Régis Roussel, responsable de la mission Europe-Régions à Centre Inffo : {“Les Régions demandent la décentralisation de l'orientation depuis 2004, sans succès"}
Par Agathe Descamps - Le 16 novembre 2011.
Parmi les dates clés de la décentralisation, laquelle a eu le plus d'impact ?
Si la loi de 1982 est fondatrice, les premières années de la décentralisation ont vu un transfert des compétences, mais le transfert des lignes budgétaires ne s'est fait que progressivement. L'État avait en effet conservé certains champs de la formation, et nous sommes arrivés à un recoupement des champs avec les Régions. C'est la loi quinquennale de 1993 qui a permis d'éclaircir les choses. L'État s'est alors départi pleinement de ces compétences dans le champ de la formation et de l'apprentissage, et ne garde que des compétences d'exception, à savoir la formation des publics très ciblés tels que les réfugiés, les handicapés et les prisonniers.
Quel était le climat précédant la loi de 2004 et pourquoi cette loi a-t-elle été mise en place ?
Cette loi a poursuivi la décentralisation sur des angles très précis, en l'occurrence les formations sanitaires et sociales et les formations liées à la culture. Le transfert des formations sanitaires et sociales a été particulièrement difficile.
À cette époque, elles militaient déjà pour obtenir la totalité du champ de la formation professionnelle, et par extension de l'orientation, ce qui n'est toujours pas d'actualité, comme en témoigne la mise en place du service public de l'orientation et le rôle du délégué à l'information et à l'orientation. L'État a justifié ce refus par le fait qu'à l'époque, l'orientation concernait surtout la formation initiale. Il n'y avait pas encore cette vision européenne de l'orientation tout au long de la vie, qui n'a été mise en avant en France qu'en 2008, lors de la présidence française de l'Union européenne, à la demande du ministère de l'Éducation nationale.
Autre débat de l'époque, la décentralisation de l'Afpa, qui a été décidée en 2004 et qui a réellement été effective en 2009. Elle a provoqué à l'époque un véritable sentiment de démantèlement, alors que l'Afpa portait cette image de la formation qui permet l'élévation sociale, l'accès à la formation pour les demandeurs d'emploi dans des secteurs qui recrutent. Le problème de la gestion des locaux de l'Afpa s'est poursuivi après.
Comment percevez-vous l'évolution des relations État-Région dans le champ de la formation professionnelle depuis 1982 ?
La décentralisation a été lente et compliquée, mais a toujours été en marche, jusqu'à récemment. Depuis quelque temps, beaucoup ont le sentiment d'assister à une recentralisation de la formation professionnelle, comme en témoigne la création des contrats de plans régionaux de développement de la formation professionnelle, cosignés par les services déconcentrés de l'État. Ce n'est pas par hasard que le dernier colloque de l'ARF a porté sur l'“Acte III de la décentralisation". Certes, les Régions ne veulent pas spécialement agir seules, mais n'apprécient pas d'être mises devant le fait accompli.
Une décentralisation totale de la formation professionnelle est-elle réellement possible ?
Mettre en place un système cohérent et efficace quand coexistent plusieurs acteurs est toujours compliqué. L'État percevant les contributions fiscales, cela semble difficile à gérer. Il est d'ailleurs naturel qu'il s'interroge sur l'utilisation de l'argent public. Reconnaissons tout de même que, malgré les tensions politiques inévitables, beaucoup a été fait et continue d'être réalisé chaque jour pour la formation professionnelle. Les Régions exercent les compétences qui leur ont été confiées, et conservent quelque marge de manœuvre. La création récente des services public régionaux de la formation professionnelle le prouve.