Un projet de loi “relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale"

Par - Le 15 janvier 2014.

Le pré-projet de loi
relatif à la formation
professionnelle, à l'emploi
et à la démocratie sociale
− issu de l'Ani du
14 décembre 2013 − a été
transmis début janvier pour
examen au Conseil d'État,
avant sa présentation
le 22 janvier en conseil
de ministres. Le texte
devrait être adopté avant
le 28 février prochain,
dans le cadre d'une
procédure accélérée,
et donc peu modifié.
Présentation.

Ce texte comprend trois titres : l'un
consacré à la formation professionnelle,
l'apprentissage et l'emploi,
le deuxième à la démocratie
sociale et à son financement, et le
troisième au contrôle de la formation.

Compte personnel de formation

C'est l'article 1 qui organise la mise en
oeuvre du CPF (compte personnel de
formation) − dispositif créé par la loi
du 14 juin 2013, mais jamais entré en
application − et tranche un débat de
plusieurs mois, en annonçant la suppression
du Dif (droit individuel à la
formation). Les nouveaux droits acquis
au titre du compte seront attachés à la
personne et ouverts dès l'entrée dans
la vie professionnelle (“16 ans, voire
15 ans le cadre d'un contrat d'apprentissage")
jusqu'au départ en retraite.

En période d'activité, le CPF sera alimenté
à raison de 20 heures par an
jusqu'à l'acquisition de 120 heures, puis
de 10 heures par an jusqu'à un maximum
de 150 heures, un abondement de
100 heures supplémentaires étant accordé
aux salariés des entreprises employant
plus de 50 personnes, n'ayant pas bénéficié
d'entretiens professionnels, ni d'au
moins deux des trois mesures suivantes :
action de formation, progression salariale,
acquisition d'éléments de certification
par le biais de la VAE (validation des
acquis de l'expérience).

Si la durée de la formation devait être
plus longue que le nombre d'heures
inscrit sur le compte, celui-ci pourrait
faire l'objet d'abondements par l'employeur,
le salarié, l'Opca, le FPSPP
(Fonds paritaire de sécurisation des
parcours professionnels), la branche
professionnelle, l'État, l'institution
gérant le compte personnel de prévention
de la pénibilité, le Conseil régional,
Pôle emploi, ou encore l'Agefiph,
pour les personnes en situation de
handicap.

Le CPF pourra servir à financer des
formations permettant d'acquérir des
compétences “attestées" (qualification,
certification, diplôme) en lien
avec les besoins de l'économie et la
sécurisation des parcours des salariés.
Les formations éligibles au compte
personnel de formation seront déterminées
selon des listes établies par les
partenaires sociaux. Employeur (en
cas d'accord de branche allant dans
ce sens) ou Opca prendront en charge
les frais de formation des salariés, et
le FPSPP ceux des demandeurs d'emploi.
Le compte sera géré par la Caisse
des dépôts et consignations.

Entreprise

L'article 2 prévoit le renforcement de
la négociation collective et du rôle des
instances du personnel en matière de
formation professionnelle. La négociation
triennale sur la GPEC (gestion
prévisionnelle des emplois et des
compétences) au niveau des entreprises
de plus de 300 salariés est élargie. Elle
devra
désormais traiter des critères
et modalités d'abondement du CPF
des salariés. À défaut d'accord, l'ensemble
des thèmes fera l'objet d'une
consultation du comité d'entreprise.
Consultation qui, dans les entreprises
de 50 salariés et plus, portera désormais
non seulement sur l'exécution de
l'année précédente et sur le projet de
plan pour l'année à venir, mais aussi
sur l'exécution de l'année en cours. Elle
portera sur un plan de formation qui
pourra désormais être triennal, sous
réserve d'accord d'entreprise.
Ce même article prévoit l'instauration
d'un entretien professionnel tous
les deux ans pour dresser un bilan du
parcours professionnel du salarié, ainsi
que son accès à la formation.

