Pacte de responsabilité : les “contreparties" ont été définies

Par - Le 15 mars 2014.

Deux séances de réunion
paritaires relatives au
pacte de responsabilité
(tenues les 28 février et
5 mars) ont été nécessaires
pour que les partenaires
sociaux s'accordent
sur les “contreparties"
auxquelles le patronat est
prêt à consentir en échange
d'une baisse des charges
de 30 milliards d'euros
et d'une simplification
de l'encadrement
réglementaire pour les
employeurs. Un compromis
jugé “gagnant-gagnant
pour les entreprises, les
salariés et les demandeurs
d'emploi" par la partie
patronale, et par la CFDT,
la CFTC et la CFE-CGC.

Le 5 mars, les débats se sont prolongés
toute la journée. “Franchement,
c'est chaud, même si le
volet formation a pu susciter un
relatif consensus et peu de réécritures",
nous confiait un négociateur
du Medef lors d'une suspension de
séance. Pour cause, le texte présenté
aux syndicats le matin par la partie
employeurs ne présentait aucun élément
réellement chiffré − notamment
en matière de création d'emplois − sur
les contreparties consenties par les
employeurs. De quoi inquiéter les représentants
des salariés. Sans objectifs
quantifiés, il ne pouvait, en principe,
y avoir de pacte de responsabilité...

Une “délibération
interprofessionnelle" sur
la GPEC


Côté formation, les employeurs
consentent à mener un effort particulier
en direction du développement
des compétences et des qualifications
des salariés, particulièrement
dans le cadre du travail d'élaboration
des listes des formations éligibles au
compte personnel de formation. “Il est
demandé aux branches professionnelles
de travailler sur l'accompagnement des
entreprises dans le développement des
compétences et des qualifications de
leurs salariés, avant tout dans les TPE
et PME", annonce ainsi le texte sorti
des débats du 5 mars. À cette fin, une
délibération interprofessionnelle sera
lancée avant la fin de ce premier semestre,
afin de mettre à la disposition
des branches les outils nécessaires à
la construction de politiques de gestion
prévisionnelle des emplois et des
compétences (GPEC) et de développement
des qualifications. “Une méthodologie
et un appui seront également
proposés pour l'élaboration des listes des
formations éligibles au compte personnel
de formation pour favoriser l'évolution
professionnelle, l'insertion et le maintien
dans l'emploi", précisent les conclusions
des réunions paritaires.

Quant à la montée en compétences
des salariés, elle devra être prise en
compte par les branches profession
nelles “dans un délai cohérent avec la
trajectoire pluriannuelle du pacte de responsabilité"
dans le cadre de leur négociation
sur les classifications.

Pas d'engagements chiffrés
sur l'apprentissage


Concernant les jeunes, le texte prévoit
la mobilisation des dispositifs prévus
par l'Ani “jeunes" du 7 avril 2011
(prorogé en 2012, puis en 2013), à savoir
un suivi renforcé et un accompagnement
personnalisé pour les jeunes
demandeurs d'emploi et décrocheurs
par le réseau des Missions locales et les
services de Pôle emploi. En revanche,
sur le sujet de l'apprentissage et au vu
des très récentes évolutions de la législation
en la matière, les partenaires
sociaux ont fait le choix de ne pas s'engager
sur des éléments chiffrés. “La
réalisation des objectifs dépendra dans ce
domaine de l'engagement de l'État et des
Régions à accompagner ce volet du pacte
de responsabilité", souligne le document
qui ouvre cependant la possibilité
d'ouvrir des concertations au plan
national et régional pour définir des
objectifs plus précis.

Les branches
en première ligne


Ce sont donc les branches professionnelles
que le texte place en première
ligne pour assurer le suivi de ces engagements
et il appartiendra à chacun
d'entre elles − en fonction de ses spécificités
et de ses réalités économiques −
de définir ses objectifs quantitatifs et
qualitatifs en termes d'emploi qui figureront
dans un relevé de conclusions
signé (ou un accord) qui devra être
finalisé avant la fin de l'année.
Aussi, le relevé des conclusions du
5 mars ouvre la possibilité pour chaque
branche d'établir un premier bilan
avant l'été prochain. Les partenaires
sociaux, cependant, n'ont pas souhaité
fixer un cahier des charges et des
objectifs uniformes à chaque branche
professionnelle, car “la réussite du pacte
de responsabilité passe par le respect de la
diversité des branches et de la réalité économique
des entreprises".
Dès l'ouverture du texte à la signature,
trois des cinq confédérations syndicales
(CFDT, CFTC, CFE-CGC) ont laissé
entendre leur avis favorable.

Benjamin d'Alguerre

LE CHIFFRAGE, CE GRAND ABSENT...

