Pierre Ferracci, l'analyste de la formation

Par - Le 15 mai 2014.

Chaleureux et tout aussi intarissable sur
l'évolution du modèle social français que
sur le football ou sur la Corse qui l'a vu
grandir, Pierre Ferracci était plus connu dans
le champ de l'emploi que de la formation
professionnelle avant 2007. Depuis, dans un
secteur où tous louent son dynamisme et son
esprit de synthèse, c'est pour chacun l'artisan
qui a posé cette année-là les jalons de l'accord
national interprofessionnel formation du
7 janvier 2009. Il faut dire que le patron du
groupe Alpha, leader sur le segment du conseil
aux instances de représentation du personnel,
est un spécialiste aguerri du dialogue social.
Ainsi, la surprise dans sa nomination (par un
gouvernement de droite) tenait moins à sa
légitimité qu'à son engagement à gauche.
“Le problème n'est pas d'être de droite ou de
gauche, ni même d'être un spécialiste ou non.
Tout l'enjeu est d'avoir une vision de la société
où l'on vit. Ce qui caractérise Pierre Ferracci,
c'est sa capacité d'analyse objective d'une
situation", explique le député UMP vosgien
Gérard Cherpion. “Je suis engagé à gauche,
en ayant le souci de faire bouger les lignes
et de rechercher des compromis équilibrés.
C'est indispensable sur des dossiers comme
la formation professionnelle", explique Pierre
Ferracci, qui regrette que la réforme de
2009 soit incomplète. “Nous n'avons remis
en cause les compétences de personne.
L'État, les Régions, Pôle emploi continuent
de financer tout et n'importe quoi. C'est un
constat que nous partageons avec Pierre
Ferracci", précise Bertrand Martinot, qui était
délégué général à l'emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP) en 2008.

Toujours “au milieu du gué"

Pierre Ferracci ne travaille plus actuellement
sur la formation professionnelle, a contrario
de son fils Marc, qui a consacré dès 2006
une thèse à l'évaluation de la qualité dans
le secteur. Néanmoins, il a suivi de près
la dernière réforme. “Après la réforme en
demi-teinte et incomplète de 2009, on s'est
encore arrêté au milieu du gué en 2014. Une
négociation du plan de formation, tous les
trois ans, en même temps que
la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences,
aurait été la bienvenue, pour
que la formation professionnelle
ne reste pas en dehors des
préoccupations de l'entreprise",
observe-t-il.

Puisque il n'y a pas de corne
d'abondance, Pierre Ferracci
estime que les réformes
auraient dû inscrire une
obligation de formation pour
les publics les plus éloignés
de l'emploi. “Les entreprises
forment assez naturellement
les salariés qui sont les plus
adaptés à leurs besoins de
croissance et de compétitivité.
Elles ont un peu plus de mal
avec d'autres, moins bien lotis.
C'est là qu'il faut faire appel,
au nom de l'intérêt général et
de la compétitivité du pays, à
leur responsabilité sociale. Les
partenaires sociaux ont un rôle
essentiel à jouer, dans l'entreprise et dans la
branche, avec les Régions sur les territoires."

Irriguer d'autres réformes...

Un rendez-vous raté, la dernière réforme ?
Pas totalement, il y a des points positifs qu'il
faudra consolider sur le terrain, selon Pierre
Ferracci. “L'entretien professionnel est une
excellente nouveauté et le compte personnel
de formation est une idée généreuse, mais, si
l'on veut éviter l'échec retentissant du Dif, il
ne faut pas reproduire les mêmes erreurs.
Il faut davantage préciser les priorités et avoir
le courage d'admettre que certains publics
fragiles ont davantage besoin de formation
que d'autres. Certaines formes d'égalitarisme
sont à l'opposé de l'égalité républicaine."

De même, la formation doit irriguer d'autres
réformes, et notamment le pacte de
responsabilité. “La baisse de charges massive
accordée aux entreprises est l'occasion rêvée
de proposer des contreparties concrètes pour
donner plus rapidement à notre économie
les compétences nécessaires et assurer une
compétitivité durable."

La formation n'est pas tout. Ce supporter
de toujours de l'équipe de football du GFC
Ajaccio, le deuxième club de la ville, est
aussi président de Paris FC. Un club qu'il
souhaiterait voir fusionner avec le Red Star
ou avec Créteil, pour former un deuxième
grand club francilien. La fusion, une évolution
inéluctable et souhaitable également, selon
lui, entre les grandes centrales syndicales,
à l'heure de la désaffection générale des
salariés. L'avenir de la démocratie sociale,
encore un sujet sur lequel est intarissable
celui qui dit préparer sous cinq ans sa
succession à la tête du groupe Alpha. Cinq
ans c'est long, ça laisse le temps d'accepter
d'autres missions dans le champ, ou non, de
la formation…