Périodes et contrats
de professionnalisation


L'article 3 réforme les périodes de professionnalisation
et précise les conditions
de mise en oeuvre des contrats de
professionnalisation. Les périodes de
professionnalisation seront désormais
accessibles aux salariés en CUI (contrat
unique d'insertion) ou relevant de structures
d'IAE (insertion par l'activité économique).
Leur ambition qualifiante ou
certifiante va être renforcée. Par ailleurs,
un décret précisera leur durée minimale.
Concernant les contrats de professionnalisation,
l'article 3 consacre leur gratuité
pour le salarié, avec l'obligation
de tutorat. Enfin, le projet de loi ouvre
aux bénéficiaires d'un CUI ou relevant
de l'IAE la possibilité de recourir également
à la POE (préparation opérationnelle
à l'emploi).

Financement

L'article 4 réforme le financement de
la formation professionnelle. Comme
prévu dans l'Ani (voir notre dossier, dans
ce numéro pp. 17 à 25), l'obligation fiscale
au titre du plan de formation va
être supprimée. Le projet de loi prévoit
une contribution unique, versée à un
unique Opca, avec des taux qui ne varieront
qu'en fonction du passage ou non
du seuil de 10 salariés. Ainsi, un taux
minimal unique de 0,55 % de la masse
salariale est fixé pour les entreprises de
moins de 10 salariés et de 1 % pour les
entreprises de 10 salariés et plus.
Un financement spécifiquement dédié
au CPF est également prévu, à hauteur
d'au moins 0,2 % de la masse salariale
dans toutes les entreprises de 10 salariés
et plus. Comme le souhaitaient les partenaires
sociaux, les employeurs de ces
mêmes entreprises pourront, sous réserve
d'un accord d'entreprise, financer
directement la mise en oeuvre du CPF
de leurs salariés à hauteur d'au moins
0,2 % de leur masse salariale.

Opca

L'article 5 permet d'adapter le fonctionnement
des Opca aux nouvelles dispositions
prévues par la réforme. Le projet de
loi dispose qu'ils collecteront l'ensemble
des fonds de la formation
professionnelle non
directement dépensés par
les entreprises − y compris
le congé individuel
de formation − ainsi que
les versements des entreprises
donnant lieu à une exonération
de la taxe d'apprentissage. Au-delà de la
collecte des contributions obligatoires, il
leur sera reconnu la possibilité de recevoir
des contributions supplémentaires
conventionnelles ou versées volontairement
par les entreprises. Il est prévu
de créer pour les entreprises de moins
de 300 salariés des sections particulières
de gestion des contributions, de même
qu'un mécanisme de reversement descendant
des fonds des entreprises de
50 salariés et plus vers les entreprises de
moins de 50 salariés.

Le fonctionnement du FPSPP est également
précisé. Le projet de loi prévoit
le versement par les Opca d'une part
fixée par décret − et non plus annuellement
− des contributions dues par les
entreprises de plus de 10 salariés. Le
Fonds voit son champ s'élargir, pour
prendre en compte l'accompagnement
du CFP des demandeurs d'emploi ou
de l'effort de formation des entreprises
de moins de 10 salariés. Le fonctionnement
de la péréquation est également
revu : est introduit un critère favorisant
le développement de tous les
contrats en alternance et non plus du
seul contrat de professionnalisation.
Les organismes paritaires agréés pour
la prise en charge du Cif (congé individuel
de formation) recevront désormais
leurs ressources des Opca...

Renforcement du rôle
des Régions


Le projet de loi réorganise la gouvernance
de la formation professionnelle
et de l'emploi, reprenant des dispositions
initialement prévues pour figurer
dans le second volet de l'acte III de
la décentralisation. Ainsi, l'article 11
porte sur le renforcement des compétences
des Régions. Il précise les conditions
dans lesquelles elles organiseront
et financeront le service public régional
de la formation professionnelle. La
Région sera désormais compétente visà-
vis de tous les publics, y compris ceux
relevant jusqu'à présent de la compétence
de l'État (personnes handicapées,
Français établis hors de France, personnes
placées sous main
de justice), et également
compétente vis-à-vis des
personnes ayant quitté
le système scolaire, pour
organiser les actions de
lutte contre l'illettrisme
et les formations permettant l'acquisition
des compétences-clés.

