Marie Morel, chargée de la sous-direction Politiques de formation et du contrôle, DGEFP
“Le regroupement aboutit à l'agrément d'organismes tournés vers une meilleure performance de gestion et un meilleur service rendu"
Par Marine Miller - Le 01 janvier 2012.
Quel bilan dressez-vous du processus de regroupement des Opca, alors que le CNFPTLV vient d'examiner les trois derniers dossiers d'agréments ?
À l'issue du processus, nous pouvons dire que l'ensemble des accords constitutifs est conforme aux dispositions légales et règlementaires. Même si cela aura nécessité, dans un certain nombre de cas, quelques ajustements. La DGEFP a fait son travail, qui consiste en un examen de conformité des stipulations de l'accord.
Quels ont été les principaux écueils rencontrés ?
De fait, l'examen des accords constitutifs a soulevé quelques difficultés. La DGEFP n'exerce pas ses compétences en opportunité sur ce point, mais réalise un contrôle de conformité des stipulations de l'accord par rapport aux dispositions légales et règlementaires. Principalement, trois aspects ont nécessité des modifications.
Tout d'abord, les stipulations visant à déroger à des dispositions d'ordre public sur le champ d'intervention professionnel des accords, c'est-à-dire revenant à permettre à l'Opca de collecter des contributions au-delà de son champ d'intervention. En l'espèce, l'article L. 6332-1 prévoit que les agréments sont attribués pour un champ géographique et professionnel strictement défini, dont la cohérence est validée par l'administration. Concernant le champ d'intervention professionnel, il n'est ainsi pas possible d'agréer un organisme se déclarant national et interprofessionnel alors que l'accord n'est pas signé par des organisations d'employeurs représentatives sur ce champ. De même, ne peut être délivré l'agrément reposant sur un accord constitutif visant à autoriser la collecte de contributions versées par des entreprises ne relevant pas de branches professionnelles identifiées et signataires de l'accord.
Deuxième point : les tentatives visant à déroger au cadre légal et règlementaire applicable en matière de gouvernance de l'organisme. Le droit est clair, une seule instance décide de la politique : le conseil d'administration, aidé des instances politiques que constituent les “sections paritaires professionnelles", dont l'objectif est de proposer au CA la prise en compte des spécificités de la branche. La règlementation prévoit que le conseil d'administration peut déléguer la mise en œuvre des décisions de gestion à des “délégataires". Sur ce dernier point et comme l'a rappelé la ministre, il ne pouvait s'agir de déléguer tout ou partie des pouvoirs du conseil d'administration, sauf à créer des Opca dans l'Opca et ainsi, à occulter une partie des objectifs de la réforme.
Enfin, certaines parties des accords de ré-agrément contrevenaient à des principes d'ordre public, comme la mutualisation des fonds, notamment en créant des fonds à l'intérieur de l'Opca.
Cet examen a été réalisé dans la plus complète égalité de traitement. Aucune dérogation n'a été accordée ici ou là. D'ailleurs comment pourrait-il en être autrement, s'agissant de dispositions d'ordre public ? Au final, dès lors que les partenaires sociaux ont eu cette légitime assurance et une fois nos observations bien comprises, les accords ont été modifiés. Aujourd'hui, tous les accords constitutifs qui ont été présentés à l'appui des demandes d'agrément sont en tous points conformes au cadre légal et règlementaire.
Par ailleurs, dans quelques cas exceptionnels, le critère de la “performance de gestion" a pu poser question. Nous traitons actuellement le sujet avec les acteurs concernés dans le cadre des Com (convention d'objectifs et de moyens). Là encore, aucun organisme ne sera en dehors des plafonds fixés par la réglementation à très brève échéance, même si cela sera réalisé en tenant compte des équilibres permettant de maintenir une bonne qualité du service rendu aux adhérents, ce qui est tout de même le premier objectif de la réforme.
Nous pouvons donc dire que le regroupement aboutit à l'agrément d'organismes tournés vers une meilleure performance de gestion et un meilleur service rendu, ce que nous devons autant au sens des responsabilités des partenaires sociaux qu'au soin que nous avons eu pour que l'esprit de la réforme soit bien effectif.
Comment se déroulent les négociations des Com avec les Opca ? Comment les partenaires sociaux se plient-ils à ce nouvel exercice ?
À ce jour, nous avons négocié 75 % des conventions d'objectifs et de moyens. Pour les autres, les présidents, vice-présidents et directeurs souhaitaient un peu de temps ou n'étaient tout simplement pas encore désignés. Nous rencontrons des acteurs responsables et soucieux de mieux répondre aux besoins de leurs adhérents. Les objectifs de la réforme ont été bien intégrés, notamment l'offre aux TPE-PME, le développement des services de proximité vers les salariés des entreprises les plus éloignés de l'accès à la formation.
