Lionel Urdy, directeur de l'É2C de Marseille : “Nous avons besoin des jeunes pour réussir notre mission"
Par Agathe Descamps - Le 16 juin 2011.
L'É2C de Marseille a été fondée en 1997, à l'initiative de la ville. Elle compte 65 collaborateurs, dont 24 formateurs, des chargés de mission entreprises et des “médiateurs de la vie collective". Lionel Urdy est à l'initiative du réseau É2C, fondé en 2004 avec cinq autres É2C.
Quelles sont les spécificités de l'É2C de Marseille ?
Nous en avons plusieurs. La première est l'individualisation des liens avec les entreprises, que nous avons concrétisée avec la création d'un pôle, au sein duquel travaille une dizaine de chargés de mission. Cela nous permet d'assurer la viabilité de notre portefeuille d'entreprises, qui s'élève à 2 400 partenaires. À Marseille, les jeunes ne sont pas à la recherche d'un stage, ils n'ont, pour la plupart, aucun projet professionnel, et nous construisons donc avec eux un projet. Nous avons aussi créé une filière “Métiers de bouche", en raison des nombreux débouchés dans ce secteur dans la région de Marseille. Les jeunes y apprennent les gestes professionnels, nous avons un restaurant d'entraînement et une cuisine. Autre particularité de Marseille, nous avons une majorité d'hommes, ce qui est contraire aux résultats nationaux.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans votre mission ?
Les seules difficultés que nous ayons, ce sont celles rencontrées par les jeunes. Elles sont polymorphes : elles peuvent être dues à leur éducation, à des problèmes familiaux ou sociaux. 90 % des jeunes que nous accueillons n'ont aucune idée de ce qu'ils veulent faire. 99 % viennent à l'É2C sans diplôme. En moyenne, ils ont un peu moins de vingt ans et restent six mois.
Quelles évolutions avez-vous notées depuis treize ans ?
Les jeunes font face à de plus en plus de problèmes, qui sont de plus en plus compliqués. Leur niveau moyen a baissé, notamment sur le plan des compétences fondamentales. Les situations humaines sont de plus en plus dures et cela ne se limite pas à l'accès au travail. C'est pour cela que les jeunes sont suivis par deux référents, le chargé de mission entreprise et un formateur. Et s'ils le souhaitent, ils peuvent s'adresser à l'un de nos médiateurs de la vie collective. Il est primordial d'avoir une équipe pluridisciplinaire, car lorsque les jeunes nous rejoignent, nul ne connaît tous leurs problèmes.
Quels sont vos résultats ?
Nous avons 59 % de sorties positives sur 4 000 jeunes reçus depuis la création de l'école. La plupart sont en formation pendant un an, le nombre de métiers accessibles sans diplôme s'étant fortement réduit au fil des années. Depuis 2008, nous tentons de développer les contrats en alternance, même si mener de front la formation et le travail est difficile pour ces jeunes. Dans la filière “Métiers de bouche", les résultats sont encore meilleurs, avec 80 % de sorties positives.
Et pour les autres ?
Dans les 40 % restants, nous avons chaque année des jeunes que nous perdons de vue, qui ne sont plus en contact avec Pôle emploi ou les Missions locales. D'autres ont choisi la voie de l'emploi immédiat au détriment du diplôme, pour obtenir une rémunération. Ils éprouvent des difficultés à se projeter, et pour eux, la valeur diplôme n'est pas évidente. Enfin, pour certains jeunes, nous n'avons pas pu apporter de réponse, notamment en raison de questions de maturité.
Avez-vous beaucoup d'abandons ?
La plupart se produisent en début de parcours. Nous avons créé une session d'intégration progressive qui permet aux jeunes de venir un peu la première semaine et d'augmenter leur présence au fil des semaines, car la plupart n'ont eu aucune activité depuis deux ou trois ans. L'essentiel des abandons ont lieu durant cette période. Nous ne pouvons pas les retenir s'ils ne veulent pas mettre les moyens. Nous avons besoin d'eux pour réussir !
Quels sont les retours que vous avez sur vos anciens stagiaires ?
En 2005, nous avons réalisé une enquête sur les sorties de plus de deux ans. Nous avons eu deux bonnes surprises : la première, ce sont les 65 % de réponses à notre questionnaire, ce qui témoigne du lien qui se crée entre les jeunes et nous. La deuxième, ce sont les résultats, car, plus de quatre ans après la sortie de l'É2C, 80 % sont en emploi, en majorité des CDI. Le réseau des É2C va d'ailleurs prochainement réaliser une enquête de suivi dans toutes les écoles.
Quels bénéfices voyez-vous chez les jeunes ?
Majoritairement, cette expérience joue sur leur confiance en eux-mêmes, et c'est de cela qu'ils ont besoin. Il est très difficile de construire une trajectoire professionnelle après plusieurs échecs. Mais souvent, les raisons qui les motivent ne sont pas professionnelles, mais personnelles. Ils veulent fonder une famille, déménager ou tout simplement vivre normalement !