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Formation : comment s'instaure le débat employeurs-salariés ?

Comment motiver les salariés à construire et améliorer leurs compétences ? L'entreprise joue-t-elle le jeu et satisfait-elle à son obligation de les former ? C'est sur ce thème que Maryline Gesbert a animé une table-ronde le 24 février.

Par - Le 01 février 2008.

Qui informe les salariés de l'offre de formation qui leur est accessible ? Selon les premiers résultats de l'enquête européenne Continuing vocational survey (CVTS)[ 1 ]CVTS3 : Enquête sur la formation professionnelle continue financée par les entreprises européennes en 2005 à destination de leurs personnels. Pilotée par la Commission européenne et Eurostat, elle comprend un volet français précisément sur l'Ani.présentée par Agnès Checcaglini, du Céreq, c'est la hiérarchie qui transmet l'information sur une formation spécifique dans 66 % des entreprises.

“Le premier vecteur de l'information, c'est le management de proximité, il a un rôle essentiel", confirme Laurent Caniard, directeur des ressources humaines de Vinci. “Il faut donc qu'il soit lui-même informé, et même formé." Dans son entreprise, un module d'autoformation porté sur un CD-Rom interactif de 45 minutes lui permet de maîtriser les dispositifs.

Pour le chef d'entreprise lui-même, la formation n'est pas “une entrée spontanée", estime Alain Druelles, chef du département Formation professionnelle continue du Medef. C'est en les questionnant sur leurs problématiques qu'ils sont amenés à la formation par leurs organisations professionnelles ou leur Opca. Point de vue partagé par Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la Fédération française de la formation professionnelle (FFP) : “L'individu se fiche des dispositifs, il veut savoir à quoi cela va lui servir."

Concrètement sur le terrain, comment s'instaure le débat entre les salariés et les employeurs ? Avec certes des différences selon la taille de l'entreprise. Agnès Checcaglini note que “plus de la moitié des entreprises de moins de 50 salariés ne conduisent jamais d'entretiens structurés de leur personnel pour identifier leurs besoins de formation, contre 14 % des entreprises de plus de 250 salariés".

Si, pendant l'entretien, sont abordés les souhaits des salariés (86 %), les objectifs individuels (64 %), les informations sur le déroulement de carrière et l'accès à la formation (64 %) et les conditions d'une formation hors temps de travail (23 %), c'est un “constat en demi-teinte, car il y a une utilisation très partielle des outils".

Pas étonnant, pour Jean de Suzzoni, représentant confédéral de la CFE-CGC : “Sécurisation des parcours, flexisécurité : ça ne veut pas dire grand-chose pour le salarié." Les préoccupations des entreprises et du salarié ne sont pas les mêmes. Il estime qu'il ne faut pas considérer la formation comme un outil au service de l'entreprise, mais comme un investissement. “Je ne sais pas si on peut motiver quelqu'un pour qu'il se forme, mais je sais comment on le démotive. Faites du retour en reconnaissance !", conseille-t-il aux employeurs. Mais au nom de la Confédération générale des Scop, Marc Olénine considère “l'implication des salariés comme essentielle" dans le développement de leurs compétences.

D'autre part, Alain Druelles alerte : “Attention qu'il n'y ait pas une obligation de se former !" Il estime que les entreprises ont plus d'un outil pour analyser les besoins, mais que la réponse des organismes de formation n'est pas assez imaginative sur le plan pédagogique. Ce à quoi Marie-Christine Soroko oppose le caractère proactif des réponses de l'offre de formation, tout en regrettant que “ni l'entreprise, ni le salarié ne mesurent les résultats".

Justement, 45 % des entreprises de moins de 50 salariés et 23 % de celles de plus de 250 salariés n'évaluent jamais l'acquisition des compétences de leurs salariés. Laurent Caniard trouve en effet très difficile d'isoler la part de la formation dans les résultats de l'entreprise, même s'il en évalue certaines ponctuellement. Jean de Suzzoni se demande finalement ce qui doit être apprécié : “Je ne sais pas faire, puisque tout se tient.

En tous les cas, il faudrait au moins évaluer la pertinence, les acquis et les transferts", suggère-t-il. Abondant dans son sens sur la nécessité de cerner ce qu'il faut analyser, Marie-Christine Soroko constate que la culture de l'évaluation n'est pas française et qu'il reste “des marges de progrès certaines !"

Notes   [ + ]

1. CVTS3 : Enquête sur la formation professionnelle continue financée par les entreprises européennes en 2005 à destination de leurs personnels. Pilotée par la Commission européenne et Eurostat, elle comprend un volet français précisément sur l'Ani.