La contrepartie, c'est la maîtrise des dépenses à caractère administratif. Les partenaires sociaux et les directeurs d'Opca ont parfaitement compris l'économie générale des Com, et je crois pouvoir dire qu'ils adhèrent à la démarche dès lors qu'ils ont le sentiment qu'elle n'est pas dogmatique, mais s'inscrit véritablement vers un meilleur service rendu aux usagers, sous toutes leurs formes : entreprises, salariés ou demandeurs d'emploi.
Pour eux, la Com est un passage en revue de l'ensemble de leurs frais, un baromètre de leurs dépenses. Dans la plupart des cas, le diagnostic est partagé, après quoi la discussion tourne autour de l'offre de services et des besoins qu'elle présuppose, des marges de manœuvre qui peuvent être déployées pour la financer, tout cela devant nécessairement être objectivé. Les partenaires sociaux jouent totalement le jeu. Ils ont parfaitement compris leur intérêt et nous respectons la frontière de compétences sans jamais aller sur le terrain des politiques qui leur appartient. Dès lors, les discussions sont constructives et enrichissantes et les feuilles de route clairement définies.
Qu'en est-il du devenir des salariés des Opca touchés par le regroupement de leurs organismes ? Quel est le rôle de l'État ? Quel peut-être celui du FPSPP ?
Sur ce point, nous devons également faire en sorte que le droit soit respecté, notamment celui attaché au transfert de personnel. Bien entendu, sur le plan social, de tels processus ne sont pas neutres et il nous faut les appréhender dans la Com. Ensuite, nous reverrons les dirigeants des organismes en cas de besoins si nos estimations n'ont pas été totalement justes.
Les Opca qui ne sont pas considérés comme des organismes marchands, bien qu'ils rendent des services, obtiennent l'exclusivité d'un agrément sur un champ donné, à l'exception des deux Opca interprofessionnel et interbranches. Quel est le regard de la DGEFP sur cette situation ? Comment analysez-vous la situation concurrentielle entre ces deux organismes ?
Les Opca sont agréés pour remplir une mission donnée, règlementée. Ils ne peuvent ni vendre leurs services, ni exercer d'autres missions que celles prévues par la règlementation. Ensuite, dès lors qu'ils sont acheteurs, notamment d'actions de formation ou de prestations de conseil, ils se situent sur une activité économique et donc sur un champ concurrentiel. En tant que tel, ils doivent en respecter les règles. Je crois pouvoir dire qu'ils ont aujourd'hui pleinement intégré ces points.
Les négociations des Com nous démontrent que certains sujets méritent d'être appréhendés avec l'ensemble des acteurs et le FPSPP a incontestablement un rôle à jouer sur ce point. À l'issue du processus de négociation, nous lui ferons part de nos observations et nous nous tiendrons à la disposition des partenaires sociaux pour avancer avec eux sur ces sujets, comme nous l'avons déjà fait sur d'autres dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme.
Quel sera le rôle des agents de l'État qui participeront au contrôle financier et économique au sein des Opca ?
Tout d'abord, cette initiative est une initiative du CGéfi (Contrôle général économique et financier - voir notre article), qui relève exclusivement des ministres du Budget et de l'Économie. Ensuite, et même avec la publication le 7 décembre dernier au Journal officiel de l'arrêté sur ce sujet, il n'y a pas de base juridique pour mettre en place un contrôle du Cegefi sur les Opca.
Par ailleurs, c'est sous l'autorité du ministre de la Formation professionnelle que le contrôle des dispositions de la partie 6 du Code du travail, consacrée à la formation professionnelle tout au long de la vie, s'exerce par les agents des Services régionaux de contrôle et ceux commissionnés à cet effet au sein de la Sous-direction des politiques de formation et du contrôle.
C'est aussi sous l'autorité du ministre de la Formation professionnelle qu'en application de la loi, les agréments des organismes collecteurs sont délivrés et, donc, les conditions de ces agréments vérifiés (notamment la performance de gestion, la capacité à assurer une représentation territoriale, un service de proximité à destination des TPE-PME, la capacité financière, etc.). De même, c'est sous cette même autorité que sont négociées, conclues et suivies les conventions d'objectifs et de moyens de ces organismes.
Que répondez-vous aux partenaires sociaux qui affirment que la ponction de 300 millions d'euros cette année limitera considérablement les efforts du FPSPP en matière de formation ?
Selon vous, y a-t-il un risque de déficit de trésorerie fin 2012 et, donc, de cessation de paiement ?
Le FPSPP pourra poursuivre ses missions en 2012 dans des conditions financières acceptables malgré cette disposition de la loi de finances. Naturellement, nous veillerons avec les partenaires sociaux à ce qu'il en soit ainsi.