La Région coordonnera l'achat public
de formations pour son compte
et, concernant les formations collectives,
pour celui de Pôle emploi.
Elle offrira aux Départements qui le
souhaitent la possibilité d'effectuer
cet achat public. Elle pourra aussi
habiliter des organismes pour la mise
en œuvre d'actions de formation en
direction de publics en difficulté.
Ainsi, l'article 11 pose les bases de
la reconnaissance dans ce cadre d'un
SIEG (service d'intérêt économique
général) autour de la formation de ces
publics et de leur accompagnement.
Un “droit d'option" sera par ailleurs
ouvert aux Régions intéressées en vue
d'une dévolution par l'État du patrimoine
immobilier utilisé par l'Afpa
(Association pour la formation professionnelle
des adultes).

Conseil en évolution
professionnelle


L'article 12 concerne le SPO (service
public de l'orientation), coordonné
par la Région, et le CEP
(conseil en évolution professionnelle).

Concernant ce dernier, l'offre de service
associée sera définie par un cahier
des charges national et mise en oeuvre,
au plan local, dans le cadre du service
public de l'orientation. Ce service gratuit
sera délivré par cinq opérateurs
désignés par la loi (Pôle emploi, l'Association
pour l'emploi des cadres, les
Cap emploi, les Missions locales et les
Opca au titre du Cif ), ainsi que par
des opérateurs régionaux désignés par
la Région.

Gouvernance

L'article 13 simplifie la procédure
d'adoption du contrat de plan régional,
rebaptisé “CPRDFop" (contrat de
plan régional de développement des
formations et de l'orientation professionnelles),
enrichit ses thématiques et
ouvre la possibilité d'une négociation
quadripartite, puisque les organisations
syndicales ou patronales pourront désormais
devenir signataires.

L'article 14 annonce la fusion du
CNFPTLV (Conseil national de la formation
professionnelle tout au long de
la vie) et du CNE (Conseil national
de l'emploi), réunis en un “Cnefop"
(Conseil national de l'emploi, de la
formation et de l'orientation professionnelles).

En région, même principe :
seront créés des “Crefop" (Comités régionaux
de l'emploi, de la formation et
de l'orientation professionnelles), issus
de la fusion des CCREFP (Comités de
coordination régionaux de l'emploi et
de la formation professionnelle) avec
le Conseil régional de l'emploi. En leur
sein, un bureau réunira l'État, la Région
et les partenaires sociaux régionaux.
Ce même article pose également
l'existence législative de la gouvernance
interprofessionnelle nationale et
régionale.

Contrôle

Le titre III du projet de loi, et plus
précisément l'article 21, prévoit le
renforcement des moyens du contrôle
et des sanctions applicables en matière
d'apprentissage et de formation
professionnelle continue. Ainsi, le
contrôle des CFA (centres de formation
d'apprentis) et autres établissements
bénéficiaires des fonds de
la taxe d'apprentissage sera étendu
à toutes les sources de financement,
c'est-à-dire celles provenant des
Octa, mais aussi des collectivités territoriales.
Le champ du contrôle sera
également étendu aux entreprises et
aux établissements qui concluent des
conventions de formations technologiques
et pratiques avec les CFA et
autres établissements bénéficiaires des
fonds de la taxe d'apprentissage.

L'article 21 instaure également un
“droit de communication
général" auprès de l'ensemble
des acteurs qui interviennent
en matière d'apprentissage,
équivalent à celui existant
en matière de formation
professionnelle.

En ce qui concerne les sanctions,
en cas de dysfonctionnement
constaté par les
services de contrôle dans un
organisme de formation, les
sommes litigieuses devront
être reversées directement au
Trésor public – sans demande
de restitution préalable
–, au lieu d'être remboursées
au cocontractant.
Les mêmes règles devront
s'appliquer aux employeurs.
En deuxième lieu, l'article
prévoit de sanctionner les
organismes qui dispensent,
sous couvert de formation
professionnelle continue, des
actions qui n'entrent pas dans
ce champ. Là encore, il est proposé de
faire reverser directement au Trésor
public les sommes délictueuses.

