Voyage dans l'univers de la restauration de livres anciens

L'endroit a des airs de cabinet de curiosités. Sur les 290 m2, des affiches anciennes, des animaux naturalisés, des outils qui s'étalent sur des pans entiers de mur : fers à dorure, pinces, marteaux, cisailles, pinçons, scies à grecquer…

Au centre de la pièce dédiée à la reliure, d'imposantes presses à main qui permettent aux apprentis relieurs de maintenir les ouvrages à la verticale. Et puis, bien sûr des livres. Des livres partout : in-folio, in-octavo, in-quatro^{[ 1 ]}L'in-folio est une forme de livre où la feuille (in-plano) imprimée a été pliée une fois, donnant ainsi deux feuillets, soit quatre pages. In-quarto : feuille pliée deux fois, huit pages. In-octavo : feuille pliée trois fois, seize pages chaque. Un in-folio est un grand livre, un in-octavo un petit. aux couvertures en cuir qui, sur leur tranche, dévoilent des noms en latin. Tous les formats possibles sont présents. Véronique Maupin saisit l'un d'entre eux. Il est du XVIIe siècle. On entend le grain crépiter sous ses doigts. “On mesure la qualité de fabrication d'un ouvrage à sa résistance au temps. À l'époque, le papier était fabriqué avec des chiffons de lin ou de chanvre", décrypte la responsable administrative du centre, avant de se diriger de l'autre côté de la pièce où se trouve une pile de livres aux couvertures abîmées et aux pages jaunies. Cette fois-ci, dans sa main, un livre du XIXe. “Celui-ci a été fait avec une pâte industrielle. On voit que la fibre est plus cassante", montre Véronique Maupin.

Des stagiaires de toute la France et d'Europe

Depuis 2015, le CFRPE est installé à Tours, dans un quartier résidentiel de la ville, non loin de la gare. Un emplacement stratégique voulu. “Le centre a été lancé en 2009. Nous étions dans le Loiret. Nous avons souhaité être dans un lieu plus stratégique pour accueillir nos stagiaires qui viennent de toute la France et même d'Europe", souligne la responsable.

Olivier Maupin a créé le centre de formation en 2009.

Le Centre de formation de restauration du patrimoine écrit propose une préparation d'un an au CAP reliure main. En formation continue, le CFRPE dispense également une formation de trois ans de restauration de livres anciens. “Cette formation répond aux sollicitations des élèves souhaitant obtenir un niveau professionnel dans le domaine de la conservation et restauration des reliures anciennes", précise Véronique Maupin.

En parallèle, le CFPRE a mis en place une formation de restauration de documents graphiques. “Il existe une demande pour les affiches, les bandes-dessinées et les documents de l'entre-deux-guerres", détaille Oliver Maupin, relieur de formation et directeur du centre.

Devant une dizaine d'élèves, le formateur est en train d'exposer la manière d'effectuer un greffon de papier. “Quand je passe mon doigt, je ne dois rien sentir entre la greffe et le papier ancien", indique-t-il.

Venue du Var, Natacha ne manque pas une miette des différentes étapes. “Je repars à zéro, sourit celle qui travaillait dans l'hôtellerie et la restauration. Il y a longtemps que j'en avais envie." Elle n'est pas la seule à entreprendre ce virage professionnel à 180 degrés. Les trois quarts des élèves sont en reconversion. “Il y a eu un effet Covid, rapporte Olivier Maupin. Les gens ont profité de cette période pour se demander ce qu'ils voulaient vraiment faire. Nos demandes de stages ont doublé."

C'est justement pendant le premier confinement que Marc a décidé de s'inscrire à la formation de restauration de documents. Installé à Paris, il exerce le métier de retoucheur photo. “La restauration me permet de retrouver le plaisir de manipuler l'image. C'est quelque chose qui a été oublié dans mon secteur avec l'arrivée du numérique", explique-t-il. Le Parisien, travailleur indépendant, considère que cette formation qu'il a financée avec son assurance formation peut lui ouvrir de nouvelles possibilités “dans le monde pictural".

 Faire envie, il n'y a que comme cela que l'on maintient les métiers

Et c'est pour monter en compétences que Marianne a décidé de suivre ce cursus. L'auto-entrepreneuse, installée également à Paris, travaille pour une galerie d'art dans la vente et la gestion du fond. “Je vais pouvoir travailler sur le stock de la galerie et restaurer des lithographies, des estampes japonaises ou encore de vieilles cartes dont le papier est abîmé. Pour moi, c'est une nouvelle corde à mon arc."

Sur l'année 2020-2021, le CFPRE a accueilli 66 stagiaires en formation continue. “Certains ne viennent que pour quelques jours lors de modules qui leur permettent de se perfectionner sur des points précis", note Véronique Maupin. Pour son époux, la formation est une garantie de préserver “un savoir-faire. Trop d'artisans sont partis en retraite sans transmettre. Il y avait aussi chez eux, une peur de former et de créer sa propre concurrence. Moi, cela ne me dérange pas. Bien au contraire. Faire envie, il n'y a que comme cela que l'on maintient les métiers. Et je suis un amoureux de mon métier."  •

Reportage publié dans Inffo Formation n°1026

Inffo formation n° 1026, 15 février 2022 – Quels lendemains pour la formation des demandeurs d'emploi ?