Claude Jeannerot, sénateur PS : {“En quarante ans, le champ de la formation professionnelle continue a glissé des salariés vers les demandeurs d'emploi" }
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 novembre 2011.
“Lorsque la loi Delors sur la formation professionnelle continue (FPC) a été promulguée, en juillet 1971, j'avais le sentiment d'assister à un moment historique, ainsi qu'à une avancée sociale considérable !" Claude Jeannerot, sénateur et président (PS) du Conseil général du Doubs, se souvient, avec une certaine nostalgie, du contexte historique qui permit d'inscrire la formation sur le temps de travail pour tous les salariés dans le corpus législatif français.
“La France se trouvait encore dans l'élan de Mai 68. Certes, j'embellis peut-être les choses aujourd'hui, mais pour l'époque, cette loi constituait un événement révolutionnaire, non pas en tant qu'instrument de lutte contre le chômage (la France ne comptait, alors qu'environ 300 000 demandeurs d'emploi), mais comme vecteur de promotion sociale pour tous, car, avant la promulgation de la loi, ceux qui désiraient se former à de nouvelles compétence ne disposaient quasiment que des cours du soir."
Une loi révolutionnaire, mais dont la finalité n'était pas pour déplaire aux employeurs. “Au début de la décennie soixante-dix, l'enjeu de la formation professionnelle consistait aussi à répondre aux besoins de qualification que rencontraient les entreprises afin d'assurer leur développement. De fait, cette loi a permis de faire coup double !", souligne l'élu franc-comtois.
Cependant, malgré tout le positif qu'a pu apporter la loi Delors de 1971, le bilan de ces quarante années demeure contrasté, aux yeux de Claude Jeannerot. “Certes, il faut remercier Jacques Delors d'avoir permis d'inscrire cette thématique dans la loi de manière définitive, reconnaît-il, cependant, l'observation des pratiques nous impose de reconnaître que le système ainsi créé se révèle inégalitaire. Si près d'un salarié sur deux se forme sur son temps de travail, il s'agit la plupart du temps de ceux dont le niveau de qualification initiale demeure le plus élevé. Les salariés en bas de l'échelle, eux, restent les exclus de ce système."
D'autant que la finalité de la formation professionnelle continue a fortement évolué en quarante ans. “Là où la FPC représentait une façon de garantir l'adaptation des salariés à un contexte de mutation technologique et sociale de l'emploi, elle est devenue un moyen de lutter contre le chômage. Le champ de la formation a glissé vers les demandeurs d'emploi", considère l'élu du Doubs, pour qui la gouvernance de la FPC se doit d'être rendue davantage visible aux yeux des publics concernés. “Le système actuel s'avère souvent illisible, insiste t-il, d'ailleurs, la mission d'information parlementaire sur Pôle emploi que j'ai présidée jusqu'au 6 juillet dernier a rendu une analyse critique du manque de lisibilité et de fluidité de l'offre de formation. Nous gagnerions beaucoup à repenser l'information sur la formation, notamment en direction des demandeurs d'emploi."
Si, pour Claude Jeannerot, des dispositifs tels que le congé individuel de formation (Cif) ou la validation des acquis de l'expérience (VAE) demeurent “importants, mais encore marginaux", il existe, selon lui, d'autres mesures à promouvoir à l'image, par exemple, de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) et de l'alternance, “deux mécanismes de formation utiles favorisant le développement des compétences professionnelles".
Malgré son appartenance politique, Claude Jeannerot se réjouit de la création d'un ministère spécialement dédié à l'apprentissage et la formation par le gouvernement de François Fillon. Il tempère cependant : “Il n'est pas question que les apprentis deviennent de ‘nouveaux stagiaires', placés dans des cycles de formation au rabais."
Cependant, s'il existe un regret exprimé par le président du Conseil général du Doubs, il concerne l'Afpa, dont il a été de 1999 à 2004 directeur général adjoint. “En faisant perdre à l'Afpa sa dimension nationale, on l'a jetée au milieu de la concurrence, déplore-t-il. Il existe, de fait, un réel danger de voir l'Afpa contrainte de se placer sur le marché de la formation ‘low cost' pour demeurer économiquement viable". Une situation qui ne facilite guère la visibilité de l'offre de formation existante ou à venir.
De fait, le sénateur préconise un rôle accru de Pôle emploi dans le processus de formation. “Pour les demandeurs d'emploi, il est nécessaire de fluidifier l'accès à la formation et de réduire les délais d'entrée dans les cycles d'apprentissage. Pour cela, l'ex-ANPE doit apprendre à fonctionner en réseau."