Fallait-il que le relevé des conclusions fixe
des contreparties “chiffrées" ou “quantifiées"
aux 30 milliards d'exonérations de charges
patronales ? Au final, il renvoie surtout
l'essentiel des engagements aux branches
professionnelles, même s'il fixe des dates
limite aux négociations qui doivent s'y ouvrir.
“C'est l'échelon le plus pertinent pour tenir
ces négociations, car, à l'exception de cinq
d'entre elles (télécoms, restauration, etc.),
toutes les branches professionnelles voient
leurs marges financières augmenter", nous
assure Alain Giffard, secrétaire national de
la CFE-CGC en charge de l'économie et de
l'industrie. “Nous avons obtenu des garanties
suffisantes pour que, dans les branches, il y
ait des objectifs chiffrés en termes de création
et maintien d'emplois", indique Joseph
Thouvenel, vice-président de la CFTC. La
CFDT approuve également cette logique de
négociation par branche. “Chacune connaît
ses propres spécificités économiques : il
aurait été absurde d'imposer au plan national
des objectifs chiffrés, qui se seraient imposés
à toutes", souligne Hervé Garnier, secrétaire
national cédétiste responsable des politiques
en direction des jeunes. L'essentiel, à ses
yeux, reste l'entame, avant la fin du premier
semestre 2014, de la délibération interprofessionnelle
permettant aux branches de
disposer d'outils nécessaires à la construction
de politiques de GPEC et de développement
des qualifications en leur sein, ainsi que la
possibilité d'effectuer un premier bilan de leur
engagement avant l'été prochain. “L'objectif,
c'est d'arriver à la prochaine conférence
sociale avec des repères sur la situations
dans les branches. Nous sommes conscients
que toutes n'auront pas débuté leurs négociations
à cette date, mais certaines, comme la
métallurgie, ont déjà annoncé qu'elles allaient
le faire."

La montée en compétences des salariés et les
classifications constituaient l'un des “points
durs" des débats paritaires. “Soyons réalistes :
il faut que les entreprises investissent sur le
qualitatif, et donc sur la formation pour faire
monter en gamme les compétences de leurs
salariés et donc leur production", estime Alain
Giffard. “D'où l'importance de tenir compte de
la montée en compétences des salariés dans
le cadre de la négociation des branches sur
les classifications", précise Hervé Garnier.
Une reconnaissance des qualifications qui
a provoqué quelques tensions avec le camp
patronal, particulièrement la CGPME.

Paradoxale
“déresponsabilisation" ?


Autre tonalité au siège de la CGT : Thierry
Lepaon, le secrétaire général, n'a pas mâché
ses mots en conférence de presse, le 6 mars :
“C'est un pacte de régression sociale."
Fustigeant les “200 milliards d'euros offerts
au patronat sans qu'il n'ait jamais de comptes
à rendre". Pour Marie-Laurence Bertrand,
secrétaire confédérale de la CGT, “Pierre
Gattaz avait déjà prévenu : aujourd'hui, le
pacte ne contient bien aucun chiffrage sur les
engagements du patronat". Et Thierry Lepaon
de reprendre : “Il y a, et je veux le dire avec
un peu de gravité, une déresponsabilisation
aujourd'hui des entreprises sur les sujets de la
formation et de la qualification. Il faut que nous
soyons plus offensifs. Ce sont des questions
qui nous préoccupent et sur lesquels nous
allons travailler." Selon lui, ni l'accord national
interprofessionnel ni le pacte de responsabilité
ne règlent la question. “On a créé l'illusion de
droits individuels aux salariés dont on ne sait
pas comment ils vont être financés."

Dans le relevé de conclusions du 5 mars,
“nulle part n'apparaît le terme de contreparties
employé par le président de la
République !", s'insurge de son côté Stéphane
Lardy, secrétaire confédéral en charge de la
formation à Force ouvrière. Il craint l'irréversibilité
du processus enclenché par l'octroi des
allègements de charges. “Lorsque je signe un
accord collectif, si une partie ne le respecte
pas, je dois pouvoir le dénoncer et obtenir
réparation. Que fera-t-on si le patronat ne
respecte pas sa part du contrat ? On lui supprimera
les aides accordées ? Ce ne sera pas le
cas. Si on le fait, les employeurs brandiront le
risque de destruction des emplois." Il estime
qu'augmenter les exonérations, c'est créer
des trappes à bas salaires et basses qualifications.
“Ce que dit cet accord, c'est : on va
vous aider sur les bas salaires. Peu importe si
vous ne les formez pas, on va vous aider à mal
les payer. C'est une mauvaise comédie qui ne
nous glorifie pas..."

B. d'A., Célia Coste, Béatrice Delamer