Les dix ans de la VAE, entre désabusement et nouvel élan
Dix ans après la “révolution" occasionnée par l'avènement de la validation des acquis de l'expérience (VAE), créée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le dispositif fait bien partie du paysage. Une avancée que le rapport au Parlement du groupe de travail présidé par Vincent Merle [[Rapport au parlement en application de l'article 146 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale de décembre 2007 portant sur l'évaluation du dispositif au bout de cinq ans]] attestait déjà en 2008 : “En six ans la VAE est passée d'un dispositif quasi expérimental, porté par des militants, à une démarche connue du plus grand nombre et intégrée dans les politiques de gestion des ressources humaines et de qualification de très nombreuses entreprises, de branches professionnelles et de territoires."
Par Béatrice Delamer - Le 16 février 2012.
Malgré cette bonne réputation, force était quand même de constater que les objectifs quantitatifs de 60 000 certifications devant être obtenues annuellement étaient loin d'être atteints alors. Et ne le sont toujours pas aujourd'hui. En 2010, environ 53 000 candidats se sont présentés devant un jury délivrant des certifications publiques, en baisse de 7 % par rapport à l'année précédente, et seulement 30 000 d'entre eux ont décroché leur certification (- 6 %). La moitié du fameux objectif fixé par le plan de relance de Gérard Larcher en 2006. Des chiffres qui stagnent à ce niveau depuis 2007, alors même qu'il y aurait 6 millions de personnes susceptibles de pouvoir valider leurs acquis de cette manière [ 1 ] Rapport Valoriser l'acquis de l'expérience : une évaluation du dispositif de VAE, Éric Besson, 2008.
Cette croissance modérée n'inquiète guère Vincent Merle, professeur au Cnam et secrétaire de cabinet de Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des femmes et à la Formation professionnelle, lors du vote de la loi de 2002 qui croit que la VAE est “un sucre lent" (voir l'interview), surtout que, ramenée au nombre d'adultes susceptibles de suivre une formation débouchant sur une certification professionnelle (dans le cadre d'un Cif ou en suivant les cours du soir du Cnam) dans leur vie étant de 3 %, c'est près de 1 certification sur 4 qui est obtenue par la VAE selon lui. Un résultat somme toute honorable selon lui.
Il n'empêche que les rapports successifs ont pointé plusieurs raisons à ce développement modeste. Alors qu'environ 75 000 personnes sont recevables et que l'on aboutit à 30 000 certifications validées in fine, la déperdition est vertigineuse. On invoque la longueur et complexité du parcours qui incite certains à préférer une formation, plus simple à suivre et cadrée dans le temps. D'autres invoquent le peu de retour positif après un tel parcours du combattant : “Il faut se mettre à la place des gens. Comme c'est le cas pour la formation continue, comment pourraient ils être motivés, si au bout de tout cet investissement ils n'ont rien qu'une satisfaction personnelle, une certification qu'ils peuvent encadrer et mettre dans le salon ?" se demande Anne-Marie Charraud, ancien rapporteur général à la commission technique d'homologation de la RNCP. “ Les recruteurs se fondent toujours sur la formation initiale et pour que le diplôme obtenu en formation continue ou par VAE soit pris en compte, il faut changer d'entreprise. Ce n'est pas forcément une question de rémunération. C'est un problème de reconnaissance de niveaux acquis qui peuvent se traduire par un changement d'activité, par une participation différente " suggère-t-elle. L'accompagnement, l'information ou encore la lisibilité de l'offre restent à améliorer, encore et encore.
Si un travail considérable a été fait par le RNCP, trop de certifications restent inaccessibles par la VAE. Pointées par le rapport Merle “la cohérence et la lisibilité du système de certification professionnelle conditionnent en partie le déploiement de la VAE" Sur les 15 800 certifications sur le marché cette année, seulement la moitié sont inscrites au RNCP (7 088) et donc peuvent être validées par les acquis professionnels. Des irréductibles certificateurs regimbent contre la réécriture de leurs référentiels en termes de compétences, plutôt que de savoirs ou de formations.
Autant de dysfonctionnements et freins que les acteurs voudraient voir résolus. Autant de chiffres corrects qu'ils voudraient voir exploser. Surtout que la VAE reste avant tout “un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels." En ces temps de crise et de chômage partiel, elle a une place toute trouvée pour permettre à chacun de progresser d'au moins un niveau de qualification dans sa vie professionnelle, comme inscrit dans la loi de 2009. Encore faut-il une volonté politique. D'où les espoirs fondés dans une relance du dispositif. Mais, rappelle Catherine Claude-Morel., chef de projet VAE à la DGEFP “Dans le cadre de l'action publique, l'objectif n'est pas que la VAE représente une fin en soi mais bien de penser à profiter de ce dispositif pour mettre en lumière les compétences des personnes afin d'instrumenter les organismes de placement et les employeurs, soit dans le cadre d'un meilleur traitement de l'offre et de la demande d'emplois, soit dans le cadre d'une réflexion de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises et au sein des territoires "
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Notes
1. | ↑ | Rapport Valoriser l'acquis de l'expérience : une évaluation du dispositif de VAE, Éric Besson, 2008 |