Entretien avec Dominique Dujardin, directeur de l'É2C Essonne et vice-président du réseau É2C France
“La quasi-totalité des stagiaires qui ont fréquenté l'É2C en sortent transformés"
Par Patricia Gautier-Moulin - Le 16 juin 2011.
Comment est née l'É2C Essonne ?
Le projet a été pensé dès l'origine à l'échelle de tout le département avec l'ouverture programmée de quatre antennes devant couvrir les besoins des grands bassins de population et zones d'activité. L'École de la deuxième chance en Essonne a ouvert son premier site à Ris-Orangis en février 2004. Depuis lors, 723 stagiaires réparti(e)s en 55 promotions y ont été accueilli(e)s. Le projet a été initié au cours de l'année 2003 par le Conseil général, auquel se sont joints la chambre de commerce et d'industrie, la chambre de métiers et les communautés d'agglomération concernées, pour constituer les membres fondateurs de l'association support créée ad hoc.
Quels publics accueillez-vous ?
De manière constante, à l'entrée, un minimum de 85 % des stagiaires n'a aucun diplôme validé, le plus souvent avec un niveau n'excédant pas celui de la troisième. Parmi ceux ayant un diplôme de niveau CAP-BEP maximum, l'ancienneté de son obtention, le plus souvent combinée à une absence de pratique professionnelle ultérieure, fait que les stagiaires sont dans une situation identique à celles et ceux n'ayant aucune qualification. Depuis 2004, les deux tiers des publics accueillis vivent dans des quartiers faisant l'objet d'une intervention au titre de la politique de la ville. 50 % n'ont aucune expérience professionnelle ; pour l'autre moitié, l'expérience est très limitée.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l'É2C constitue
un tremplin. Les jeunes doivent s'inscrire de manière volontaire, définir un projet au sein de l'école. Ils doivent aussi être prêts à accepter un certain nombre de contraintes que l'on peut considérer comme propres au milieu scolaire, mais que l'on retrouve aussi dans le milieu professionnel : l'assiduité, la ponctualité, la tenue… mais aussi la vie en groupe, car, même si l'approche pédagogique est individualisée, la dimension collective fait partie des apprentissages à accomplir. Il faut, par ailleurs, qu'ils acceptent de participer à un parcours de formation en alternance global, qui comporte un travail sur l'ensemble des domaines proposés.
Quel est le parcours du jeune qui entre dans l'école ?
Au regard de ces données sociologiques et de la double mission d'éducation et d'insertion professionnelle évoquée ci-dessus, le cursus va être centré pour l'essentiel sur l'acquisition des compétences
de base essentielles – le socle de connaissances théoriques – mais aussi sur l'appropriation de compétences sociales – le savoir être – visant à faciliter l'entrée dans la vie tant du point de vue social que professionnel.
Le parcours moyen est d'une dizaine de mois à l'É2C, suivie d'un contrat en alternance en formation qualifiante ou diplômante, voire un retour en formation initiale. Il s'organise sur trois périodes. La première (cinq semaines, dont une de découverte des métiers et de l'entreprise), est consacrée au positionnement, à la préparation au changement et à l'analyse des besoins et attentes. La deuxième (vingt-quatre à trente-deux semaines, dont douze à vingt de stage) permet de consoliderle projet professionnel. La troisième (douze à seize semaines, dont six à dix de stage) prépare l'intégration professionnelle. Enfin, un suivi et un accompagnement sont assurés pour conforter l'insertion.
Ce travail suppose effectivement un accompagnement fort, que permet le taux d'encadrement : un(e) référent(e) suit un maximum de
10-12 stagiaires présent(e)s dans le cursus. En amont, il est permis
par un partenariat étroit avec toutes les structures d'orientation
et d'insertion et, en aval, par un partenariat avec les entreprises et
les organismes de formation qualifiante.
Quels sont vos projets ?
L'É2C depuis son ouverture s'est fixé l'objectif de 70 % de sorties positives, mesurées soit par une entrée en formation qualifiante – objectif précédemment inatteignable par les jeunes – soit par l'accès à un emploi stabilisé. Sur la totalité des stagiaires ayant désormais accompli leur cursus, le taux de réussite constaté a été de 72 %.
Ces résultats se confirment dans la durée : une enquête réalisée
en novembre 2010 montre que 90 % des stagiaires ayant fréquenté l'É2C Essonne depuis cinq ans et plus sont aujourd'hui en emploi,
dont 86 % d'entre eux en CDI.
Au-delà de ces marqueurs de la réussite, un autre constat mérite d'être souligné. La quasi-totalité d'entre eux en sortent transformés ; les jeunes ont, en effet, (re)découvert le goût d'apprendre à apprendre, se situent dans une perspective dynamique, ont dépassé l'état de dévalorisation de soi qui les anesthésiait, toutes progressions qui, d'une manière ou d'une autre, dans un futur plus ou moins proche, peuvent être le levier d'un nouveau départ.
Par ailleurs, dans la ligne du programme d'intervention arrêté en 2003, après l'ouverture d'un deuxième site sur le parc de Courtabœuf
en 2009, l'ouverture d'un troisième sur le sud Essonne, à Étampes,
est programmée pour fin 2011.
La Commission nationale de labellisation
La Commission nationale de labellisation, présidée par Jean-Marie Marx, directeur d'Agefaforia, est un organisme indépendant chargé d'émettre un avis motivé sur les audits qui lui sont soumis.
Elle comprend des représentants de l'État (Éducation nationale, Emploi, Ville) et des collectivités locales (ARF, ADF, etc.), des Ceser, d'organismes consulaires et d'acteurs de l'orientation
(ML, etc.).
La labellisation est délivrée aux écoles qui appliquent
les référentiels communs aux É2C, intégrés au terrain local.
Il n'existe pas un modèle unique. Mais des moyens dédiés,
une relation privilégiée avec les entreprises, la mise en place d'un parcours de formation individualisé, la délivrance d'une attestation de compétences acquises sont des critères incontournables.