Jean-Pierre Willems, consultant : {“L'interprofession est à la fois un supplétif et une super-mutualisation" }
Par Sandrine Guédon - Le 01 janvier 2012.
Quelle est la raison d'être de l'interprofessionnel dans le paysage des Opca ?
Du point de vue du paritarisme, l'interprofession assure la représentation des entreprises qui, faute de taille suffisante ou de volonté politique, n'ont pas fait le choix de mettre en place une gestion paritaire de branche de la formation professionnelle. Cette conception initiale s'est élargie ensuite à l'accueil de branches qui souhaitaient disposer des outils et services déployés, profitant ainsi d'une mutualisation gagée sur une assiette large, plutôt que de développer les leurs propres avec moins de moyens. En quelque sorte, l'interprofession est à la fois un supplétif et une super-mutualisation. Pour l'administration, l'interprofession est également une “voiture balai" qui permet de garantir que toute entreprise pourra s'acquitter de son obligation auprès d'un Opca. À ce titre, l'agrément interprofessionnel est particulier, puisque, contrairement aux agréments de branche, il n'est pas limité à la représentativité de l'accord instituant l'Opca interprofessionnel, mais couvre toutes les entreprises qui ne relèvent pas d'un Opca de branche. Par ailleurs, cet agrément “universel" permet aux Opca interprofessionnels de mettre leur action en concurrence avec celle des Opca de branche sur les fonds du plan de formation.
Le partage de l'interprofessionnel entre deux organisations patronales est-elle justifiée ?
Il s'agit d'une dérogation, prévue par la loi (et inscrite dans le Code du travail, art. L. 6332-1) au droit de la négociation collective. Un accord peut créer un Opca interprofessionnel même s'il n'est signé que par une organisation patronale. Cette dérogation acte l'impossibilité politique d'imposer un Opca unique. En même temps, serait-il plus efficace d'avoir un seul Opca interprofessionnel ? Est-ce que deux Opca ne garantissent pas mieux la mobilisation d'acteurs locaux plus nombreux ? Est-ce que l'émulation concurrentielle entre les deux Opca (qui n'exclut d'ailleurs pas les partenariats) n'est pas source d'innovation ? Il n'est pas prouvé qu'un seul Opca de plus grande taille regroupant les deux réseaux serait plus efficace : la logique d'effet de taille et d'économie d'échelle ne génère pas des gains de productivité strictement proportionnels. Il ne faut pas oublier que les Opca gèrent des ressources financières, mais sont également porteurs de dynamiques sociales qui nécessitent des structures ayant une certaine souplesse et de la réactivité.
Peut-on envisager la création d'autres Opca interprofessionnels (dans l'artisanat, le “hors-champs") ?
À ce jour, il n'existe après le Medef et la CGPME qu'une seule organisation reconnue comme interprofessionnelle : l'UPA. Or, elle n'a pas réussi à mettre en place un troisième Opca interprofessionnel de l'artisanat, le secteur se retrouvant aujourd'hui éclaté entre des Opca de branche et les deux Opca interprofessionnels. Dans le hors-champ, l'Usgeres et l'UnaPL ont la volonté d'être reconnues au plan interprofessionnel. À l'occasion de la réforme des Opca, la DGEFP a rejeté cette demande, renvoyant vers une éventuelle réforme de la représentativité patronale.
Comment ces évolutions pourraient-elles apparaître ?
Il reviendra aux partenaires sociaux puis au législateur de poser des critères clairs de représentativité patronale, comme il en existe désormais pour la représentativité syndicale. À partir de là, nul ne pourra plus échapper à la définition précise de ce qu'est une représentativité interprofessionnelle. Mais il s'agit d'une question dont les implications dépassent largement le champ de la formation professionnelle et des Opca.