Jean-Marie Luttringer : {“Le Cif, un droit structurant et significatif qui mérite d'être développé"}
Par Nicolas Deguerry - Le 16 novembre 2011.
Parmi toutes les voies d'accès des salariés à la formation instaurées depuis 40 ans, le congé individuel de formation (Cif) demeure pour le juriste et consultant expert du droit de la formation Jean-Marie Luttringer le dispositif à privilégier. S'il ne s'est pas révélé être le “nouveau congé payé" que d'aucuns voulaient y voir à sa création, le Cif est tout de même devenu selon lui “le droit le plus structurant et le plus significatif", apparaissant aujourd'hui comme “un droit robuste qui a défié la durée et qui mérite d'être développé". Les plus d'un million de salariés bénéficiaires le démontrent, “à l'épreuve du temps, c'est lui qui a rendu les services les plus clairs et les plus évidents au salarié, même si c'est en quantité limitée", précise-t-il en ajoutant que “tout le monde n'a pas envie de se former tous les jours".
Identifiant le contrat de professionnalisation, le Cif et le plan de formation comme les “trois voies d'accès principales" du salarié à la formation, Jean-Marie Luttringer se montre plus réservé quant à la période de professionnalisation et au Dif, qui mériteraient selon lui d'être “reconsidérés" si l'on devait simplifier le système. “Que l'employeur et le salarié aient intérêt à se mettre d'accord sur des objectifs communs, cela me paraît être dans l'ordre des choses", commente-t-il, “mais cela n'appelle pas nécessairement des dispositifs comme la période ou le Dif". Ceci d'autant plus que, “de toute manière, la jurisprudence crée une obligation générale de formation à l'initiative de l'employeur".
À tout le moins faudrait-il “sortir le Dif de l'ambiguïté du droit individuel dans laquelle il est inscrit à l'heure actuelle", plaide-t-il : “c'est simplement un droit d'initiative qui permet au salarié d'entrer en discussion avec son employeur pour se mettre d'accord sur un projet commun", inscrit “dans l'espace de l'entreprise". Cela “peut-être utile pour éviter qu'il y ait de la prescription de formation contre la volonté du salarié, mais cela n'a rien à voir avec le congé individuel de formation".
Aussi peut-être faut-il voir dans le Dif le résultat d'ambitions inachevées des partenaires sociaux et du législateur. “Si on se projette dans la voie du compte individuel de formation, le Dif pourrait être un signe précurseur", avance Jean-Marie Luttringer. “Mais cette voie n'a encore rien donné alors que c'était le projet central du président de la République et d'autres candidats. Cela n'a débouché sur rien alors que c'est autour de cette idée que devait se faire la dernière réforme". La solution ? Peut-être développer au sein des Fongecif “un régime de base, dit de solidarité pour tous", auquel s'ajouterait “un régime complémentaire, où chacun pourrait se voir ouvrir un compte individuel s'il en a l'usage : on aurait là, d'une part, le Cif et, d'autre part, des comptes individuels issus de la négociation collective". Mais si un tel montage pourrait avoir du sens, Jean-Marie Luttringer n'en rappelle pas moins que “le compte individuel n'est rien de plus pour le moment qu'un concept, une idée non encore construite". Et de souligner que la question du compte individuel de formation apparaît par ailleurs fortement liée à celle d'une profonde refonte du financement, impliquant notamment de “revoir la nature fiscale de la contribution obligatoire des entreprises".
Conclusion temporaire relative à l'accès à la formation des salariés, “l'avenir se trouve, d'une part, dans une valorisation et un développement du Cif et, d'autre part, dans la co-construction des projets entre employeurs et salariés dans le cadre du plan de formation". Co-construction qui, nous rappelle-t-il, “a d'ailleurs un rapport direct avec l'obligation d'employabilité qui, du fait de la jurisprudence, pèse sur chaque employeur". D'où la nécessité “que cela soit inscrit dans les procédures de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences individuelles et collectives".