Pourquoi l'Opca “De la fourche à la fourchette" n'a jamais vu le jour
Par Marine Miller - Le 01 janvier 2012.
Une idée avait germé dans l'esprit de certains acteurs de l'agroalimentaire et de l'agriculture : réunir au sein d'un même Opca, l'ensemble des branches du secteur, à la faveur des rapprochements induits par la réforme de 2009. Pourtant, fin 2011, deux structures bien distinctes ont obtenu leur agrément : Opcalim, issu de la fusion d'Agefaforia et d'Opca 2, et le Fafsea, l'Opca des salariés des exploitations agricoles. Pour quelles raisons ce rapprochement qui “faisait sens" n'a-t-il pas vu le jour ?
“Pour nous, c'est un regret", avoue Jean-Luc Bindel, secrétaire général de la Fnaf-CGT et négociateur du rapprochement entre Agefaforia et Opca 2. “Un rapprochement avec le Fafsea aurait permis d'assurer une meilleure formation aux salariés. Il existe des convergences entre les métiers des deux secteurs, mais des logiques de pouvoir ont pris le dessus…", développe-t-il.
À l'origine de ce projet d'un Opca “De la fourche à la fourchette" : le ministère de l'Agriculture, révèle Jean-Pierre Mabillon (FGT-FO). “Voici trois ans, avant la crise, le ministère nous a réunis afin de réfléchir à une solution. Notre organisation (FO) avait proposé à l'époque la création d'un fonds d'intervention pour les crises, alimenté par une cotisation, le surplus aurait pu servir à la formation des salariés. Les expériences du cyclone Dean ou de la crise de la « vache folle », avec ses 8 000 emplois jamais retrouvés, ont montré la nécessité d'accompagner les salariés lors de graves crises. Tout cela, évidemment, aurait pu mener à créer un grand Opca, avec des sections qui auraient gardé leurs spécificités." Concernant le fonds d'intervention, l'État a fait valoir que c'était lui qui s'occupait des crises. Quant à l'Opca, il était encore prématuré d'imaginer l'agroalimentaire et l'agriculture unis dans une même structure. “Déjà, la mise en place d'un grand Opca de l'alimentaire a été compliquée, confesse Pascal Souzy (FGA-CFDT, membre du bureau d'Opcalim), alors, pour cet Opca « De la fourche à la fourchette »…"
Selon Jean-Pierre Mabillon, “un lieu paritaire pour se rencontrer politiquement, un lieu où les organisations syndicales ont aussi voix au chapitre", aurait pu changer la donne. Au final, deux syndicats de salariés, la CGT et FO, se sont dits “prêts à se réunir pour discuter". “Cependant, il faut être plus que deux autour d'une table de négociations", remarque Michel Kerling, vice-président (FO) d'Opcalim. Et les arbitres patronaux ont en décidé autrement. L'Ania (Association nationale des industries alimentaires), la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et Coop de France (organisation professionnelle unitaire de la coopération agricole) regroupent différentes familles de métiers. Elles se sont divisées, sur la question d'un grand Opca de l'agrolimentaire et de l'agriculture. “Certains s'interrogeaient aussi sur le sort des salariés en place dans les Opca, continue Jean-Pierre Mabillon, mais on peut se demander aujourd'hui si Opcalim va reprendre quelque 200 salariés…"
“Je ne sais pas si le Fafsea fait peur, mais nous, nous étions favorable à cette idée de rapprochement", explique Bernard Levacher, vice-président FNSEA du Fafsea. “Que cela bloque avec l'Ania, c'est logique, des entreprises comme Danone sont très loin de l'agriculture", admet-il. Pourtant, avec le départ de l'Ania du Medef fin 2009, un compromis aurait pu être trouvé.
**Le coup d'après
“À un moment ou à un autre, des rapprochements contraints et forcés auront lieu, et ce parce qu'un nouvelle réforme se profile et que les seuils de collecte augmenteront. Les cartes seront rebattues à ce moment là", prévoit Bernard Levacher. “Nous entendons déjà des rumeurs de nouvelles réformes de la formation, confirme Pascal Souzy. Si le seuil de collecte passait à 300 millions ou même plus, nous pousserions très fort pour qu'un seul Opca existe." Même pronostic pour Jean-Pierre Mabillon : “Je ne désespère pas que les acteurs dépassent les problématiques de « boutique ». De toute façon, si nous le faisons pas, l'économie le fera pour nous", conclut-il, prophétique.