Jean-Pierre Willems, consultant :{ “Si un Opca perd son agrément, la structure devrait pouvoir perdurer !"}
Par Aurélie Gerlach - Le 01 mars 2012.
Quelle analyse faites-vous du traitement des questions de dévolution par la DGEFP, dans son guide pratique sur les conséquences du renouvellement des agréments des Opca ?
La première remarque que l'on peut faire, c'est que la DGEFP considère que l'unique activité des Opca est… d'être des Opca ! En effet, elle fait comprendre dans son guide que toutes les contributions au-delà du légal relèvent de l'agrément. Or, c'est très contestable ! L'administration n'envisage même pas que les organismes puissent avoir d'autres activités, d'autres ressources. Pourtant, les exemples sont multiples : l'Opca PL gère une contribution dédiée au développement du dialogue social, l'Opca-Transports collecte une contribution de 0,3 % dont une grande partie sert à financer des formations relatives à la sécurité dans le secteur des transports et au dialogue social, quant à Unifaf, il collecte une contribution bien au-delà du légal…
Ainsi, même si un Opca perd son agrément, la structure gérant ce type de contribution devrait pouvoir perdurer et les personnes qui sont employées pour les gérer ne devraient pas être concernées par les rapprochements ! Aucune loi ne prévoit que lorsque l'on est un Opca, on n'est rien d'autre. Pourtant, la DGEFP signifie clairement qu'elle souhaite voir dissoudre les associations gérant ces contributions.
Selon quelles modalités la DGEFP souhaite-t-elle que les actes de dévolution s'effectuent ?
La DGEFP souhaite assurer la continuité des engagements qui ont été pris en matière de formation professionnelle, ce qui est bien normal. Le guide vise notamment à éclaircir la situation dans les cas où un Opca éclate, ou encore si faute d'accord de branche, les entreprises doivent choisir entre les deux organismes interprofessionnels. La question qui se pose est, en matière de dévolution des biens, actifs et passifs, de savoir si l'on doit appliquer strictement une répartition proportionnelle. C'est en tout cas la position de la DGEFP. Or, cela n'est prévu par aucun texte de loi. Ce n'est même pas applicable d'un point de vue strictement pratique (comment répartir proportionnellement un immeuble ?).
Pour rappel, la dévolution des biens est basée sur une double décision de deux CA : en premier lieu, de celui qui disparaît, puis en second, de l'organisme d'accueil. La première décision est une décision sous réserve, qui ne pourra être validée qu'après publication des comptes certifiés des organismes, vers le mois de juin. C'est à partir de ces derniers que le CA de l'Opca d'accueil basera la décision finale. Le guide indique que si aucun consensus n'a été trouvé au sein du CA, l'administration peut passer outre sa décision. Cela revient à dire qu'elle dicte aux partenaires sociaux ce qu'ils doivent faire, ce qui constitue un moyen de pression pour faire aller les CA vers la répartition à la proportionnelle. D'un côté, il n'est pas illégitime que l'administration donne sa position, bien qu'en matière d'autonomie du paritarisme, cette manière d'indiquer systématiquement ce qu'il convient de faire soit sujette à caution… Au final, tout le monde est arrivé à un accord.
Le guide aborde également la question des transferts de personnels. La position de l'administration vous semble-t-elle pertinente ?
C'est la partie concernant les transferts de personnels qui me semble la plus contestable, juridiquement parlant, dans le guide pratique diffusé par la DGEFP. Cette dernière s'en réfère en effet à l'article L. 1224-1 du Code du travail concernant les fusions et cessions d'activité. Le premier cas exposé est celui dans lequel un Opca agréé jusqu'au 31 décembre 2011 disparaît, et que ses branches n'adhèrent à aucun accord constitutif d'un autre organisme. C'est notamment le cas de l'Opcams. Dans cette configuration, les contributions des entreprises doivent être versées de plein droit aux organismes interprofessionnels.
Selon l'administration, une reprise des activités et des contrats doit être opérée entre les deux Opca interprofessionnels. Or, non seulement dans un Opca on ne trouve pas de salarié uniquement dédié à une seule branche, mais en outre, l'article L. 1224-1 suppose une reprise automatique et non que deux repreneurs opèrent un choix entre les salariés concernés ! Bref, l'article L. 1224-1 ne s'applique pas. La reprise des salariés ne peut se faire que de manière volontaire, ce qui implique, d'une part, une proposition d'un Opca, d'autre part, une acceptation du salarié concerné. Si ces conditions ne sont pas réunies, la structure doit licencier. Le cas de l'Opcams a montré clairement que ce que souhaite la DGEFP ne fonctionne pas dans la pratique. Si l'on peut comprendre la volonté de l'administration, il serait bon de ne pas s'affranchir à ce point des textes, ce n'est dans l'intérêt de personne.
Doit-on, selon vous, s'attendre à de nombreux PSE dans les Opca ?
Je ne sais pas s'il y aura beaucoup de PSE qui résulteront de la nécessité, pour les organismes, de réduire leurs effectifs. Les licenciements seront plutôt liés à des restructurations. Par exemple, un Opca qui se retrouve, du fait d'un rapprochement, avec deux réseaux de proximité, pourrait prendre la décision de regrouper les équipes de deux antennes proches dans une même ville… et tout le monde ne suivra pas forcément. D'autre part, les Opca vont se retrouver avec des doublons au niveau central. Tous vont essayer de gérer ce type de situation de manière soft, et tenteront le plus possible d'opérer des reclassements en interne, ou bien de gérer des départs individuellement.