Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la FFP : {“Un véritable secteur économique qui évolue en fonction de la demande et des transformations sociales"}
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 novembre 2011.
“La formation professionnelle est devenue un véritable secteur économique." Pour Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), la loi Delors de 1971 a contribué à créer “un marché qui s'est développé et légitimé".
Née en 1991 de la fusion de l'Union nationale des organismes privés de formation continue sans but lucratif (Unorf) de la Chambre syndicale nationale des organismes de formation (CNS-For) et de Syntec Formation, la FFP, qui, hasard du calendrier, souffle ses vingt bougies cette année, poursuit, depuis sa fondation, un triple objectif en accord avec l'esprit de la loi Delors, nourrie par celle de 2004 : adapter les qualifications des publics aux besoins économiques, développer l'autonomie des personnes et favoriser la promotion sociale. Une logique qui a poussé la Fédération, au cours des décennies, à agir de manière partenariale avec de nombreux acteurs du secteur (Opca, Garf, ANPE devenue Pôle emploi en 2009, etc.).
La professionnalisation croissante du secteur
Comme tous les acteurs, la FFP a dû s'adapter au fil du temps, en fonction des réglementations, bien sûr, mais aussi des changements sociaux et sociétaux. “Lors des Trente glorieuses, lorsque la loi de 1971 a été votée, la conception de la formation n'avait rien à voir avec la situation actuelle, indique la déléguée générale de la FFP. À l'époque, la notion de parcours professionnel était simple : on se formait initialement, on intégrait une entreprise, on vivait sa vie professionnelle au sein de la même structure et ce, jusqu'à la retraite. Cette vision linéaire des parcours est désormais obsolète." Car si la loi Delors visait à rendre chacun plus autonome dans son parcours de formation, ce sont surtout les changements macro-économiques nés avec le chômage de masse à partir des années 1980 qui ont poussé les acteurs du secteur à reconsidérer leur mission et leur conception du métier. “La formation professionnelle est devenue un marché, rappelle Emmanuelle Pérès, et, comme tout marché, il a évolué en fonction de la demande. Certes, aujourd'hui, 10 % des acteurs se partagent 70 % de ce marché, mais c'est la conséquence de la professionnalisation croissante du secteur qui a, naturellement, conduit à la concentration des organismes de formation. Mais cette situation n'empêche nullement l'existence et le développement d'acteurs de taille plus modeste qui sont davantage susceptibles de répondre efficacement sur des problématiques ciblées."
Démarches qualité
Pour accompagner ce professionnalisme et répondre à l'exigence d'efficience du processus de formation professionnelle, la FFP s'est engagée dès ses débuts dans les démarches qualité, en étant à l'initiative avec les pouvoirs publics de la création de l'ISQ-OPQF, l'Office professionnel de qualification de la formation en particulier. Les adhérents de la FFP sont d'ailleurs tenus d'être qualifiés ISQ-OPQF dans les deux premières années de leur adhésion.
Illusions et réelles évolutions
Toutefois, le marché n'a pas constitué le seul contexte évolutif de la formation. Aux yeux d'Emmanuelle Pérès, les professionnels du secteur ont dû, d'une part, intégrer les évolutions du financement (notamment, par les organismes paritaires collecteurs agrées, désormais amenés par la réforme de 2009 à ne plus constituer qu'une vingtaine d'entités), mais aussi des technologies déployées.
“Avant la généralisation de l'informatique, le modèle de la formation continue était calqué sur celui de l'Éducation nationale, à savoir un enseignant qui dispensait son cours face à une classe. Désormais, la relation à la formation est multilatérale et multimodale. Le formateur n'est plus un professeur, mais un animateur, un accompagnateur et un connecteur." Toutefois, l'ordinateur n'a pas représenté pour autant la révolution de la formation. “Il y a eu beaucoup d'e-illusions avant l'explosion de la bulle informatique à la fin des années 1990 !, se souvient la déléguée générale de la FFP, le tout-e-learning a prouvé ses limites et, désormais, les organismes des formules de blended learning, mêlant présentiel, apprentissage par ordinateur, tutorat mais aussi des éléments collaboratifs via des blogs, des forums ou les réseaux sociaux. La formation est devenue une occasion d'échanger avec ses pairs."
“Modèle perfectible"
Quant au modèle actuel de la formation professionnelle continue, il mérite d'être exploré plus en avant, estime-t-elle. “Le système, tel qu'il existe reste perfectible, notamment parce qu'il cloisonne les personnes à former selon qu'ils sont demandeurs d'emploi, personnes en situation de handicap, alternants, apprentis, etc. Ce schéma est obsolète et la loi de 2009 vise, en partie, à le corriger." Pour autant, Emmanuelle Pérès salue les efforts accomplis par les entreprises en matière de formation, gage de modernisation de l'économie et de transformation sociale : “L'obligation légale s'élève à 1,6 % de la masse salariale. Pourtant, en moyenne, ce sont plutôt 3 % qui sont, dans les faits, alloués à la formation des salariés. Certains grands groupes investissement même 8 ou 9 % de leur masse salariale ! Comme quoi, certaines entreprises ont bien compris l'avantage que représentait la formation continue pour créer une société de l'intelligence, de la connaissance. La formation initiale ne peut plus constituer un socle suffisant tout au long de la vie."