Quel avenir pour la déclaration 24-83 ?

Par - Le 01 avril 2014.

Chaque année, les entreprises remplissent une déclaration pour informer l'administration fiscale
du respect de leur obligation de financer la formation. C'est la 24-83. Cette année, la nouvelle loi sur
la formation professionnelle semble l'avoir vidée de son sens. Qu'en est-il réellement ? Décryptage.

La loi du 5 mars 2014 sur la formation
professionnelle a-t-elle
signé l'arrêt de mort de la déclaration
24-83 ? C'est en tout cas
ce que laisse présager la mutation
des obligations des entreprises. Avec la
suppression du 0,9 % affecté au plan
de formation, la déclaration 24-83,
permettant de prouver que l'entreprise
s'est “libérée" d'une obligation fiscale,
semble bien perdre tout son sens.
Même si une nouvelle “contribution
unique" (de 1 % pour les entreprises
de 10 salariés et plus, et de 0,55 %
pour les moins de 10) a été instaurée.
Car à ce titre, les entreprises ne peuvent
plus (ou ne pourront plus, à l'entrée
en vigueur de la loi) “imputer" les dépenses
de formation qu'elles engagent
directement. Plus d'imputation, plus
de déclaration ?

L'obligation d'information
de l'administration


Aujourd'hui, et cela jusqu'en 2016 [ 1 ]Étant donné que la contribution unique de 1 %
n'entrera en vigueur qu'à partir de l'année de
participation 2015, la 24-83 en sa forme actuelle ne
sera supprimée qu'en 2016.
, les
entreprises listent les actions de formation
menées en interne et en externe
et directement financées par elles.
En fournissant des justificatifs, elles
prouvent qu'elles ont consacré plus de
0,9 % de la masse salariale à la formation
dans la limite du cadre des actions
“imputables". Si ce n'est pas le cas, une
somme compensatoire est versée à l'administration
fiscale.

“La 24-83 n'a plus de raison d'être à
partir du moment où le 0,9 est supprimé.
L'entreprise verse des sommes
libératoires aux Opca et cela suffit à
attester de la dépense", explique Alain
Druelles, directeur adjoint de la formation
au Medef. Si les versements
obligatoires aux organismes collecteurs
des sommes dues au titre du Cif
et du Dif figurent dans la déclaration,
ils n'en sont pas l'enjeu principal.
Mais si elle a été vidée de son sens, la 24-
83 pourrait bien malgré tout continuer
d'exister, sous une forme différente.
En effet, la nouvelle loi sur la formation
professionnelle prévoit désormais
la transmission par l'employeur aux
autorités administratives “des informations
relatives aux modalités d'accès à la
formation professionnelle de ses salariés".
Une disposition assez vague qui devrait
être précisée par un décret en Conseil
d'État. “Si le contrôle ne passe plus par
la 24-83, l'entreprise conserve une obligation
d'information à l'administration",
explique Fouzi Fethi, juriste à Centre
Inffo. Et d'ajouter : “Reste à savoir si
l'administration se contentera d'un état
statistique sur les modalités d'accès à la
formation des salariés ou, au contraire,
exigera encore des informations financières
allant au-delà du versement effectif
du 1 %."

Ces entreprises qui
“jouent le jeu"


“La formation relève de la responsabilité
sociale de l'entreprise. C'est un
véritable levier de compétitivité, car elle
nourrit le capital humain, qui est l'un
des plus précieux actifs immatériels",
rappelle Emmanuelle Pérès, déléguée
générale de la Fédération de la formation
professionnelle (organisation
d'employeurs des organismes de formation
privés). Et cela, les entreprises
l'ont bien compris. “Elles jouent véritablement
le jeu, car elles consacrent en
moyenne plus de 3 % de la masse salariale
pour tout le volet formation professionnelle
continue, versement aux organismes
collecteurs inclu", constate Alain
Druelles. C'est précisément en faisant
le pari de la conscience, par les entreprises,
de l'intérêt qu'elles retirent
de la formation que les négociateurs
(décembre 2013), puis le Parlement
(février 2014), ont supprimé la contribution
“plan de formation".

La “responsabilité" implique
la traçabilité


Depuis quelques années, la jurisprudence
a introduit une notion
d'“employabilité", qui oblige l'employeur
à être attentif et vigilant quant
au maintien de la capacité professionnelle
de ses salariés à occuper un emploi.
C'est ce qu'a voulu entériner la
nouvelle loi, à travers l'introduction
des entretiens professionnels. L'objectif
affiché n'est pas d'évaluer le salarié,
mais de faire le point avec l'employeur
sur les possibilités de formation qui
s'offrent à lui. Cette loi prévoit un
entretien tous les six ans, à l'occasion
duquel sera dressé un état des lieux
sur les formations passées, les acquis
de certification et la progression salariale
et professionnelle. Des sanctions
sont introduites dans le cas où le salarié
n'aurait bénéficié d'aucun de ces éléments.