Jean-Patrick Gille nommé
rapporteur


Avant même que le texte soit déposé
sur le bureau de l'Assemblée nationale,
le député PS Jean-Patrick Gille (PS)
était déjà nommé rapporteur du projet
de loi relatif à la formation professionnelle,
à l'emploi et à la démocratie
sociale. Spécialisé sur les questions de
formation professionnelle, il est vice-président
de la commission des affaires
sociales à l'Assemblée, et par ailleurs
président de l'Union nationale des
Missions locales (UNML).

Le calendrier

De sources convergentes, le calendrier
retenu pour l'examen du projet de loi
serait le suivant : examen en première
lecture le 5 février par l'Assemblée
nationale et le 18 février au Sénat. En
cas de différence entre les textes issus
des deux assemblées, une commission
mixte paritaire − réunissant des députés
et des sénateurs − se tiendrait le
24 février. Il est prévu que le projet de
loi soit définitivement adopté avant le
28 février.

Aurélie Gerlach

VERS UNE DYNAMISATION DES POLITIQUES D'APPRENTISSAGE

Le projet de loi comprend cinq articles (6 à
10, deuxième chapitre du titre I) consacrés à
la réforme de l'apprentissage. L'objectif est
de faire progresser le nombre d'apprentis de
435 000 aujourd'hui à 500 000 en 2017. Pour
ce faire, une concertation a conduit à ce projet
de loi et à une réforme de la taxe d'apprentissage
votée en loi de finances rectificative pour
2013 − dont une partie, censurée par le Conseil
constitutionnel, sera “reprise et précisée pour
permettre son entrée en vigueur au 1er janvier
2015".

Compétences des Régions

La Région doit disposer d'outils de pilotage plus
nombreux afin de pouvoir mettre en place une
politique d'apprentissage correspondant aux
besoins des territoires. L'article 6 met fin au
système des contrats d'objectifs et de moyens
(Com) conclus entre l'État et les Régions, en
cohérence avec la pleine responsabilité des
collectivités régionales sur cette compétence
et avec l'affectation directe des ressources
financières. La Région pourra néanmoins élaborer
des Com avec l'État (d'une nature différente
puisqu'elle ne reposera plus sur un
cofinancement de la compétence régionale),
les organismes consulaires et les organisations
représentatives d'employeurs et de salariés.
Cet article précise que sera mise en oeuvre
une décentralisation complète de la création
des centres de formation d'apprentis (CFA), la
Région étant investie d'une compétence exclusive
en la matière.

Contrats d'apprentissage

Le projet de loi précise les modalités de la
mise en oeuvre de la gratuité de la conclusion
du contrat d'apprentissage. Il distingue les
frais liés à la formation et les “services hors
formation", en excluant le paiement d'une participation
financière pour ces derniers. Il sera
possible de conclure un contrat d'apprentissage
dans le cadre d'un CDI, sans remettre en
cause la protection particulière dont bénéficie
l'apprenti pendant sa période de formation
théorique et pratique. Enfin, une formation
adaptée des maîtres d'apprentissage sera
progressivement généralisée, dans le cadre de
conventions de branche.

Mission des CFA

Les missions confiées aux CFA seront renforcées
sur différents registres, notamment la
consolidation du projet de formation, l'appui
aux jeunes pour la recherche d'employeur (en
lien avec le service public de l'emploi) et la relation
avec les maîtres d'apprentissage.

Coût et collecte

Le texte prévoit l'harmonisation de la méthodologie
de calcul utilisée par l'ensemble des
Régions pour déterminer le coût de formation
fixé dans la convention de création des CFA. Par
ailleurs, l'article 9 prévoit une “rationalisation"
du réseau des organismes collecteurs de la taxe
d'apprentissage (Octa), ramenant leur nombre
de près de 150 à une vingtaine au niveau national
(et un par région). Au niveau national, seuls
les Opca de branches professionnelles ou interprofessionnels
pourront être agréés à collecter
et reverser la taxe d'apprentissage. Au niveau
régional, seule une chambre consulaire sera
habilitée à le faire. Les Octa pourront déléguer
la collecte et la répartition des fonds affectés à
la taxe après avis des services de contrôle de la
formation professionnelle.

