Image d’illustration Inffo Formation n°1074

L'apprentissage dans la fonction publique territoriale : l'impossible équation

Le CNFPT est pris en étau : d'un côté, la volonté présidentielle d'atteindre un million d'apprentis ; de l'autre, une baisse des contributions de l'État et de France compétences, pourtant indispensable à l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. Pas le choix, il faut limiter le nombre de contrats financés. (Jonathan Konitz)

Par - Le 25 juillet 2024.

La fenêtre Microsoft Teams s'ouvre et Belkacem Mehaddi s'excuse de son léger retard. Après les présentations d'usage, le directeur général adjoint du CNFPT résume la question de l'apprentissage au sein de la fonction publique territoriale : “C'est un dossier stratégique majeur." Chaque mot est pesé, à peine perturbé par les bugs de l'arrière-plan virtuel. “Un bon moyen pour les jeunes de découvrir nos métiers", pour Jean-Michel Weiss, vice-président de la FAFPT (Fédération autonome de la fonction publique territoriale) et membre du conseil d'administration du CNFPT, interrogé quelques jours plus tôt.

L'organisme a hérité du financement de l'apprentissage dans la territoriale par la loi du 6 août 2019. D'abord à hauteur de 50 % des frais de formation, puis de 100 % à compter du 1er janvier 2022 (aux termes de la loi de finances de la même année).

En contrepartie, les collectivités territoriales s'acquittent d'une cotisation additionnelle au CNFPT de 0,1 %, calculée selon leur masse salariale. L'État et France compétences s'engagent à apporter 15 millions d'euros annuels chacun. Le CNFPT met lui aussi la main à la poche (13 millions en 2024) en piochant sur son budget principal dédié à la formation professionnelle des agents territoriaux.

 

L'onde de choc

Présenté comme “pérenne", l'édifice va vite se fissurer avec un amendement au projet de loi de finances 2023, suivi d'une circulaire en mars 2023 : l'État et France compétences vont se retirer du dispositif. Si le premier continue à fournir les 15 millions d'euros (2023, 2024, 2025), le deuxième diminue progressivement sa participation (15 millions en 2023, 10 en 2024 et 5 en 2025). Au-delà de 2025, c'est l'inconnue.

Une situation étouffante car si l'argent se raréfie, l'engouement des collectivités pour l'apprentissage est lui en nette progression ! Le CNFPT a financé “8 000 contrats en 2020, un peu plus de 11 000 en 2021, 13 000 en 2022", énumère Belkacem Mehaddi. Les chiffres pour 2023 ne sont pas encore consolidés. Tout compris, le budget 2024 pour l'apprentissage dans la territoriale avoisine les 80 millions d'euros. De quoi financer 9 000 contrats, chacun “d'un coût moyen de 9 000 euros pour une durée de dix-huit mois en moyenne", calcule le directeur général adjoint.

“Ce double discours [de l'État] est préjudiciable aux apprentis, mais aussi aux fonctionnaires territoriaux !, s'emporte Jean-Michel Weiss, ces derniers financent aujourd'hui une grande partie de ces plans visant à favoriser l'apprentissage au détriment de leur propre formation continue et obligatoire !"

Que se passera-t-il au-delà de 2025, si le scénario du retrait de l'État et de France compétences se confirme ? Combien de contrats d'apprentissage le CNFPT sera-t-il en mesure de financer ? “Faites le calcul : entre 5 et 6 000", tranche Belkacem Mehaddi. “Réduire l'apprentissage au seul financement du CNFPT est une hérésie. Ce n'est pas la nature même de notre établissement", renchérit Jean-Michel Weiss.

 

Critères nécessaires

Afin de réguler les demandes des collectivités territoriales en contrats d'apprentissage, et de maîtriser les dépenses, le CNFPT a établi une liste de critères. Premièrement, pour bénéficier d'un financement de sa part, elles doivent se manifester lors d'un recensement (il s'est déroulé du 22 janvier au 22 mars 2024), préciser sur quel métier elles souhaitent recruter un apprenti et à quel niveau de diplôme. Ensuite, seront prioritaires les collectivités se positionnant sur un métier en tension (administrateurs réseau, par exemple).

Si, malgré tout, les demandes dépassent les finances du CNFPT, “nous mettrons en place un critère de régulation arithmétique en fonction de l'effectif de la collectivité. Une proportionnalité ou un plafonnement, à définir", prévient Belkacem Mehaddi.

 

Fuite des cerveaux

Au-delà de la dimension financière, Jean-Michel Weiss pointe un autre problème : la difficulté pour les collectivités de conserver leurs apprentis. “Un grand nombre ne deviendront jamais des fonctionnaires territoriaux, souffle-t-il. Leur profil aurait évolué avec le temps. “L'apprentissage ne se résume plus au BEP-CAP. On se trouve avec des niveaux bien supérieurs, qu'on a pris le temps de former et qui partent ailleurs." Belkacem Mehaddi cite les chiffres de niveau de diplôme pour 2022, pour les contrats financés par le CNFPT : “CAP-BEP (niveau 3) : 28,3 % ; bac (niveau 4) : 17,8 % ; Deug-BTS-DUT-Deust : 13,6 % ; licence professionnelle-maîtrise : 22 % ; master et diplôme d'ingénieur : 17 %."

 

Equité privé-public

Quelles solutions restent-ils au CNFPT pour affronter le dossier de l'apprentissage après 2025 ? L'hypothèse d'une hausse de la cotisation des 0,1 %, ou d'un financement par les collectivités de leur contrat, est-elle tenable ? “Cette question est éminemment politique et ne m'appartient pas", rappelle le directeur général adjoint du CNFPT.

Jean-Michel Weiss demande, quant à lui, “une équité de traitement entre les apprentis du public et du privé". Avant de rappeler le montant de l'aide à laquelle peut prétendre une entreprise dans le cadre du recrutement d'un apprenti : 6 000 euros, pour la première année, si moins de 30 ans.

Alimentée par une cotisation de la part des collectivités, calculée à hauteur de 0,9 % de leur masse salariale.