Développer des “espaces de liberté en entreprise"
Par Aurélie Gerlach - Le 01 février 2012.
“La formation est-elle une question d'argent ? À cette question, je répondrais que non. Est-ce une question de droit individuel ? Là encore, je ne le pense pas." C'est ce qu'a déclaré Michel Théry, chef du département formation et certification du Céreq, à l'occasion d'une conférence consacrée aux facteurs de départ en formation des adultes dans les entreprises.
Michel Théry expliquait en effet que la question du coût n'était pas déterminante. “Nous avons interrogé les entreprises qui ne forment aucun salarié. Ce qui est frappant, c'est que pour 83 % d'entre elles, le motif qui revient le plus souvent est lié au fait qu'elles n'éprouvent pas le besoin de former. Ensuite, vient le manque de ressources, qui est cité par 57 % des entreprises sondées : 41 % du total affirment manquer de temps, et 16 % seulement citent la question du coût de la formation", a précisé le chercheur. C'est pourquoi les préconisations d'incitations fiscales et d'aides financières individuelles lui semblent non pertinentes.
“L'entreprise paie, mais rafle la mise"
Citant une étude de l'Insee datant de 2006, Michel Théry a affirmé “qu'une simple augmentation de 150 euros en faveur de la formation au sein d'une entreprise augmente la productivité apparente de 0,4 à 0,8 %". Conclusion, il faut “montrer aux entreprises qu'elles ont tout intérêt à former". Avec une formule : “L'entreprise paie, mais rafle la mise."
Quant à savoir si la question des départs en formation ne se posait pas plutôt en termes de développement d'un droit individuel, le chercheur a rappelé que cette question avait récemment été beaucoup débattue. “Le récent rapport du CAS (Centre d'analyse stratégique) soutient la création d'un compte épargne formation. Alors que la réforme de 2003 avait créé le Dif." Mais Michel Théry a mis en évidence une faible évolution du recours au Dif au cours de ces dernières années, avec un taux d'utilisation ne dépassant pas 4 % des salariés.
“Un problème de liberté dans l'entreprise"
Pour Michel Théry, le facteur déclencheur de départs en formation se trouve plutôt dans le développement d'une “liberté en entreprise". Et d'expliquer : “Interroger les salariés sur leurs besoins en formation non satisfaits permet de s'apercevoir que ce sont ceux qui en bénéficient le plus qui sont également… les plus demandeurs (34 % de ceux qui expriment de tels besoins sont des cadres).
Les ouvriers ne sont que 15 % à déclarer des besoins en formation non satisfaits. En somme, plus on se forme, plus on à envie de se former."
La deuxième enquête “Difes" (dispositif d'information sur la formation employeur-salarié), que le Céreq conduit actuellement, couple une étude sur les politiques de formation des entreprises françaises avec une enquête menée auprès d'un échantillon de salariés.
Ses premières données indiquent que c'est dans les entreprises où la politique de formation obéit à une logique “démocratique", avec d'importants “espaces de liberté", que les besoins de formation s'expriment le plus. “Quand les entreprises offrent peu de formation,
les salariés n'en ressentent pas le besoin", a complété Michel Théry. _ Conclusion, il “faut que s'ouvre dans les entreprises des espaces de liberté plus amples".