Claire Padych

LE FINANCEMENT DES PARTENAIRES SOCIAUX NE PASSERA PLUS
PAR LES OPCA


Terminé, le 1er janvier 2015, le financement
des organisations patronales et syndicales par
le biais des Opca. En lieu et place, le projet
de loi opère, dans son article 17, “une refonte
et une clarification" des ressources des partenaires
sociaux, en créant un nouveau fonds
paritaire destiné à se substituer aux financements
actuels. Un organisme piloté par les
huit organisations d'employés et d'employeurs
représentatives (CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC
et FO côté salariés ; Medef, CGPME et UPA
pour le patronat) selon la règle de la présidence
tournante, mais avec le concours d'un
commissaire du gouvernement nommé par
le ministère du Travail. Ce fonds aura “vocation
à contribuer à financer la conception, la
gestion, l'animation et l'évaluation des politiques
menées paritairement, la participation
des organisations syndicales
et patronales à
la conception des politiques publiques relevant
de la compétence de l'État pour lesquels les partenaires
sociaux sont associés". Il sera alimenté
par une contribution mutualisée des entreprises.
L'État contribuera de son côté, notamment, aux
frais de formation des représentants syndicaux.
Jusqu'alors, ceux-ci étaient assurés par l'obligation
faite à certains employeurs de maintenir le
salaire de leurs collaborateurs en formation syndicale.
Un dispositif – dit “0,08 %" – qui disparaît
dans le projet de loi.

Répartition égalitaire

En amont de la rédaction du texte, d'aucuns
avaient souligné leur crainte de voir le projet
de loi favoriser les “gros" (CFDT et CGT) au détriment
des trois “petits" (CFE-CGC, CFTC, FO).
Ce ne sera pas le cas : le texte induit la règle
d'une répartition égalitaire entre les centrales
représentatives. Cependant, les organisations
non représentatives dont l'audience est supérieure
à 3 % pourront également bénéficier
d'une partie de ces ressources, avec notamment
des crédits dédiés à la formation économique
et sociale de leurs élus. L'Unsa, Sud
ou plusieurs syndicats de branche pourraient
donc bénéficier de ces fonds.
En contrepartie, le gouvernement contraint les
partenaires sociaux à une transparence accrue.
Chaque année, toute organisation bénéficiaire
de ces crédits devra publier un compte
rendu public de leur affectation, sous peine de
s'en voir privée. Le texte prévoit qu'un rapport
global sur l'utilisation de ces fonds par les
partenaires sociaux soit annuellement adressé
au Parlement et au gouvernement.

Benjamin d'Alguerre

LA QUESTION DE LA REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE

C'est en 2017 que devrait, selon le texte,
avoir lieu la première mesure d'audience de
la représentativité patronale. Il fixe à 8 % le
seuil d'audience pour juger de la représentativité
des organisations patronales. En cela, il
se révèle conforme tant à la “position commune"
sur laquelle le Medef, la CGPME et
l'UPA s'étaient accordés avant la conférence
sociale de juin 2013 qu'au rapport remis par
le directeur général du travail, Jean-Denis
Combrexelle, à son ministre de tutelle en fin
d'année dernière.

Dans son article 15, le projet réitère l'“obligation
de présence" dans les quatre secteurs économiques
de l'industrie, de la construction, des services
et du commerce, à laquelle ne répondent
pas les organisations du “hors-champ" que sont
l'Udes (économie sociale), la FNSEA (agriculture)
ou l'UnaPL (professions libérales). Ce qui ne
devrait donc pas remodeler le paysage patronal,
même si le texte donne au ministre du Travail
des pouvoirs en matière de restructuration de
branches dès lors que les organisations d'employeurs
représentatives ont pour adhérents
moins de 5 % des entreprises de la branche.
En revanche, se posait la question de la multiadhésion
au niveau des branches. Ainsi, des
fédérations patronales aussi emblématiques
que l'UIMM (métallurgie) ou la FFB (bâtiment)
appartiennent conjointement au Medef et à la
CGPME. En cette hypothèse, “il est prévu que
l'organisation de branche répartisse ses entreprises
adhérentes et leurs salariés entre les différentes
organisations. Cette répartition doit reposer
sur des critères objectifs", prévoit le texte.