“Le financement de la formation n'était
qu'un moyen. Aujourd'hui, la nouvelle
loi permet aux entreprises de se reconcentrer
sur leurs obligations premières en
la matière. Et cela pourrait avoir pour
conséquence de déplacer le contentieux
vers le prud'homal", ajoute Fouzi Fethi.
Plus de liberté pour les entreprises,
mais surtout plus de responsabilités.
Car l'obligation de prouver que
des actions de formation ont bien été
financées d'une année à l'autre ne permet
pas aux entreprises de s'exonérer
de leur responsabilité de collecte des
documents prouvant la mise en place
de la formation. Cela pourrait se révéler
bien utile en cas de contentieux. “La
nouvelle loi introduit l'idée d'un formalisme
moindre. Cependant, les entreprises
auront tout intérêt à conserver tous les
documents venant attester des actions de
formation en faveur des salariés. Même
sans contrôle, une traçabilité de la formation
sera nécessaire."

Quid des statistiques ?

Si la principale vocation de la déclaration
24-83 réside dans le fait de déclarer
ses dépenses en matière de formation,
ce n'est pas la seule démarche à
accomplir. En effet, le recto du document
administratif concernant la participation
des employeurs au développement
de la formation continue
vise à collecter des données relatives à
l'entreprise. Nombre d'heures de formation
selon les catégories de salariés
ou encore nombre de salariés dans l'entreprise,
des informations précieuses
qui alimentent les bases de données
des administrations afin d'établir des
statistiques publiées notamment par la
Dares [ 2 ]Direction de l'animation de la recherche, des
études et des statistiques (ministère du Travail).
ou le Céreq [ 3 ][Centre d'études et de recherches sur les
qualifications->www.cereq.fr
] Quid alors de ces
recensements si la déclaration venait à
disparaître ? Alain Druelles plaide en
faveur d'un allégement administratif.
“Il serait logique que les informations
soient collectées dans une unique base
de données. Cela permettrait d'alléger
les contraintes administratives des entreprises
en évitant de la paperasse inutile.
C'est dans la droite ligne de ce que le président
de la République nomme le « choc
de simplification »."

“Les métiers de la formation
vont changer"


Nombreuses sont les dépenses imputables
au titre de la formation professionnelle.
Parmi elles, la rémunération
du responsable formation et plus généralement
les dépenses engendrées par
l'existence d'un service formation dans
l'entreprise. Sans l'obligation fiscale,
on peut se demander comment vont
évoluer les métiers relatifs à la formation
au sein des entreprises.

Selon Alain Druelles, les pôles formation
ne peuvent que s'en porter mieux.
“Les métiers de la formation vont véritablement
changer dans l'entreprise. Ils
seront davantage tournés vers la valeur
ajoutée de la formation et se perfectionneront
dans l'évaluation des besoins."
Une évolution vers un métier plus stratégique,
alors qu'il a longtemps été cantonné
à des tâches purement administratives.
“L'évaluation de la formation
va être un angle majeur pour les entreprises.
Les responsables formation vont
être amenés à analyser finement le retour
sur investissement afin de construire une
politique cohérente et avantageuse pour
l'entreprise en matière de formation",
explique Emmanuelle Pérès.

Un constat optimiste qui mise sur la
bonne volonté des entreprises. Reste
à savoir si elles joueront réellement le
jeu, ce dont ne doute pas le directeur
adjoint de la formation au Medef.
“Aujourd'hui, les entreprises doivent
s'interroger sur les raisons de faire de la
formation et ce que cela leur apporte. De
ce raisonnement découleront des changements.
Mais il faut leur faire confiance,
car c'est leur propre intérêt que d'enrichir
leur capital humain."

1.
2. Direction de l'animation de la recherche, des
études et des statistiques (ministère du Travail).
3. Centre d'études et de recherches sur les
qualifications. www.cereq.fr

Notes   [ + ]

1. Étant donné que la contribution unique de 1 %
n'entrera en vigueur qu'à partir de l'année de
participation 2015, la 24-83 en sa forme actuelle ne
sera supprimée qu'en 2016.
2. Direction de l'animation de la recherche, des
études et des statistiques (ministère du Travail).
3. [Centre d'études et de recherches sur les
qualifications->www.cereq.fr