Sortie du “kit du praticien" pour l'accès des détenus aux savoirs de base

Par - Le 01 juin 2010.

Le magazine trimestriel de l'Association nationale de lutte contre l'illettrisme vient de publier un dossier consacré aux bonnes pratiques régionales en matière de lutte contre l'illettrisme. 26 “kits du praticien" ont ainsi été rédigés, afin de définir des solutions dans les domaines de la prévention, de l'insertion et de l'évolution professionnelle. Dans ce domaine, le kit particulier consacré à l'accès à la culture et aux savoirs de base des détenus, focalisé sur les initiatives prises dans le Limousin, recense les procédures de lutte contre l'illettrisme dans le milieu carcéral.

Les statistiques démontrent que le taux d'illettrisme, en prison, est particulièrement élevé. 64 % des personnes incarcérées ne possèdent aucun diplôme et 30 % sont en état de difficulté de lecture. Le constat est encore plus accablant chez les détenus les plus jeunes : 40 % d'entre eux se trouvent en échec face au bilan lecture et 80 % ne possèdent aucun diplôme. Or, la loi contre les exclusions de 1998 rappelle que le droit à la culture et à la formation dans le cadre des dispositifs de droit commun s'applique également aux personnes incarcérées.

Dans la région Limousin, l'atelier régional du Forum de lutte contre l'illettrisme a dégagé plusieurs problématiques et mis en place diverses actions, en partenariat avec des associations locales ou les Services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) : “Bulle de Tulle", organisés par le Spip de Corrèze à la maison d'arrêt [ 1 ]Les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus en attente de jugement, ainsi que les condamnés dont la peine n'excède pas une année d'emprisonnement. de Tulle ; “Veillée Théâtre", développée avec l'association Argos (Association sociologue culturelle d'aide aux détenus) au centre de détention d'Uzerche [ 2 ]Les centres de détention sont principalement orientés vers la resocialisation des condamnés ; “Féminité en prison", mise en œuvre par le Spip de la Haute-Vienne à la maison d'arrêt de Limoges, et d'autres initiatives sont autant d'opérations menées contre l'illettrisme en prison. “Les savoirs de base aident à la reconstruction du détenu, indique Karin Tudal, experte auprès de l'ANLCI Dordogne. Il est important de soutenir et de développer (ou re-développer) les activités de formation et les activités culturelles, car elles placent les publics concernés dans un apprentissage aussi bien formel qu'informel."

Si la palette d'actions proposées par les associations est vaste (théâtre, rencontres avec des auteurs, débats, danse, écriture et création de bandes dessinées, etc.), l'apprentissage des savoirs de base demeure cependant au cœur de tous les dispositifs de formation mis en œuvre. Ici, l'aspect culturel des activités est d'abord perçu comme un processus de déclenchement, voire de révélation, visant à sensibiliser les détenus à leurs problèmes d'illettrisme. La construction de supports (écriture de scénarios, de synopsis de bande dessinée, etc.) est placée au cœur du dispositif, en dépit de l'aspect ludique et esthétique présenté au premier abord. Les outils ou supports utilisés demeurent une production des acteurs locaux, ces outils étant bien souvent la matérialisation du projet lui-même. Quant aux actions, elles sont le fruit d'une démarche pédagogique définie par les représentants des associations, de l'ANLCI et des praticiens associés aux opérations. “En prison, l'écriture et la lecture sont porteuses de libertés", estime Catherine Tabaraud, chargée de mission régionale à Prisme Limousin.
Toutefois, le Forum a déterminé que la lutte contre l'illettrisme perd du terrain en prison. “Une politique efface l'autre", estime l'ANLCI. Du fait de la présence accrue de détenus non francophones dans les prisons, l'apprentissage du français via les méthodes FLE (français langue étrangère) est devenu une priorité. Malheureusement, l'offre de service n'a pas été adaptée à cette nouvelle demande et les heures de formation consacrées à l'alphabétisation sont restées les mêmes. De plus en plus de détenus en situation d'illettrisme sortent du système formatif chaque année et le dépistage de ces populations devient inutile dès lors que l'offre de formation n'entre pas en adéquation avec les besoins de tous les publics concernés. La parution de ce “kit du praticien" tombe donc à point nommé.

[(Les kits de l'ANLCI

Sous ce titre, ce sont les bonnes pratiques régionales qui ont servi de base à ces “véritables modes d'emploi pour agir", proposées en téléchargement sur le site de l'ANLCI. Ils sont répartis en trois catégories : évolution professionnelle, prévention et insertion.

Évolution professionnelle

  La formation aux savoirs de base en entreprise, un vecteur de sécurisation des parcours professionnels (Rhône-Alpes).

 Consolidation des compétences de base des apprentis dans le cadre de leurs parcours de professionnalisation (Provence-Alpes-Côte-d'Azur).

 Mise en place de formations de base pour les agents des collectivités territoriales (Bretagne).

 La construction de formations de base sur mesure pour les salariés (Auvergne).

 Construction de parcours de FOAD en formation de base pour les demandeurs d'emploi (Basse-Normandie).

 De la demande de formation des salariés à la mise en œuvre de solutions partenariales (Alsace).

 Comment mettre en œuvre, par étapes réussies, un parcours de formation aux savoirs de base en entreprise ? (Lorraine).

Prévention

 Pratique des centres académiques de lecture et d'écriture pour les élèves en difficulté (La Réunion).

 Formation des parents pour
l'accompagnement de la scolarité de leurs enfants (Mayotte).

 La lecture comme moyen de prévention de l'illettrisme en milieu rural
(Haute-Normandie).

  Mise en œuvre des pratiques culturelles destinées aux familles, notamment des gens du voyage, dans le cadre des programmes familiaux (Centre).

  Actions éducatives, sociales et culturelles à destination des familles pour favoriser l'accompagnement des enfants (Bourgogne).

  Ensemble vers le livre et la lecture : actions préventives éducatives et culturelles autour de la petite enfance et de l'enfance (Île-de-France).

Insertion des jeunes

 Insertion sociale et professionnelle des personnes en situation d'illettrisme en milieu rural. (Aquitaine).

 Accès à la culture et aux savoirs de base des détenus (Limousin)

  Accompagnement des jeunes 16-25 ans vers l'accès aux apprentissages de base et à l'insertion au travers des ateliers intégrant des supports numériques (Midi-Pyrénées).

 Pratiques partenariales d'accompagnement de projets et de parcours d'insertion (Pays de la Loire).

 Accompagnement en formation des jeunes en situation d'illettrisme en milieu rural (Languedoc-Roussillon))]

Notes   [ + ]

1. Les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus en attente de jugement, ainsi que les condamnés dont la peine n'excède pas une année d'emprisonnement.
2. Les centres de détention sont principalement orientés vers la resocialisation des condamnés ;