Benjamin d'Alguerre

LA CGT SE MOBILISE EN OPPOSANTE RÉSOLUE

“Je ne vais pas le cacher : 2014 constituera,
pour la CGT, un tournant vis-à-vis de la
politique menée par François Hollande." En
guise de voeux de nouvelle année, le secrétaire
général Thierry Lepaon, lors de la première
conférence de presse cégétiste de 2014, n'a
pas fait mystère d'un durcissement de ton.
Lors de la négociation sur la réforme de la
formation professionnelle qui s'est achevée le
14 décembre avant de se voir traduite par le
projet de loi, plusieurs observateurs avaient
noté des hésitations et faisaient même le pari
d'une signature finale de l'Ani par la centrale
de Montreuil. Perdu : seule parmi les organisations
de représentants des salariés, la CGT
a finalement confirmé le 7 janvier le “non" de
la direction confédérale, après consultation des
fédérations et des unions départementales.
Cette défiance vis-à-vis de l'Ani, la CGT
l'exprime logiquement envers le projet de loi.
Soixante-neuf pages d'articles dont l'application
concrète est jugée trop dépendante des
décrets gouvernementaux : “Le diable se cache
dans les détails et les détails, ce sont précisément
les décrets d'application qui seront pris
à la suite de cette loi", a prévenu le secrétaire
général.
Mais de formation professionnelle, il en sera
aussi question dans la future négociation sur
l'assurance-chômage qui débute le 17 janvier,
alors qu'aux yeux de la Confédération, le document
de cadrage transmis par le ministère aux
partenaires sociaux fait l'impasse sur l'amélioration
de la formation des demandeurs d'emploi.
“Ce sujet est principalement renvoyé à
des mécanismes d'abondement du compte personnel
de formation. En tout état de cause, les
150 heures du CPF ne permettront pas l'accès
à une formation qualifiante", juge le syndicat
qui, dans l'arsenal des “droits rechargeables"
que sa délégation défendra à la table de la
négociation, propose de faire bénéficier tout
demandeur d'emploi justifiant d'au moins vingtquatre
mois de travail dans les cinq dernières
années d'un accès à la formation diplômante
ou qualifiante dans les douze premiers mois de
son indemnisation par Pôle emploi et de faire
financer cette formation à 50 % par l'Opca dont
dépendait son dernier employeur.
Quant à l'idée d'un “Cif portable", elle n'est
pas tombée aux oubliettes, puisque la délégation
que pilotera Éric Aubin compte proposer
d'en offrir l'accès aux demandeurs
d'emploi au moment de la rupture de leur
contrat de travail.

Benjamin d'Alguerre

L'UNSA APPROUVE LE PROJET

À l'image des autres syndicats de salariés
ou d'employeurs non représentatifs,
l'Unsa (Union nationale des syndicats
autonomes) ne siégera pas à la table
du futur Cnefop (Conseil national de
l'emploi, de la formation et de l'orientation
professionnelle) qui devrait, dans le cadre
de la réforme, assurer le pilotage du
compte personnel de formation. Malgré
cela, c'est un avis positif que le syndicat
autonome a rend vis à vis du texte.
D'autant que sur les territoires, dans
les branches, ou au sein des instances
régionales de gestion du compte – les
futurs Crefop – l'Unsa, dès lors qu'elle
pourra siéger, entend bien faire entendre
sa voix.

LES RÉGIONS SATISFAITES DU PROJET DE RÉFORME

À l'occasion de l'examen du texte par le
CNFPTLV (Conseil national de la formation
professionnelle tout au long de la vie), le
13 janvier, près d'une douzaine de Conseils
régionaux étaient représentés, et ils ont unanimement
apporté leur soutien au projet que
Michel Sapin. “Les longues concertations,
exemplaires, qui ont abouti à ce projet de loi
ont toujours associé les Régions, au même
titre que l'État, les représentants des salariés
et les représentants patronaux", a résumé
Pascale Gérard, vice-présidente de la Région
Paca en charge du dossier de la formation
professionnelle.

Formations éligibles au CPF

Mais satisfecit ne signifie pas chèque en blanc.
“Il reste, du point de vue de l'ARF, un réglage à
faire", a tempéré l'élue provençale, se faisant
pour l'occasion porte-parole des Régions. Un
réglage qui porte sur les listes des formations
éligibles dans le cadre du compte personnel de
formation (CPF) que, dès le début de la concertation,
l'ARF jugeait “enfermantes", voire susceptibles
de créer de l'exclusion.

“Aujourd'hui non seulement il y a des listes,
mais ce serait des listes différenciées selon
les publics demandeurs d'emploi ou salariés.
Par ailleurs, rien ne garantit que les formations
éligibles seront qualifiantes. De plus,
ces listes se feraient sans les Régions…
alors que pour les formations destinées aux
demandeurs d'emploi, ces dernières financent
– rappelons-le – 90 % de ces formations." Et
de suggérer de substituer à ces “listes différenciées",
la liste unique et nationale du
RNCP. “Charge aux partenaires sociaux d'y
ajouter des qualifications supplémentaires", a
proposé Pascale Gérard.

La création de SIEG

Et au-delà, la secrétaire générale du PS en
charge de la formation professionnelle a
insisté sur les chantiers induits par la réforme,
dont les Régions constitueront l'un
des pivots : celui de la gouvernance du CPF,
mais aussi de l'offre de formation au niveau
régional, au travers de démarches accrues
en matière de contrôle qualité de l'offre
existante et du développement de services
d'intérêts économiques généraux (SIEG)
destinés à sortir celle-ci du “tout-marché"
pour faciliter la commande publique.
Sans compter le travail à mener entre l'Éducation
nationale et les Régions visant à
donner corps au nouveau droit à une durée
complémentaire de formation initiale, soit la
possibilité, pour un jeune de moins de 26 ans
sorti du système universitaire ou scolaire sans
diplôme de pouvoir y retourner. “Les Régions
sont très satisfaites de cette avancée et de
l'engagement fort qu'a pris l'Éducation nationale.
Il reste la procédure concrète de mise en
œuvre de ces nouveaux principes à organiser."

Benjamin d'Alguerre

UNE ÉVOLUTION AU LONG COURS

“Nous avons beaucoup de sujets à traiter en
un temps très court", a confié à L'Inffo Jean-
Patrick Gilles (député PS d'Indre-et-Loire),
rapporteur du projet de loi à l'Assemblée
nationale, au sortir d'une séance plénière du
CNFPTLV (Conseil national de la formation
tout au long de la vie), le 13 janvier. Évoquant
un “marathon" de rencontres et d'auditions
des différentes parties concernées, il a admis
que le calendrier était serré, l'examen en première
lecture étant annoncé pour le 5 février
à l'Assemblée.
Pour le député, l'Ani du 7 janvier 2014 et la
future loi répondent à deux “impensés" de la
réforme de 2009 : le financement du paritarisme
et le statut de l'obligation légale. “Ce
sont dix ans de négociations sur la formation
professionnelle qui sont sur le point d'être
parachevés ! On clôt un cycle avec la naissance
du CPF et la réforme du financement du
paritarisme. Attention, ce n'est pas la fin de
l'histoire. Si la nouvelle loi va créer de nouveaux
droits, comme le compte personnel, elle
s'inscrit également dans une évolution au long
cours, englobant le développement du droit à
la qualification, la progression d'un niveau de
qualification au cours de la vie professionnelle,
ou encore la montée en charge de la POE (préparation
opérationnelle à l'emploi)…".
Le rapporteur s'est fixé comme objectif de
faire une “lecture politique" du projet de loi.
“Ce qui compte, c'est de mettre en lumière ce
que les nouveaux droits vont changer pour les
citoyens. Il faut in fine que chacun ait un droit
d'initiative renforcé sur la sécurisation de son
parcours", a-t-il fait valoir.

Aurélie Gerlach

UN AVIS FAVORABLE
DU CNFPTLV


50 voix pour, 5 contre (dont celles de la
FSU, de la CCI et de la CGPME – la CGT
était absente), 8 abstentions et 2 “NPPV"
(ne prend pas part au vote) de la part de
FO. Le projet de loi a reçu un avis favorable
du Conseil national de la formation
professionnelle tout au long de la vie,
réuni le 13 janvier.