Par - Le 15 mai 2014.

Les Opca n'ont pas attendu la réforme pour évoluer de leur rôle initial de collecteurs-répartiteurs vers
des activités de conseil et d'accompagnement. Mais les échéances fixées par la loi du 5 mars 2014
les contraignent à accélérer leur mutation. Chez Opcalia, deuxième Opca interprofessionnel (par le
volume de collecte), on se prépare activement. Rencontre avec son directeur général, Yves Hinnekint.

La fin de la contribution obligatoire des
entreprises au plan remet en cause le rôle
de collecteur-répartiteur qui était celui
des Opca. Que vont-ils devenir ?


La réforme fait effectivement disparaître la
part de 0,9 % au titre du plan de formation,
mais le plan, lui, subsiste. Dans les
entreprises de moins de 50 salariés, déjà, où
une part de contribution mutualisée demeure
(0,4 % pour les moins de 10 salariés ; 0,2 %
de la masse salariale pour les 10-49), mais
aussi celles de plus grande taille, où il devra
faire l'objet d'un contrôle accru des instances
représentatives du personnel. En ce qui
nous concerne, sur les 93 000
entreprises adhérentes de notre
réseau, 95 % sont des PME
de moins de 50 collaborateurs
et 73 % comptent moins de
10 salariés, qui continueront
à devoir verser à l'Opca.
Bien sûr, nous avons aussi
un certain nombre de grands
comptes. Mais ce n'est pas
parce que la loi défiscalise le
plan de formation qu'il cesse
pour autant d'exister. La loi de
1971 a vécu et, demain, les
entreprises vont devoir passer
d'une mécanique de gestion
d'enveloppe à une logique
d'investissement. Les directions
des ressources humaines et
les services formation vont
devoir apprendre à persuader
leurs Codir [comités de
direction] et leurs IRP [instances
représentatives du personnel] de
la plus-value pour l'entreprise
que représentera la dépense de
formation.

Les entreprises pourraient
être tentées d'externaliser la
gestion de cette dépense aux
Opca, dont la réforme étend
les activités de conseil...


Opcalia s'y prépare. Même si ça ne
bouleversera pas son ADN en profondeur,
puisque cela fait longtemps que nous nous
positionnons sur l'accompagnement des
entreprises. Mais il est vrai que ça bouge,
du côté des entreprises. Il y a encore un
mois et demi, le réflexe, chez les plus de
300 salariés, c'était de vouloir gérer en
interne la part de 0,2 % de la masse salariale
dédiée au compte personnel de formation
pendant les trois premières années grâce
à un accord d'entreprise. Aujourd'hui, les
mêmes s'interrogent pour déterminer si elles
ne préféreraient pas laisser cette gestion à
leur Opca, pour optimiser cette dépense. Pour
notre part, en tant qu'Opca, notre ambition,
c'est de pouvoir déployer une nouvelle offre
de services suffisante pour être en mesure de
dire à nos entreprises adhérentes : “Laissez,
on s'occupe de tout !"

Dans ce but, nous avons lancé, depuis trois
mois, un grand plan d'action stratégique
dans tout le réseau Opcalia pour adapter nos
compétences à cette réforme de fond. Ce plan
sera présenté au conseil d'administration
avant l'été et, dès septembre, alors que
se négociera notre prochaine convention
2015-2018, nous disposerons d'une vision et
d'objectifs quantifiés pour les trois années
à venir.

Comment ce plan se traduira-t-il en termes
de conséquences RH pour les salariés
d'Opcalia ? Existe-t-il un risque de “casse
sociale" ?


Pour nos collaborateurs, il s'agira moins
de changer de métier que de “monter
une marche" pour s'adapter à la nouvelle
donne induite par la loi du 5 mars 2014.
Mais les compétences d'ingénierie ou
d'accompagnement existent déjà en interne.

Évidemment, l'annonce d'une nouvelle
réforme génère du stress et de l'inquiétude
parmi nos équipes, comme c'était déjà le cas
avec celle de 2009 qui s'est traduite par un
“mariage à sept" au terme du “mercato" [ 1 ]Opcalia ayant accueilli en son sein les branches
des télécommunications (ex-Opca Auvicom), des
entreprises de propreté (ex-Faf Propreté), du secteur
du textile, de l'habillement et du cuir (ex-Forthac),
des services du monde rural (ex-GDFPE), de
l'enseignement et la formation privée (ex-Opca EFP),
ainsi que de quelques branches du commerce et de
l'alimentation de détail (ex-Opcad).
,
mais nous comptons bien mettre sur la
table le budget nécessaire pour assurer à
nos collaborateurs les formations qui leur
permettront d'adapter leurs compétences aux
nouvelles missions d'Opcalia. Quant à savoir
si le champ de notre réseau va changer, si
nous allons implanter de nouveaux bureaux
régionaux ou tenter d'être présents dans
chaque département, ce n'est pas déterminé
pour l'instant.

En revanche, nous sommes déjà en train de
réfléchir au développement d'autres solutions
formation, notamment numériques, parmi
lesquelles la création d'un Mooc.
L'“e-Opcalia" est en route !

Comment votre Opca prépare-t-il
la transition du Dif vers le compte
personnel de formation ?


