Nissan Europe : “Le e-learning ? Nous avons tout tenté, rien ne marche"

CAS PRATIQUE

Par - Le 16 mai 2010.

Globalement, aujourd'hui, le e-learning ne fonctionne pas." Pour le moins iconoclaste, le propos interpelle d'autant plus qu'il n'émane pas d'un technophobe, mais de Michel de Koubé, directeur formation de Nissan Europe  [ 1 ]La formation Nissan Europe concerne le réseau de distributeurs indépendants, soit 3 000 points de vente et 40 à 50 000 personnes tous métiers confondus, dans 25 pays en 21 langues. Selon Michel de Koubé, l'e-learning développé pour Nissan Europe a tendance à être repris par Nissan monde. , s'exprimant aux Assises nationales de l'éducation et de la formation numériques. C'est-à-dire du responsable formation d'un groupe où le e-learning domine à hauteur de “sept modules e-learning pour une formation présentielle".

Contexte. “Nous avons introduit le e-learning voici cinq ans, sous pression économique, explique-t-il. Qu'est-ce qui a fonctionné ? Pas grand-chose. Le taux de complétion d'un produit e-learning est compris entre 0 et 30 %". Pourquoi ? “Déjà, parce que nous nous adressons à des concessionnaires indépendants, pour lesquels la formation représente du temps mort, même avec des beaux modules interactifs bien marketés." Ensuite, et peut-être surtout, selon Michel de Koubé, parce qu'il n'y aurait “pas de réflexion pédagogique de la part des prestataires". Et de leur reprocher de partir de leur offre technique, plutôt que de la pédagogie. “Qu'est-ce qui nous dit qu'un « glisser-déplacer » présente un quelconque intérêt ?", interroge-t-il, avant de déclarer : “Il n'y a pas de rapport évident entre l'utilisation d'une technologie et l'efficacité pédagogique. Aujourd'hui, nous avons tout tenté, rien ne marche."

Devant l'étonnement d'une majorité de l'assistance, composée en partie de responsables formation qui revendiquent la mise en place de dispositifs e-learning efficaces, Michel de Koubé répond : “Le e-learning est obligatoire parce qu'il répond à certaines contraintes économiques et de réactivité, mais, par contre, au niveau de l'efficacité du résultat, nous ne sommes pas du tout certains que c'est meilleur". Et d'insister : “Certes, avec le e-learning, nous gagnons du temps, il y a moins d'absence au travail et moins d'investissement pour les concessionnaires. Mais dans le cadre de la formation présentielle, les gens sortaient, partageaient leurs pratiques et cultivaient l'image de marque Nissan. Nous ne savons pas si le présentiel fonctionne beaucoup mieux, mais il apporte des choses au niveau des échanges."

Comment se fait-il que le e-learning apparaisse si peu efficace chez Nissan, quand il remporte des trophées chez le cousin Renault [ 2 ]Le serious game de formation à l'entretien de vente réalisé par Daesign pour Renault Academy a remporté le trophée du meilleur serious game de l'année au Serious Game Expo (Lyon, 9 décembre 2009), ainsi que le premier prix serious games et celui toutes
catégories confondues aux IntraVerse Awards 2010 (Monaco, 3 au 5 février 2010).
 ? “Aujourd'hui, Renault gagne des prix, mais nous sommes dans le virtuel du virtuel", répond Michel de Koubé. Précisant : “Ce produit, je n'ai pas voulu l'acheter : je veux une interaction réelle, entre le vendeur et le concessionnaire, pas entre le vendeur et une technologie", sourit-il.

Volontiers provocateur, Michel de Koubé annonce : “Le e-learning est mort…Vive le e-learning (…) : aujourd'hui, il me paraît bon dans l'information, mais n'atteint pas l'efficacité pédagogique, en dépit de coûts de création importants. Il faut que ça change." Ses pistes ? “Il faut au moins deux choses pour que le e-learning devienne un objet pédagogique efficace : il est d'abord indispensable d'avoir des outils de partage de connaissances et de bonnes pratiques, type Wikipedia, il faut également se diriger vers les jeux sérieux collaboratifs et « immersifs ». (…) L'interaction doit se faire avec le monde réel, il faut réintégrer le monde réel dans les mondes virtuels", conclut-il.

[(Pourquoi la FOAD ? “Revoir la distribution du réseau"

L'intégration des formations e-learning fonctionne plutôt bien au Cnam, explique Alain Cazes, chargé de mission FOAD au Cnam. Pourquoi ? Alors que la distribution du réseau du Cnam était “équivalent à celui de la SNCF, à savoir efficace entre Paris et la province, mais moins de ville à ville", le Cnam a souhaité rompre avec cette organisation et a mis en place des structures avec des plateaux numériques dans cinq régions (Nord-Est, Nord-Ouest,
Paris-Île-de-France, Sud-Est, Sud-Ouest).

Trois personnes minimum s'occupent de ces “plateaux". Le Cnam a en parallèle créé des outils de “captation", comme des studios de cours où les interventions des formateurs sont filmées et diffusées sur le web.

Dans ces studios également, des tableaux interactifs numériques, et des tableaux traditionnels. “L'objectif est de faire des grandes classes, et également de mettre en place une communication de classe à classe", commente Alain Cazes. Sur tout le territoire, 100 studios ont ainsi été créés, dont 12 en région parisienne.

Agathe Descamps)]

Notes   [ + ]

1. La formation Nissan Europe concerne le réseau de distributeurs indépendants, soit 3 000 points de vente et 40 à 50 000 personnes tous métiers confondus, dans 25 pays en 21 langues. Selon Michel de Koubé, l'e-learning développé pour Nissan Europe a tendance à être repris par Nissan monde.
2. Le serious game de formation à l'entretien de vente réalisé par Daesign pour Renault Academy a remporté le trophée du meilleur serious game de l'année au Serious Game Expo (Lyon, 9 décembre 2009), ainsi que le premier prix serious games et celui toutes
catégories confondues aux IntraVerse Awards 2010 (Monaco, 3 au 5 février 2010).