Décentralisation de la formation professionnelle, réussite ou échec ?
Par Agathe Descamps - Le 16 novembre 2011.
La décentralisation de la formation professionnelle a été lente et douloureuse ! Si les Régions ont toujours demandé plus de compétences, elles ne les ont pas toujours obtenues. Retour sur un long bras de fer.
Si la décentralisation est effective depuis 1982 et la loi-cadre Deferre, c'est surtout avec la loi quinquennale de 1993 que l'État s'est détaché de la formation professionnelle. La loi de 2004, dite Raffarin, a mis en place, notamment, le transfert des formations sanitaires et sociales. “Avec cette loi, les compétences entre l'État et la Région sont séparées", estime Jean-Claude Carle, vice-président du Sénat et conseiller régional de Rhône-Alpes, auteur du rapport préparatoire à la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, qui permet de passer “des compétences séparées à des compétences partagées".
Si dans les années 1990, la formation professionnelle était perçue comme un traitement social du chômage, depuis une dizaine d'années “beaucoup ont pris conscience que la formation professionnelle était un véritable investissement qui permet de retrouver un emploi, de se reconvertir, d'évoluer au sein de l'entreprise, ce qui a des bénéfices sur les entreprises et sur la nation", analyse Jean-Claude Carle.
Mais les rapports entre État et Conseils régionaux “se sont détériorés du fait de leur configuration politique. Ces derniers se servent de leurs compétences pour s'opposer systématiquement à la politique mise en place par le gouvernement". Le sénateur et conseiller régional explique avoir “voulu mettre en place un véritable partenariat avec les contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle qui permet aux trois acteurs clés du secteur que sont la Région, l'État et les partenaires sociaux d'être partenaires pour la mise en place de la politique régionale de la formation professionnelle".
Mais si de nombreux observateurs parlent d'une recentralisation actuellement à l'œuvre, Jean-Claude Carle met en garde : “Ils ne la perçoivent qu'au sens politicien du terme." Pour lui, si les relations entre les deux niveaux de pouvoir se sont détériorées, ce n'est pas en raison d'un manque de marge de manœuvre des Région. “Auparavant, oui, l'État dictait et finançait, et les Régions appliquaient, mais la loi Raffarin a changé cela."
De même, les Régions alertent inlassablement sur le manque de moyens alloués par l'État pour cette compétence, mais Jean-Claude Carle le conteste : “On ne peut pas dire que l'État ne réalise pas les transferts nécessaires, les dotations correspondent à ce qui est prévu. Ce qui pose problème, c'est l'opacité qui entoure l'utilisation de ces fonds. Certaines Régions utilisent les crédits du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) pour des lignes de communications !"
Une décentralisation totale est-elle la solution ? Pas pour le sénateur. “La décentralisation est toujours perceptible, elle est sensée permettre aux différents acteurs de dialoguer. Or, cela n'est pas la réalité, car l'esprit du contrat n'est pas partagé. Aujourd'hui, la politique politicienne l'emporte sur la finalité de la formation professionnelle." Le vice-président du Sénat estime qu'il faut un pilotage à chaque niveau : “À l'État l'équité, aux Régions la stratégie et la cohérence et aux bassins d'emploi la mise en place des actions." Voilà qui est dit.