C'est une interrogation sur laquelle nos
conseillers sont sollicités tous les jours.
Beaucoup d'entreprises adhérentes
demeurent encore persuadées que le CPF
n'est qu'une évolution du Dif. Or, non. C'est
un dispositif tout à fait différent, avec
d'autres financements, d'autres modalités
d'usage et de gestion. Et cela, il faut
l'expliquer aux entreprises.

Opcalia est contacté quasi quotidiennement
par des commissions sociales d'employeurs,
des réseaux de franchisés ou de grands
comptes pour que nous leur présentions la
réforme et ses implications. Les entreprises
sont en train de se doter d'une culture sur
le sujet.

Le vrai problème avec le Dif sera
essentiellement celui de la transition des
“catalogues Dif" proposés par certains
prestataires de formation. Je pense
particulièrement aux organismes de langues
qui faisaient souvent financer leurs formations
au titre du Dif et adaptaient leurs contenus
pédagogiques ou leurs cours de préparation
aux tests type Toefl [ 2 ]Test of english as a foreign language, ou test
d'anglais langue étrangère.
(dans le cas de
l'anglais) aux 120 heures prévues par le droit
individuel à la formation. Là, oui, il va falloir
se préparer au changement. Et Opcalia peut
aussi accompagner les prestataires vers une
adaptation de leur offre à la réforme.

Mais d'une manière générale, la question du
CPF n'est pas un sujet d'inquiétude majeure
pour nous. L'enjeu est surtout de faire
comprendre aux entreprises qu'elles doivent
passer d'une culture de dépense de budget
obligatoire à une culture d'investissement
et à la création d'articulations entre les
nouveaux droits des salariés et leurs besoins
de formation. Beaucoup le comprennent
déjà. Même si nous nous attendons à être
particulièrement sollicités en 2015, lorsque
la réforme entrera pleinement en vigueur,
bien sûr.

Opcalia se positionne-t-il aussi sur
l'accompagnement des entreprises à
l'entretien professionnel ?


Aussi. Mais là encore, ce n'est pas une
nouveauté, puisque nous assurions déjà un
rôle de conseil à nos adhérents pour d'autres
entretiens professionnels. Concernant
ce nouveau dispositif qu'est l'entretien
professionnel, nous attendons encore les
arrêtés définitifs qui en détermineront les
contours exacts, mais nous travaillons d'ores
et déjà sur un serious game destiné à sa
gestion.

Avec le passage du “1,6 %" au “1 %",
certains Opca pourraient se retrouver en
dessous de la barre des 100 millions de
collecte : de nouveaux rapprochements
sont-ils à envisager ?


Je ne suis pas convaincu que la réforme
entraînera des différentiels de collecte à ce
point importants que certains Opca passent
sous ce seuil. Très concrètement, aujourd'hui,
je suis incapable de dire combien Opcalia
perdra − ou pas, d'ailleurs − en termes de
collecte. Nous constaterons peut-être un
infléchissement du plan, mais certaines
branches, par négociation conventionnelle,
dépassaient déjà le seuil de contribution fixé
par la loi.

Chez Opcalia, ce dépassement conventionnel
représente environ 60 millions d'euros
et plusieurs branches − essentiellement
composées de PME − réfléchissent déjà à
de nouvelles négociations pour fixer une
contribution à verser à l'Opca qui puisse
leur permettre de disposer encore de fonds
mutualisés correspondant à leurs besoins.
Mais, de toute façon, si notre offre de services
est à la mesure des besoins de nos adhérents,
on ne perdra rien.

Le pacte de responsabilité devrait imposer
aux branches d'observer les politiques de
GPEC déployées [ 3 ]Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences.
. Les Opca peuvent-ils se
positionner sur ces missions ?


Là encore, nous avons déjà été récemment
sollicités. Pour assurer cette mission
d'observation, d'une part, mais aussi pour
aider à déployer l'ingénierie nécessaire à
la création de certificats de qualification
professionnelle de branche, ainsi que pour
accompagner leurs commissions paritaires
nationales emploi-formation.

Mais les Opca disposent-ils de
suffisamment de collaborateurs – et
formés à la nouvelle donne – pour leur
permettre d'assurer concrètement les
services induits par la loi du 5 mars ?


Opcalia compte 830 collaborateurs, dont près
de 400 sur des tâches de front-office, c'est-àdire
en relation directe avec les entreprises.
La ressource humaine est là. Mais
évidemment, il va falloir l'adapter aux besoins
de nos adhérents, puisque c'est du service que
nous leur proposerons que dépendra l'attitude
des entreprises de notre réseau, ce qui est
normal. Un important plan de formation va
être déployé auprès de nos collaborateurs
et particulièrement sur les classifications
de “conseiller formation" et d'“assistant de
formation". C'est un élément essentiel pour
que nous réussissions la transition.

Notes   [ + ]

1. Opcalia ayant accueilli en son sein les branches
des télécommunications (ex-Opca Auvicom), des
entreprises de propreté (ex-Faf Propreté), du secteur
du textile, de l'habillement et du cuir (ex-Forthac),
des services du monde rural (ex-GDFPE), de
l'enseignement et la formation privée (ex-Opca EFP),
ainsi que de quelques branches du commerce et de
l'alimentation de détail (ex-Opcad).
2. Test of english as a foreign language, ou test
d'anglais langue étrangère.
3. Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences.